&&000 FRANCE 8th grade 2000S FR-8TH-00S.TXT &&111 Un récit fantastique =GuydeMaupassant (=1850 =1893) a écrit de nombreux contes et nouvelles, et des récits fantastiques, comme =L'Auberge, publié en =1887. Pareille à toutes les hôtelleries de bois plantées dans les hautes =Alpes, au pied des glaciers, dans ces couloirs rocheux et nus qui coupent les sommets blancs des montagnes, l'auberge de =Schwarenbach' sert de refuge aux voyageurs qui suivent le passage de la =Gemmi`'. Pendant six mois elle reste ouverte, habitée par la famille de =JeanHauser ; puis, dès que les neiges s'amoncellent, les femmes, le père et les trios fils s'en vont, et laissent pour garder la maison le vieux guide =GaspardHari avec le jeune guide =UlrichKunsi, et Sam le gros chien de montagne. Un matin, au cours de l'hiver, =Gaspard a disparu, sans doute pendant qu'il chassait. Pendant deux jours, =Ulrich le cherche en vain. Épuisé et angoissé, il s'en dort dans l'auberge... Mais soudain, une voix, un cri, un nom : "=Ulrich", secoua son engourdissement profond et le fit se dresser. Avait-il rêvé ? Était-ce un de ces appels bizarres qui traversent les rêves des âmes inquiètes? Non, il l'entendait encore, ce cri vibrant, entré dans son oreille et resté dans sa chair jusqu'au bout de ses doigts nerveux. =Certes, on avait crié; on avait appelé : "=Ulrich !" Quelqu'un était là, près de la maison. Il n'en pouvait douter. Il ouvrit donc la porte et hurla : "C'est toi, =Gaspard !" de toute la puissance de sa gorge. Rien ne répondit; aucun son, aucun murmure, aucun gémissement, rien. Il faisait nuit, la neige était blême. [...] Tout demeura muet sur la montagne! Alors, une épouvante le secoua jusqu'aux os. D'un bond il rentra dans l'auberge, ferma la porte et poussa les verrous ; puis il tomba grelottant sur une chaise, certain qu'il venait d'être appelé par son camarade au moment où il rendait l'esprit'. De cela il était sûr, comme on est sûr de vivre ou de manger du pain. Le vieux =GaspardHari avait agonisé pendant deux jours et trois nuits, et il venait de mourir tout à l'heure en pensant à son compagnon. Et son âme, à peine libre, s'était envolée vers l'auberge où dormait =Ulrich, et elle l'avait appelé [...] ; elle avait crié son adieu dernier, ou son reproche, ou sa malédiction sur l'homme qui n'avait point assez cherché. Et =Ulrich la sentait là, tout près, derrière le nuir, derrière la porte qu'il venait de refermer. Elle rôdait, comme un oiseau de nuit qui frôle de ses plumes une fenêtre éclairée ; et le jeune homme éperdu était prêt à hurler d'horreur. Il voulait s'enfuir et n'osait point sortir; il n'osait point et n'oserait plus désormais, car le fantôme resterait là, jour et nuit, autour de l'auberge, tant que le corps du vieux guide n'aurait pas été retrouvé et déposé dans la terre bénite d'un cimetière. Un récit de science-fiction =IsaacAsimov, écrivain =américain d'origine =russe est un célèbre auteur de science-fiction. Dans Face aux feux du soleil, le héros, =Baley, est un policier chargé pour la première fois d'enquêter ailleurs que sur Terre, sur une planète qu'il ne connaît que de nom =Solaria... Il voguait maintenant dans l'espace. Il lui semblait ne plus éprouver la moindre sensation, que tout avait perdu sa réalité. Il avait beau se dire que chaque seconde l'éloignait de plusieurs milliers de kilomètres, le séparait plus encore des villes, de =Jessie, sons cerveau se refusait à l'admettre. Le deuxième jour (ou le troisième - il n'y avait aucun moyen d'évaluer la course du temps, sinon par les périodes de repas et du sommeil), il éprouva la sensation fugitive et bizarre d'être retourné comme un gant. Ça ne dura qu'un instant et =Baley savait bien que c'était le grand saut, ce passage =invraio semblable, incompréhensible, presque mystique et si bref, dans l'hyperespace. Grâce à quoi l'astronef, et tout ce qu'il contenait, se trouvait transporté d'un point à l'autre de l'espace, à des années-lumière de distance. Puis une période de temps s'écoulerait, puis un autre grand saut, nouvelle période, puis un nouveau saut. =Baley se disait qu'il était à des années-lumière de la Terre, des dizaines d'années-lumière, des centaines, des milliers... Il ignorait les distances parcourues. Il n'y avait personne sur Terre capable de localiser Solaria dans l'univers. Il était un ignorant, ils étaient tous des ignorants, tous les =Terriens sans exception. Il se sentit terriblement seul. Il eut la sensation d'un ralentissement alors que le robot faisait de nouveau son apparition. Ses organes de vision, rouge sombre, détaillèrent l'arrimage de =Baley, il resserra, expertement, un écrou à oreilles et vérifia rapidement tous les éléments de l'amortisseur hydraulique. Nous toucherons le sol dans trois heures, dit-il. Vous voudrez bien rester consigné dans votre chambre. Un homme viendra vous faire sortir et vous escortera à votre lieu de séjour. Un instant, dit =Baley la voix étranglée. =Ficelé comme il l'était, il se sentait totalement impuissant. À l'arrivée, ce sera quelle période du jour? Aussitôt le robot lui répondit : "Selon l'heure standard galactique, il sera..." Baley se mit à détester le robot pour son inaptitude à comprendre, car maintenant il se trouvait obligé de poser la question en termes nets et de révéler son point faible. Il fallait la poser, et carrément - Fera-t-il jour? Une rencontre inattendue =Stendhal s'est attaché, dans ses romans, à analyser la naissance et l'évolution du sentiment amoureux. Dans Le =RougeetleNoir le héros, =JulienSorel, jeune homme timide mais ambitieux, ne veut pas travailler à la scierie de son père. Il se rend chez =M et =MinedeRénal, qui cherchent un précepteur pour leurs enfants. Avec la vivacité et la grâce qui lui étaient naturelles quand elle était loin des regards des hommes, =MmedeRênal sortait par la porte-fenêtre du salon qui donnait sur le jardin, quand elle aperçut près de la porte d'entrée la figure d'un jeune paysan presque encore enfant, extrêmement pâle et qui venait de pleurer. Il était en chemise bien blanche, et avait sous le bras une veste fort propre de ratine' violette. Le teint de ce petit paysan était si blanc, ses yeux si doux, que l'esprit un peu romanesque de =MmedeRênal eut d'abord l'idée que ce pouvait être une jeune fille déguisée, qui venait demander quelque grâce à =Mlemaire'. Elle to eut pitié de cette pauvre créature, arrêtée à la porte d'entrée, et qui évidemment n'osait pas lever la main jusqu'à la sonnette. =MmedeRênal s'approcha, distraite un instant de l'amer chagrin que lui donnait l'arrivée du précepteur. =Julien, tourné vers la porte, ne la voyait pas s'avancer. Il tressaillit quand une voix douce dit tout près de son oreille Que voulez-vous ici, mon enfant =Julien se tourna vivement, et, frappé du regard si rempli de grâce =MmedeRênal, il oublia une partie de sa timidité. Bientôt, étonné de sa beauté, il oublia tout, même ce qu'il venait faire. =MmedeRênal avait répété sa question. - Je viens pour être précepteur, Madame, lui dit-il enfin, tout honteux de ses larmes qu'il essuyait de son mieux. =MmedeRênal resta interdite, ils étaient fort près l'un de l'autre à se regarder. =Julien n'avait jamais vu un être aussi bien vêtu et surtout une femme avec un teint si éblouissant, lui parler d'un air doux. =MmedeRênal regardait les grosses larmes qui s'étaient arrêtées sur les joues si pâles d'abord et maintenant si roses de ce jeune paysan. Bientôt elle se mit à rire, avec toute la gaieté folle d'une jeune fille, elle se moquait d'elle-même et ne pouvait se figurer tout son bonheur. Quoi, c'était là ce précepteur qu'elle s'était figuré comme un prêtre sale et mal vêtu, qui viendrait gronder et fouetter ses enfant! - Quoi, Monsieur, lui dit-elle enfin, vous savez le latin ? Ce mot de Monsieur étonna si fort =Julien qu'il réfléchit un instant. - Oui, Madame, dit-il timidement. =MmedeRênal était si heureuse, qu'elle osa dire à =Julien - Vous ne gronderez pas trop ces pauvres enfants ? - Moi, les gronder, dit =Julien étonné, et pourquoi ? - N'est-ce pas, Monsieur, ajouta-t-elle après un petit silence et d'une =MatthewGregoryLewis écrivain anglais, publia en =LeMoine, un des romans "terrifiants" à la mode à la fin du xviii'siècle. Le narrateur, victime d'un accident et perdu dans la forêt, se trouve contraint de demander l'hospipour la nuit, à un couple d'amis de son domestique. Nous atteignîmes le but tant désiré. C'était une maison petite, mais propre. En m'approchant, je me réjouis d'apercevoir à travers la fenêtre la clarté d'un bon feu. Notre conducteur frappa à la porte. Bientôt les verrous se tirèrent, la porte s'ouvrit, et un homme se présenta, une lampe à la main; il fit au guide une réception cordiale'. Tout en parlant, il nous introduisit dans la chambre. Une femme, que je supposai être celle de mon hôte, se leva de son siège à mon entrée, et me reçut en me faisant une légère et froide révérence. Les manières de son mari étaient aussi prévenantes que les siennes étaient rudes et repoussantes. Je voudrais vous loger plus convenablement, monsieur, dit-il, mais nous ne pouvons pas nous vanter d'avoir beaucoup de place dans cette chaumière. Pourtant nous ferons en sorte de vous donner une chambre pour vous et une pour votre domestique. Il vous faudra vous contenter d'une maigre chère' ; mais ce que nous avons, croyez que nous vous l'offrons de bon cœur. 1La femme jeta brusquement son ouvrage sur la table, avec une mauvaise humeur visible. Sa physionomie m'avait déplu de prime aborda ; cependant, après tout, ses traits étaient beaux incontestablement, mais elle était jeune et maigre. Chacun de ses regards exprimait le mécontentement et l'impatience, et les réponses qu'elle faisait à Baptiste lorsqu'il lui reprochait en riant son air bougon`' étaient aigres, brèves et piquantes. Enfin, à première vue, je conçus pour elle autant de répugnance que je me sentis bien disposé en faveur de son mari, dont l'extérieur était fait pour inspirer l'estime et la confiance. Sa physionomie, à lui, était ouverte, franche, amicale ; ses manières avaient l'honnête simplicité de celle des paysans sans en avoir la grossièreté; ses joues étaient larges, pleines et rubicondes", et par l'ampleur de sa carrure, il semblait faire amende honorable pour la maigreur de sa femme. Aux rides de son front, je lui donnai soixante ans ; mais il portait bien son âge et avait l'air dispos et vigoureux; la femme ne pouvait pas avoir plus de trente ans, mais comme activité de corps et d'esprit, elle était infiniment plus vieille que son mari. Le postillon alla mettre ses chevaux dans l'écurie du bûcheron; =Baptiste le suivit jusqu'à la porte, et regardait dehors avec inquiétude. - Il fait un vent âpre et cuisants, dit-il. Je ne comprends pas ce qui peut retenir mes garçons si tard! Marguerite, pendant ce temps-là, était occupée à mettre la nappe. - Êtes-vous inquiète aussi ? lui dis-je. Une héroïne entre tradition et modernité =ÉmileZola st l'auteur de nombreux romans ayant pour cadre la société du =xzx siècle. Au =BonheurdesDames retrace le développement du grand commerce à =Paris dans les années . =Denise, l'héroïne, est une jeune provinciale qui vient tenter sa chance dans la capitale e découvre avec un mélange de fascination et de terreur le "=BonheurdesDames", grand magasin de tissus et de vêtements. Alors que la nuit tombe et que le magasin s'éclaire, elle l'observe, aeputs l'intérieur de la petite boutique de son oncle, située sur le trottoir d'en face. Et elle se rapprocha, attirée de nouveau et comme réchauffée à ce foyer d'ardente lumière. La machine' ronflait toujours, encore en activité, lâchant sa vapeur dans un dernier grondement, pendant que les vendeurs repliaient les étoffes et que les caissiers comptaient la recette. C'était à travers les glaces s pâlies d'une buée, un pullulement vague de clartés, tout un intérieur confus d'usine. Derrière le rideau de pluie qui tombait, cette apparition reculée, brouillée, prenait l'apparence d'une chambre de chauffe' géante, où l'on voyait passer les ombres noires des chauffeurs, sur le feu rouge des chaudières. Les vitrines se noyaient, on ne distinguait plus, en face, que la neige des dentelles, dont les verres dépolis' d'une rampe de gaz avivait le blanc; et, sur ce fond de chapelle, les confections'' s'enlevaient en vigueur, le grand manteau de velours, garni de renard argenté, mettait le profil d'une femme sans tête, qui courait par l'averse à quelque fête, dans l'inconnu des ténèbres de =Paris. Denise, cédant à la séduction, était venue jusqu'à la porte, sans se sou is cier du rejaillissement des gouttes, qui la trempaient. À cette heure de nuit, avec son éclat de fournaise, le =BonheurdesDames" achevait de la prendre tout entière. Dans la grande ville, noire et muette sous la pluie, dans ce =Paris qu'elle ignorait, il flambait comme un phare, il semblait à lui seul la lumière et la vie de la cité. Elle y rêvait son avenir, beaucoup de travail pour élever les enfants, avec d'autres choses encore, elle ne savait quoi, des choses lointaines dont le désir et la crainte la faisaient trembler. L'idée de cette femme morte dans les fondations lui revint ; elle eut peur, elle crut voir saigner les clartés ; puis, la blancheur des dentelles l'apaisa, une espérance lui montait au coeur, toute une certitude de joie, tandis que la poussière d'eau volante lui refroidissait les mains et calmait en elle la fièvre du voyage. Le genre épistolaire : une lettre et sa réponse En =1938, une jeune =Américaine, =KathrineTaylor, née =Kressmann publie Inconnu à cette adresse sous le nom de =KressmannTaylor. Journaliste et écrivain, elle a découvert des lettres réelles, à partir desquelles elle imagine une nouvelle épistolaire, alors que la guerre n'a pas encore éclaté mais que tout l'annonce. À partir de novembre, une correspondance s'établit entre deux amis qui ont ensemble fondé, à =SanFrancisco, une galerie d'art: Max, =l'Américain, habite =SanFrancisco, et =Martin, son associé, est reparti vivre dans son =Allemagne natale avec sa femme et ses enfants. Les deux hommes s'écrivent régulièrement pour combler le vide laissé par leur séparation. Pourtant, dans sa dernière lettre, =Martin a laissé voir à la fois l'inquiétude et la fascination que lui inspirait un nouveau venu sur la scène politique, =AdolfHitler Voici les deux lettres suivantes. =GALERIESCHULSE-EISENSTEIN, =SANFRANCISCO, =CALIFORNIE, =USA =HerrnMartinSchulse =SchlossRantzenburg =Munich, =ALLEMAGNE Le =mai 1933 Cher =Martin, Je suis bouleversé par l'afflux de reportages sur ta patrie qui nous parviennent. Comme ils sont assez contradictoires, c'est donc tout naturellement vers toi que je me retourne pour y voir plus clair. Je suis sûr que les choses ne s vont pas aussi mal qu'on veut bien le dire. Notre presse s'accorde à parler d'un "terrible pogrom"". Qu'en est-il ? Je sais que ton esprit libéral et ton coeur chaleureux ne pourraient tolérer la brutalité, et que tu me diras la vérité. Le fils =d'Aaron =Silberman vient tout juste de rentrer de Berlin et il paraît qu'il l'a échappé belle. Il raconte sur io ce qu'il a vu - les flagellations, le litre d'huile de ricin forcé entre les lèvres et les heures d'agonie consécutives par éclatement de l'intestin des histoires affreuses. Écris-moi, mon ami, pour me rassurer sur ce point. La pièce dans laquelle joue =Griselle fait un triomphe et se donnera jusqu'au mois de juin. Elle m'écrit qu'on lui a proposé un autre rôle à =Vienne, et un autre 1encore, superbe, à =Berlin pour cet automne. C'est surtout de ce dernier qu'elle me parle, mais je lui ai répondu d'attendre pour s'engager que les sentiments anti-juifs se calment. Si les sentiments antisémites' évoqués plus haut sont une réalité, elle ne doit à aucun prix s'aventurer en =Allemagne en ce momen.. Pardonne-moi, mon ami, pour la brièveté de ma lettre et l'absence de liberté dont elle témoigne, mais je n'aurai pas de repos tant que tu ne m'auras pas rassuré. Je sais que tu m'écriras en toute honnêteté. Je t'en prie, fais-le vite. C'est haut et fort que je proclame ma foi en toi et mon amitié pour toi et les tiens. =MarcelPagnol est un écrivain, auteur dramatique, romancier et scénariste, dont la plupart des ceuvres ont pour cadre sa =Provence natale. =Marius, pièce publiée en =1931, fait partie d'une trilogie : =Marius, =Fanny, =César. L'histoire se déroule à =Marseille, sur le vieux port. =Fanny aime =Marins, qui travaille au ré fe , 1e tien, son père; =Marius aime également =Fanny et voudrait l'épouser,' mats'-il réve de mers lointaines. Piquoiseau vient de lui proposer de s'embarquer à bord du paquebot "=LaMalaisie" qui va lever l'ancre pour un voyage de trois ans. =Marius a refusé, mais. =FANNY. - Marius, je n'ai pas écouté, mais j'ai entendu. =MARius. - Tu as entendu que je tiens ma parole... Le bateau s'en va, j'ai ma place à bord et moi je suis ici! Je lave les verres et astique le comptoir. =FANNY. - Ça prouve que tu es honnête. Eh bien moi aussi, je suis honnête... Je ne suis pas un piège, =Marius... Si tu veux partir, tu es libre. =MARIUS. - Tu ne penses pas ce que tu dis. C'est maintenant que tu me tends le piège. Tu veux voir ce que je vais faire : eh bien tu le vois : je reste avec toi. =FANNY. - J'ai bien réfléchi, =Marius. Depuis plus d'un mois, je te regarde et j'ai bien vu que tu regrettes ce qui nous est arrivé, mais que tu restes pour réparer ta to faute'. Tu n'es responsable de rien : cette faute est mienne, ne t'en charge pas ! =MARIUS. - Alors, tu crois que je ne t'aime pas, quand je te fais un si grand sacrifice ? =FANNY. -je crois que tu m'aimes. À ta façon. Mais je sens bien que cette corde qui te tire ne se cassera jamais. Moi, je n'ai pas la force de te retenir. Et alors, puisqu'il te faut ta liberté, au moins que ce soit moi qui te la donne. Puisque c'est la mer que tu préfères, marie-toi avec la mer. Nous verrons plus tard. =MARIUS. - C'est comme ça que tu m'aimes ? =FANNY. - Oui, c'est comme ça. =MARIUS. - Mais toi, pendant trois ans, qu'est-ce que tu ferais? =FANNY. - Je te l'ai dit. Je t'attendrai. Nous avions convenu que tu naviguerais après. Mais j'ai réfléchi : il vaut mieux "avant", parce que peut-être tu reviendras guéri. C'est très grave, un mariage. Je ne veux pas risquer de faire ton malheur, et peut-être le mien! =MARIUS (il a peine à cacher son espoir). - =Fanny, ce n'est pas possible... Je ne veux pas croire que tu parles sérieusement! =FANNY. - Parce que tu trouves que ça serait trop beau. Eh bien c'est trop beau. Va prendre ton sac. =MARIUS. - =Fanny, fais bien attention de ne pas me le dire encore une fois ! (=Piquoiseau, qui s'est rapproché peu à peu, entre brusquement et crie:) so =PIQUOISFAU. - Elle l'a dit! Elle l'a dit! (Il va à la chambre de =Marius, ouvre la porte et prend le sac de marin.) Vite, vite, le pilote arrive ! =MARIUS. - Je suis sûr que si je partais, tu m'oublierais. Avant midi, un cabriolet à pompe attelé de. deux chevaux fringants' déboucha dans la ru de ilivoli para rue Cas- tiglione, et s'arrêta derrière plusieurs équipages stationnés à la grille nouvellement ouverte au milieu de la terrasse des =Feuillants. Cette leste` voiture était conduite par un homme en appaence soucieux et maladif; des cheveux grisonnants couvraient à peine son crâne jaune et le faisaient vieux avant le temps; il jeta les rênes au laquais à cheval qui suivait sa voiture, et descendit pour prendre dans ses bras une jeune fille dont la beauté mignonne attira l'attention des oisifs en promenade sur la terrasse. La petite personne se laissa complaisamment saisir par la taille quand elle fut debout sur le bord de la voiture, et passa ses bras autour du cou de son guide, qui la posa sur le trottoir, sans avoir chiffonné la garniture de sa robe en reps vert. L'inconnu devait être le père de cette enfant qui, sans le remercier, lui prit familièrement le bras et l'entraîna brusquement dans le jardin. Le vieux père remarqua les regards émerveillés de quelques jeunes gens, et la tristesse empreinte sur son visage s'effaça pour un moment. =THarryPotter, un apprenti sorcier de quatorze ans, doit, grâce à des sortileges voler l'ceuf d'une dragonne pour remporter la première épreuve d'un tournoi. et un monstrueux lézard aux écailles noires, elle agitait sa queue hérissée de pointes qui imprimaient dans le sol dur des marques longues et profondes. La foule s'époumonait dans un grand tumulte. =Harry ignorait si ces cris lui étaient favorables ou hostiles, et peu lui importait. Le moment était venu de faire ce qu'il avait à faire... de concentrer pleinement, totalement son esprit sur ce qui représentait sa seule chance... Il leva sa baguette magique. -Accio Éclair de feu!' cria-t-il. Puis il attendit, espérant, priant, de toutes les fibres de son corps. Et si le sortilège échouait. Si l'Éclair de feu ne venait pas. Tout ce Un cadre réaliste Ce texte présente la situation initiale de la nouvelle intitulée Le Nez. Il illustre une caractéristique des récits fantastiques: évoquer une réalité ordi- naire où viendront s'insérer des événements troublants. Le mars, un événement tout à fait étrange s'est produit à =Pétersbourg. Le barbier =IvanIakovlévitch', demeurant avenue =Voznéssenki (le souvenir de son nom de famille est perdu, et son enseigne même ne porte rien de plus que la tête d'un monsieur au visage barbouillé de savon et l'inscription : Ici on pratique aussi la saignée), le coiffeur Ivan Iakovlévitch s'éveilla d'assez bonne humeur et sentit l'odeur du pain chaud. Se soulevant à demi sur son lit, il vit que son épouse, une dame assez respectable et qui appréciait beaucoup le café, retirait des pains du four. -Aujourd'hui, =PrascoviaOssipovna, je ne prendrai pas de café, dit Ivan Iakovlévitch; je mangerai plutôt du pain chaud et de l'oignon (Ivan Iakovlévitch se serait volontiers régalé de café et de pain frais, mais il savait qu'il était inutile de demander deux choses à la fois : =Prascovia =Ossipovna n'admettait pas ces fantaisies). « Il n'a qu'à manger du pain, l'imbécile ! songea la dame; tant mieux pour moi: il me restera plus de café. » Et elle lança un pain sur la table. Soucieux des convenances, =IvanIakovlévitch enfila son habit pardessus sa chemise et s'étant installé à table, il éplucha deux oignons, les zo saupoudra de sel, prit en main son couteau et, la mine solennelle, se mit en devoir de couper le pain. L'ayant partagé en deux, il aperçut à son grand étonnement une masse, blanchâtre dans la mie; il piqua la chose avec précaution du bout de son couteau, puis la tâta du doigt: « C'est dur, se dit-il; qu'est-ce que cela pourrait bien être? » Il plongea ses doigts dans la mie et en retira... un nez ! Les bras lui en tombèrent. Il se frotta les yeux et palpa l'objet: oui, c'était bien un nez. Et de plus, un nez qu'il lui semblait connaître. La terreur se peignit sur le visage =d'IvanIakovlévitch. Mais cette terreur n'était rien auprès de la colère qui s'empara de son épouse. - Où as-tu coupé ce nez, animal? s'écria-t-elle, furieuse. =Canaille! Ivrogne! Je vais te livrer à la police, brigand! J'ai déjà entendu trois clients se plaindre que tu tirais tellement sur leur nez en leur faisant la barbe que tu as failli le leur arracher. Cependant =IvanIakovlévitch était plus mort que vif: il avait reconnu ce nez, qui n'était autre que le nez de l'assesseur de collège =Kovaliov qu'il rasait chaque mercredi et chaque dimanche. Une transgression risquée Le héros, invité en =Transylvanie par le comte =Dracula, a fait halte dans un hôtel de =Munich. Il entreprend une promenade, mais, le soir venu, le cocher refuse de l'accompagner plus avant: c'est la nuit des morts vivants (=WalpurgisNacht). Enfin, dans un accès de désespoir, il cria: - =WalpurgisNacht! et il désigna la calèche dans laquelle je devais monter. Tout mon sang anglais ne fit alors qu'un tour, et demeurant en retrait, je lui dis: - Vous avez peur, =Johann, vous avez peur. Retournez chez vous, je rentrerai seul; la marche me fera du bien. La portière de la calèche était ouverte. Je pris sur le siège ma canne en chêne que j'emporte toujours dans mes excursions de vacances, fer- io mai la portière, montrai =Munich derrière nous, et dis - Rentrez chez vous, =Johann, « =WalpurgisNacht» ne concerne pas les =Anglais... Je m'assis pour me reposer, et commençai à regarder aux alentours. Je fus frappé par le fait qu'il faisait bien plus froid qu'au début de ma 1promenade - une sorte de léger bruit comme un soupir semblait m'entourer, accompagné, plus en hauteur, d'une sorte de grondement assourdi. Levant la tête, je vis que de gros nuages épais traversaient avec rapidité le ciel du nord vers le sud, à grande altitude. Dans le ciel, à une certaine hauteur, se montraient les signes annonciateurs d'une tempête qui s'approchait. J'avais un peu froid et, pensant que c'était le fait de rester assis après l'exercice de la marche, je repris ma route... Tandis que je regardais, l'air s'emplit d'un frémissement froid et la neige commença à tomber. Je songeai aux kilomètres et aux kilomètres de paysage désert que j'avais déjà parcourus, aussi je hâtai le pas pour me mettre à l'abri sous le bois qui était devant moi. Le ciel devenait de plus en plus sombre; et de plus en plus rapide et de plus en plus épaisse tombait la neige, la terre, devant et autour de moi, finissant par devenir un blanc tapis étincelant dont le bord le plus éloigné se perdait dans une indistincte uniformité. On ne voyait presque plus la route, surtout quand, sur la terre plate, ses limites n'étaient pas marquées comme elles l'èiaient lorsque la route devenait une voie encaissée, et après un certain temps je me rendis compte que je devais l'avoir quittée parce que sous mes pieds je ne sentais pas sa surface dure, ceux-ci s'enfonçant plus pro- fondément dans l'herbe et la mousse. Le vent, alors, devint de plus en plus insistant, et se mit à souffler avec une force de plus en plus grande, si bien que je dus courir devant lui. L'air devint glacial et, en dépit de mon exercice, je commençai à souffrir. La neige tombait maintenant Le personnage est hanté par un être invisible, le =Horla, qui le vampirise et le force à dépérir en se nourrissant de son énergie. Cet être manifeste sa présence en buvant l'eau de son verre ou en cueillant une fleur à ses côtés. Toutes les tentatives pour échapper à on emprise ayant échoué, le narrateur décide de lui tendre un piège afin de le tuer. Je le tuerai. Je l'ai vu! Je me suis assis hier soir, à ma table; et je fis semblant d'écrire avec une grande attention. Je savais bien qu'il viendrait rôder autour de moi, tout près, si près que je pourrais peut-être le toucher, le saisir? En face de moi, mon lit, un vieux lit de chêne à colonnes; à droite, ma cheminée; à gauche ma porte fermée avec soin, après l'avoir laissée longtemps ouverte, afin de l'attirer; derrière moi, une très haute armoire à glace, qui me servait chaque jour pour me raser, pour m'habiller, et où j'avais coutume de me regarder, de la tête aux pieds, chaque fois que je passais devant. Donc je faisais semblant d'écrire, pour le tromper, car il m'épiait lui aussi; et soudain, je sentis, je fus certain qu'il lisait par-dessus mon épaule, qu'il était là, frôlant mon oreille. Je me dressai, les mains tendues, en me tournant si vite que je faillis tomber. Eh bien?... on y voyait comme en plein jour, et je ne me vis pas dans ma glace ! Elle était vide, claire, profonde, pleine de lumière ! Mon image n'était pas dedans... et j'étais en face, moi! Je voyais le grand verre limpide du haut en bas. Et je regardais cela avec des yeux affolés; et je n'osais plus avancer, je n'osais plus faire un mouvement, sentant bien pourtant qu'il était là, mais qu'il m'échapperait encore, lui dont le corps imperceptible avait dévoré mon reflet. Comme j'eus peur! Puis voilà que tout à coup je commençai à m'apercevoir dans une brume, au fond du miroir, dans une brume comme à travers une nappe d'eau; et il me semblait que cette eau glis sait de gauche à droite, lentement, rendant plus précise mon image, de seconde en seconde. C'était comme la fin d'une éclipse. Ce qui me cachait ne paraissait point posséder de contours nettement arrêtés, mais une sorte de transparence opaque, s'éclaircissant peu à peu. Je pus enfin me distinguer complètement, ainsi que je le fais chaque jour en me regardant. Je l'avais vu ! L'épouvante m'en est restée, qui me fait encore frissonner. Un portrait énigmatique Le narrateur, blessé, arrive de nuit dans un château abandonné, en =Italie. Dans la petite pièce où il s'installe, sont suspendus des tableaux. En déplaçant son chandelier, il découvre un portrait de femme qui lui cause une vive émotion par l'impression de 1 ië qui s eùi dégage. Avec une terreur profonde et respectueuse, je replaçai le candélabre dans sa position première. Ayant ainsi dérobé à ma vue la cause de ma profonde agitation, je cherchai vivement le volume qui contenait l'analyse des tableaux et leur histoire. Allant droit au numéro qui désignait le portrait ovale, j'y lus le vague et singulier écrit qui suit « C'était une jeune fille d'une très rare beauté, et qui n'était pas moins aimable que pleine de gaieté. Et maudite fut l'heure où elle vit, et aima, et épousa le peintre. Lui, passionné, studieux, austères, et ayant ro déjà trouvé une épouse dans son Art; elle, une jeune fille d'une très rare beauté, et non moins aimable que pleine de gaieté; rien que lumière et sourires, et la folâtrerie d'un jeune faon; aimant et chérissant toutes choses; ne haïssant que l'Art qui était son rival; ne redoutant que la palette et les brosses, et les autres instruments fâcheux qui privaient de la figure de son adoré. Ce fut une terrible chose pour cette dame que d'entendre le peintre parler du désir de peindre même sa jeune épouse. Mais elle était humble et obéissante, et elle s'assit avec douceur pendant de longues semaines dans la sombre et haute chambre de la tour, où la lumière filtrait sur la pâle toile seulement par le plafond. Mais lui, le peintre, mettait sa gloire dans son ceuvre, qui avançait d'heure en heure et de jour en jour. Et c'était un homme passionné, et étrange, et pensif, qui se perdait en rêveries; si bien qu'il ne voulait pas voir que la lumière qui tombait si lugubrement dans cette tour isolée desséchait la santé et les esprits de sa femme, qui languissait visiblement pour tout le monde, excepté pour lui. Cependant elle souriait toujours, et toujours sans se plaindre, parce qu'elle voyait que le peintre (qui avait un grand renom) prenait un plaisir vif et brûlant dans sa tâche, et travaillait nuit et jour pour peindre celle qui l'aimait si fort, mais qui devenait de jour en jour plus languissante et plus faible. Et en vérité, ceux qui contemplaient le portrait parlaient à voix basse de sa ressemblance, comme d'une puissante merveille et comme d'une preuve non moins grande de la puissance du peintre que de son profond amour pour celle qu'il peignait si miraculeusement bien. Mais à la longue, comme la besogne approchait de sa fin, personne ne fut plus admis dans la tour; car le peintre était devenu fou par l'ardeur de son travail, et il détournait rarement ses yeux de la toile, même pour regarder la figure de sa femme. Et il ne voulait pas voir que les couleurs qu'il =FRANÇAIS, qu'avez-vous fait =d'Ader l'aérien? Il lui restait un mot, il n'en reste plus rien. Quand il eut assemblé les membres de l'ascèses Comme ils étaient sans nom dans la langue française Ader devint poète et nomma l'avion. O peuple de =Paris, vous, =Marseille et =Lyon, Vous tous fleuves français, vous françaises montagnes Habitants des cités et vous gens des campagnes, Linstrument à voler se nomme l'avion. Cette douce parole eût enchanté =Villon, Les poètes prochains la mettront dans leurs rimes. Non, tes ailes, =Ader, n'étaient pas anonymes. Lorsque pour les nommer vint le grammairien Forger un mot savant sans rien d'aérien Où le sourd hiatus, l'âne qui l'accompagne Font ensemble un mot long comme un mot =d'Allemagne. Il fallait un murmure et la voix =d'Ariel' Pour nommer l'instrument qui nous emporte au ciel. La plainte de la brise, un oiseau dans l'espace Et c'est un mot français qui dans nos bouches passe. L'avion ! l'avion! qu'il monte dans les airs, Qu'il plane sur les monts, qu'il traverse les mers, Qu'il aille regarder le soleil comme =Icare Et que plus loin encore un avion s'égare Et trace dans l'éthers un éternel sillon Mais gardons-lui le nom suave d'avion Car du magique mot les cinq lettres habiles Eurent cette vertu d'ouvrir les ciels mobiles. =Français qu'avez-vous fait =d'Ader l'aérien? Il lui restait un mot, il n'en. reste plus rien. La scène se passe à la fin du xrx` siècle. Le narrateur, un garçon de quinze ans, vit dans l'école où son père est instituteur: Il est ici avec sa mère, =Millie, et madame =Meaulnes qui est venue inscrire son fils =Augustin dans cette école. Ils viennent d'entendre du bruit audessus de leurs têtes... Nous étions debout tous les trois, le cour battant, lorsque la porte des greniers qui donnait sur l'escalier de la cuisine s'ouvrit; quelqu'un descendit les marches, traversa la cuisine, et se présenta dans l'entrée obscure de la salle à manger. « C'est toi, =Augustin? » dit la dame. C'était un grand garçon de dix-sept ans environ. Je ne vis d'abord de lui, dans la nuit tombante, que son chapeau de feutre' paysan coiffé en arrière et sa blouse noire sanglée d'une ceinture comme en portent les écoliers. Je pus distinguer aussi qu'il souriait. Il m'aperçut, et, avant que personne eût pu lui demander aucune explication « Viens-tu dans la cour? » dit-il. J'hésitai une seconde. Puis, comme =Millie ne me retenait pas, je pris ma cas quette et j'allai vers lui. Nous sortîmes par la porte de la cuisine et nous allâmes au préau, que l'obscurité envahissait déjà. À la lueur de la fin du jour, je regardais, 1en marchant, sa face anguleuse au nez droit, à la lèvre duvetée. « Tiens, dit-il, j'ai trouvé ça dans ton grenier. Tu n'y avais donc jamais regardé? » Il tenait à la main une petite roue en bois noirci; un cordon de fusées déchi- quetées courait tout autour; ç'avait dû être le soleil ou la lune au feu d'artifice du Quatorze juillet. « Il y en a deux qui ne sont pas parties : nous allons toujours les allumer », dit-il d'un ton tranquille et de l'air de quelqu'un qui espère bien trouver mieux par la suite. Il) eta son chapeau par terre et je vis qu'il avait les cheveux complètement ras comme un paysan. Il me montra les deux fusées avec leurs bouts de mèche en papier que la flamme avait coupés, noircis, puis abandonnés. Il planta dans le sable le moyeu de la roue, tira de sa poche - à mon grand étonnement, car cela nous était formellement interdit - une boîte d'allumettes. Se baissant avec précaution, il mit le feu à la mèche. Puis, me prenant par la main, il m'entraîna vivement en arrière. L'homme propre Il entre en chiquenaudant' les manches et les parements de son habit. e n'ai pas dîné parce que j'ai eu la bêtise d'accepter à dîner chez =Oscar. Oh! je ne dîne jamais en ville, je souffre trop; mais la marquise des Platesbandes et sa fille devaient dîner chez Oscar. Lautre jour j'avais conquis les bonnes grâces de' la marquise en lui donnant la recette d'une eau antipeliculaire qui est de tradition dans ma famille. Je dis donc à =Oscar : Elle est charmante, mademoiselle des =Platesbandes. Alors le voilà qui organise ce fameux dîner de ce soir. C'est un garçon intelligent, paraît-il, mais il n'est pas. il n'a pas l'habitude, le culte de la propreté. Moi, je n'ai pas -une imagination extraordinaire; mais au moins je suis propre! Ce matin, je m'éveille. Je pense : dîner chez =Oscar. Enfin! Je prends mon bain. Comme tous les jours j'ai mon heure de pédicure, mon heure de manucure, ma demi-heure de coiffure du matin. Et je déjeune. Quatre neufs à la coque; j'aime ça parce que personne ne touche les oeufs en dedans. Je mange du pain fait à la mécanique personne ne touche à la 1pâte : au sortir du four on le met dans une serviette et on me l'apporte. Je bois de l'eau filtrée sur ma table, un petit filtre, excellent système... (Je vous don- nerai l'adresse du fabricant). Après déjeuner, je me lave les mains, je me débarbouille, je change de linge, je mets des bottines fraîches, je me relave les mains et je sors. Je vais chez =Auguste me faire brosser la tête : vous savez? le shampooing. Je vais au shampooing tous les jours, de trois à quatre heures. Ça creuse l'estomac, le shampooing, quand on n'a pris que des œufs à la coque. Je rentre donc; je me lave les mains, je me débarbouille. (La pous sière, en route). Je change de linge, de costume, je mets des bottines fraîches, je me relave les mains et je sors. Chez =Auguste je me fais donner un dernier coup de peigne et en route! Chez =Oscar! puisque le dîner était pour six heures. Bonsoir madame, bonsoir Oscar, bonsoir madame la marquise, bonsoir mademoiselle, bonsoir tout le monde. Je demande à me laver les mains (la poussière). Dans le potage, je trouve une petite carotte nouvelle (j'aime assez les carottes) épluchée à la main (la main de la cuisinière!). Chez moi on épluche les légumes à la machine, en tournant comme ça. (Je vous donnerai le nom du fabricant.) Je ne touche pas au potage. On fait passer le pair, coupé à là main, sur une assiette. Je ne dis rien. J'en prends un morceau, je le fais tomber dans ma serviette, qui était propre, c'est vrai. (C'est la seule chose propre qu'il y avait à table. - Ah si, il y avait encore la nappe et les couteaux qui paraissaient propres.) Je coupe une petite tranche en dessus de mon pain, une petite tranche en dessous, et je pèle la croûte tout autour. J'avais, comme ça, un petit noyau de mie assez propre. (C'était du pain fait à la mécanique; j'avais averti.) Histoire sans importance? Un jour où, conduisant ma voiture, je tardais une seconde à démarrer au feu vert, pendant que nos patients concitoyens déchaînaient sans délai leurs avertisseurs dans mon dos, je me suis souvenu soudain d'une autre aventure, survenue dans les mêmes circonstances. Une motocyclette conduite par un petit homme sec, portant lorgnons et pantalons de golf, m'avait doublé et s'était installé devant moi, au feu rouge. En stoppant, le petit homme avait calé son moteur et s'évertuait en vain à lui redonner souffle. Au feu vert, je lui demandai, avec mon habituelle politesse, de ranger sa motocyclette pour que je puisse passer. Le petit homme s'énervait encore lo sur son moteur poussif. Il me répondit donc, selon les règles de la courtoisie) parisienne, d'aller me rhabiller. J'insistai, toujours poli, mais avec une légère nuance d'impatience dans la voix. On me fit savoir aussitôt que, de toute manière, on m'emmenait à pied et à cheval. Pendant ce temps, quelques avertisseurs commençaient, derrière moi, de se faire entendre. Avec plus de fermeté, je priai mon interlocuteur d'être poli et de considérer qu'il entravait la circulation. L; irascible personnage, exaspéré sans doute par la mauvaise volonté, devenue évidente, de son moteur, m'informa que si je désirais ce qu'il appelait une dérouillée, il me l'offrait de grand coeur. Tant de cynisme me remplit d'une bonne fureur et je sortis de ma voiture dans l'intention de frotzo ter les oreilles de ce mal embouché. Je ne pense pas être lâche (mais que ne pense-t-on pas!), je dépassais d'une tête mon adversaire, mes muscles m'ont toujours bien servi. Je crois encore maintenant que la dérouillée aurait été reçue plutôt qu'offerte. Mais j'étais à peine sur la chaussée que, de la foule qui commençait à s'assembler, un homme sortit, se précipita sur moi, vint m'asurer que j'étais le dernier des derniers et qu'il ne me permettrait pas de frap- per un homme qui avait une motocyclette entre les jambes et s'en trouvait, par conséquent, désavantagé. Je fis face à ce mousquetaire' et, en vérité, ne le vis même pas. À peine, en effet, avais-je la tête tournée que, presque en même temps, j'entendis la motocyclette pétarader de nouveau et je reçus un coup violent sur l'oreille. Avant que j'aie eu le temps d'enregistrer ce qui s'était passé, la motocyclette s'éloigna. Étourdi, je marchai machinalement vers La fin de la nouvelle Des années passèrent encore. On recommença à l'oublier. Mais quand il revint de nouveau, il parut plus changé encore qu'après son premier voyage. C'était comme aide-cuisinier à bord d'un vieux cargo qu'il avait fait la traversée. Un homme vieilli, brisé, à demi noyé dans l'alcool. Ce qu'il dit souleva l'hilarité générale. In-trou-vable! Malgré des mois de recherche acharnée, son île était demeurée introuvable. Il s'était épuisé dans cette exploration vaine avec une rage désespérée, dépensant ses forces et son argent pour retrouver cette terre de bonheur et de liberté qui semblait englou- tie a jamais. - Et pourtant, elle était là! répétait-il une fois de plus ce soir en frappant du doigt sur sa carte. Alors un vieux timoniers se détacha des autres et vint lui toucher l'épaule. - Veux-tu que je te dise, =Robinson? Ton île déserte, bien sûr qu'elle est toujours là. Et même, je peux t'assurer que tu l'as bel et bien retrouvée! Retrouvée? =Robinson suffoquait. Mais puisque je te le dis... - Tu l'as retrouvée! Tu es passé peut-être dix fois devant. Mais tu ne l'as pas reconnue. - Pas reconnue? - Non, parce qu'elle a fait comme toi, ton île : elle a vieilli! Eh oui, voistu, les fleurs deviennent fruits et les fruits deviennent bois, et le bois vert devient bois mort. Tout va très vite sous les tropiques . Et toi? Regarde-toi dans une glace, idiot! Et dis-moi si elle t'a reconnu, ton île, quand tu es passé devant? Robinson ne s'est pas regardé dans une glace, le conseil était superflu. Il a promené sur tous ces hommes un visage si triste et si hagard que la vague des rires qui repartait de plus belle s'est arrêtée net, et qu'un grand silence s'est fait dans le tripota. La passerelle La scène se passe dans une ville anonyme près d'une gare, de nos jours. Nel est un élève de =Terminale, qui est aveugle. Chaque jour, il emprunte une passerelle pour se rendre au lycée, accompagné de son chien =Boussole. =Nono est un petit garçon qui vit avec sa mère sous la passerelle, dans un carton. e ne sais pas pourquoi. C'est depuis quelque temps, comme ça: une mélancolie qui me noie. J'ai beau tenter l'indifférence, ça monte en moi, triste ascenseur. Arrivé en haut à l'étroit palier de la gorge, ça m'étouffe. Je pleure à grosses gouttes lourdes. Où s'échoue mon averse? Et quelle est sa couleur? Je sors maladroitement un paquet de mou- choirs de ma poche, empêtré par l'épaisseur des gants, qui me font les doigts gourds, énormes, malhabiles. Ma tristesse imprévue s'enfouit dans le buvard. Je respire à ras bord. Un instant, il m'a semblé que... J'en suis sûr, quelqu'un me regarde. Je fouille le désert, je flaire, ma joue cherche un écho, mes oreilles à affût tâtonnent entre les sons, je sors mes antennes, timide. En bas. Presque en dessous de moi, dans l'autre monde, quelqu'un terré, tapi, me vrille de son oeil. Où? Droit devant, le train s'enfle comme un dragon de fer. Pas eu le temps de m'y attendre, son chahutvari brutal me saisit. Je fuis au ralenti et, de frayeur, vais jusqu'à précéder le pas trop raisonnable de =Boussole. J'éponge de nouveau mes yeux, nerveusement. Je me rhabille, par pudeur : lunettes, armure. Protection. Une fois oubliée la passerelle, le boulevard s'annonce à grand bruit. Sir =ThomasNevil et saille, Miss =LydiaNevil, sbnt venus séjourner en =Corse. La scène se passe au tout début du =Xix siècle. e lendemain, un peu avant le retour des chasseurs, Miss =Nevil, revenant d'une promenade au bord de la mer, regagnait l'auberge avec sa femme de chambre, lorsqu'elle remarqua une jeune femme vêtue de noir, montée sur un cheval de petite taille, mais vigoureux, qui entrait dans la ville. Elle était suivie d'une espèce de paysan, à cheval aussi, en veste de drap brun trouée aux coudes, une gourde en bandoulière, un pistolet pendant à la ceinture; à la main, un fusil, dont la crosse reposait dans une poche de cuir attachée à l'arçon' de la selle; bref, en costume complet de brigand de mélodrame ou de bourgeois corse en voyage. La beauté remarquable de la femme attira d'abord lo l'attention de Miss =Nevil. Elle paraissait avoir une vingtaine d'années. Elle était grande, blanche, les yeux bleu foncé, la bouche rose, les dents comme de l'émail. Dans son expression, on lisait à la fois l'orgueil, l'inquiétude et la tristesse. Sur la tête, elle portait ce voile de soie noire nommé mezzaro, que les =Génois ont introduit en =Corse, et qui sied si bien aux femmes. De longues 1nattes de cheveux châtains lui formaient comme un turban autour de la tête. Son costume était propre, mais de la plus grande simplicité. Miss =Nevil eut tout le temps de la considérer, car la dame au mezzaro s'était arrêtée dans la rue à questionner quelqu'un avec beaucoup d'intérêt, comme il semblait à l'expression de ses yeux; puis sur la réponse qui lui fut faite, elle donna un coup de houssine à sa monture et, reprenant le grand trot, ne s'arrêta qu'à la porte de l'hôtel.