&&000 FRANCE 7TH GRADE 2000S FR-7TH-00S.TXT SOURCE: NYC FRENCH SCHOOL Edited against Xerox pages UTH-8 FORMAT 16 May 2005 &&111 =Primaut se met aussitôt à jouer des jambes; il atteint la charrette comme elle approchait de l'enceinte où se tenait la foire. Il la dépasse, ne perd pas de temps, se couche dans la voie et fait le mort comme =Renart lui en avait donné la leçon. Les marchands l'ayant aperçu Ah! crièrent-ils, le loup! le loup ! allons à lui; on croirait qu'il est mort. Voudrait-il nous jouer le même tour que le maudit goupil ? Nous allons voir. » Tous les gens de la charrette arrivent du même pas autour de =Primaut qui se garde de faire un mouvement, pendant qu'ils le tournent et retournent. « Il est bien mort! dit l'un. - Non. - Vraiment si, tête Dieu! -je vous dis qu'il en fait semblant. - Eh bien, ce bâton nous accordera. » On joue du bâton, Primaut souffre tout. Un des charretiers avait un énorme levier ; il le fait tom- ber sur les reins du pauvre loup qui étouffe un gémissement, résiste à la douleur et ne donne pas signe de vie. Pourtant le vilain surprend un soupir : aussitôt il tire un large coutelas dont il allait le frapper, mais Primaut juge à propos de ne pas l'attendre ; il fait un saut, renverse un de ses ennemis, et s'enfuit poursuivi par les huées de tous. Le voilà bien en colère, bien roué', bien battu; il gagne avec peine la retraite où l'attendait son cher compain. «Ah! =Renart, tu m'as trahi. - Comment, sire Primaut, n'avez-vous pas bien dîné des harengs? - Il s'agit bien de dîner ; les poissonniers m'ont attaqué, battu, roué, peu s'en faut qu'ils ne m'aient assommé. Quel moment et quelle peur quand, après avoir eu les côtes brisées par un levier, je vis briller le coutelas dont on allait jouer sur mon cou ! C'est alors que j'ai cessé d'être mort et que j'ai rassemblé toutes mes forces pour échapper à ces maudits vilains. - Ah! les vilains ! reprit =Renart en retenant une grande envie de rire, les voilà bien ! de vrais démons dont il faut pas même parler, tant on aurait du mal à en dire. Le vilain n'a pas d'amis, il n'a pitié de personne. Mais, sire compain, n'êtes-vous pas blessé? en tout cas remercions bien Dieu de vous avoir sauvé la vie. Reposez-vous, et puis nous irons voir si nous pouvons ailleurs trouver à manger; car vous avez bien faim, n'est-ce pas? =Hélas ! oui, répond =Primaut, qui ne voyait pas Renart lui faire une lippe' de toute la longueur de sa langue ; je ne sais de quoi je souffre le plus, de la faim ou des coups que j'ai reçus. » Les deux amis s'étendent alors sur l'herbe fraîche ; =Primaut en grommelant contre les vilains, =Renart en prenant gaiement le temps, la tête nroulée dans ses pattes. C'est ainsi qu'il se laisse aller au sommeil du juste que ne trouble aucun regret et dont tous les veeux sont remplis. Vengeance =Renart et =Primaut vivent de nombreuses aventures et mésaventures. Dans celles qui précèdent, =Primaut, le loup, accompagné de =Renart, a dérobé, dans une église, des vêtements qu'il a ensuite échangés contre un oison bien gras; mais il a refusé de partager avec =Renart. L'aventure que vous allez lire s'intitule: Comment =Renart eut vengeance de =Primaut, et comment il le fit battre par les harengers. Laissons là =Primaut, pour revenir à =Renart, qui cherche à se consoler de la perte de l'oison, et se bat les flancs pour trouver autre chose à se mettre sous la dent. Mais, quand après avoir assez couru, il vit que le bois ne lui offrait pas grande chance de butin, il reprit le sentier qui conduisait au chemin de la foire, et regagnant les abords de la grande route, il résolut d'y attendre quelque aventure. Il n'était pas au guet depuis longtemps, quand il entendit venir une lourde charrette. C'était des marchands de poisson qui conduisaient à la foire une provision de tanches et de harengs. =Renart, loin de s'effrayer de leur approche, se vautre dans la terre humide, s'étend en travers du chemin, la queue raide, la pelisse' toute blanchie de fange. Il se place jambes en, l'air, dents serrées, balèvres4 rentrées, langue tirée et les yeux fermés. Les marchands en passant ne manquent pas de l'apercevoir. « Oh! regardez, dit le premier, par ma foi c'est un goupil. Belle occasion de payer avec sa peau l'écot de la nuit! Elle est vraiment belle, on en ferait une bonne garniture de surcot; je ne la donnerais pas pour quatre livres. - Mais, dit un autre, elle les vaut, et mieux encore; il ne faut que regarder la gorge. Voyez comme elle est blanche ! Or, mettons-le dans la voiture, et dès que nous serons arrivés, nous lui ôterons ce manteau qui doit lui tenir trop chaud. » Cela dit, on le lève, on le jette sur la charrette, on l'étend au-dessus d'un grand panier, on le recouvre de la banne', puis on se remet en route. Ce panier contenait pour le moins un millier de harengs frais. =Renart, que les marchands ne surveillaient guère, commence par en Un redoutable adversaire ! roi Arthur. =Jaufré le poursuit pour venger cet a ont. En chemin, il rencontre =Estout, chevalier cruel et arrogant. Ils fondent soudain l'un sur l'autre au galop, de tout l'élan dont sont capables leurs montures. Estout a frappé Jaufré juste à la boucle de l'écu, et il le lui a si bien complètement fendu et troué que la lance est passée de l'autre côté, de toute la longueur d'une brasse, et qu'elle a éraflé tout le haubert, en glissant sur son flanc gauche, mais sans entamer la chair. =Jaufré, lui aussi, assène sur l'écu de son adversaire un coup magistral : il lui a tranché les deux étriers et l'a obligé à vider les arçons' si brutalement qu'il l'a fait presque se rompre le cou dans sa chute : sa tête a frappé un tel coup qu'il en est demeuré un instant tout étourdi. Mais aussitôt il s'est relevé et a tiré l'épée sans plus tarder, en homme de guerre avisé : il court sur Jaufré, plein de colère et de haine. Jaufré, à cette vue, descend de son cheval pour éviter de le perdre en le faisant blesser, mutiler ou tuer. Et il abrite sa poitrine de son écu. Estout y porte de tels coups d'épée, avec une telle force et une telle rage qu'il le fend d'un bord à l'autre ; puis il retire l'épée vers lui « Par =Saint-Pierre, s'écrie =Jaufré, vous croyez prendre ici une cruelle vengeance, mais si je peux, je vous la vendrai cher. » Et il lui lance un si rude coup sur le heaume qu'il en fait jaillir du feu, mais sans plus l'entamer que s'il ne l'avait point touché. À son tour, Estout l'a attaqué si vigoureusement qu'il a taillé le premier quartier de l'écu et l'extrême bord dù haubert ; et il a envoyé en terre son épée si fort et si vite qu'il lui a rasé le talon et tranché l'éperon. Jaufré a pu se détourner, mais il n'en a pas moins admiré le coup esquivée, quand il l'a vu si énorme. Plein de courroux, il se met à frapper sur le heaume brillant d'Estout, tellement que la force du coup paraît à l'épée', qui se brise et se rompt par le milieu en deux tronçons, mais il n'a point entamé le heaume. « Hé Dieu ! dit =Jaufré, qu'est ceci? Qu'il ait en partage la nuit maudite, celui qui t'a fabriqué un heaume si bien trempé que j'y ai brisé mon épée. » Estout, bien sûr, ne fut pas fâché de voir sur le sol la moitié de l'épée. Et d'asséner sur le heaume du fils de Dozon un coup en règle qui en arracha une partie, avec tout le nasal' jusqu'à la ventailles. Pourtant avec la moitié d'épée qui lui restait, il frappa avec tant de fureur qu'Estout tomba à terre tout étourdi, ne voyant plus, n'entendant plus. Il se sent touché, se relève tout ahuri, et comme un homme Les secrets d'une guérisseuse À la suite d'un deuil, une jeune =Mexicaine est recueillie par un membre de sa famille dont l’existence lui a toujours paru mystérieuse. La guérisseuse se montra plus charitable envers la malheureuse enfant. Après lui avoir souhaité une affectueuse bienvenue, elle essaya de la consoler et de lui donner le courage d'affronter sans révolte les épreuves à venir. À quoi aurait-il servi de la tenir sur les fonts baptismaux, lui dit-elle en lui essuyant ses larmes avec la pointe de son tablier, si elle n'était pas capable de la prendre en charge quand l'infortune la maltraitait ? Avec quel visage affronterait-elle son défunt frère dans l'au-delà si par égoïsme ou négligence elle manquait à ses devoirs élémentaires de tante et de mère spirituelle d'une fille dont il lui avait confié la responsabilité morale ? Et c'est ainsi que Joyita entra dans un monde dont elle n'avait jamais soupçonné l'existence. Sa famille maternelle, réservée et même hostile à tout ce qui concernait son père, l'avait maintenue éloignée de la branche paternelle. Si l'on exceptait la brève période de sa maladie, elle n'avait jamais entretenu de véritable relation avec sa marraine. Celle-ci se levait dès l'aube pour commencer son travail et passait parfois le jour entier sur les flancs du volcan pour y ramasser des graines, des racines, des feuilles, des herbes et autres ingrédients nécessaires à la préparation de ses breuvages. De sa petite boutique bien achalandée du marché, elle se livrait à un échange actif avec les autres her- boristes du pays. Elle leur envoyait les plantes médicinales' typiques de la région comme la sauge, le trianthema, la gale-du-chien, la pépéromie, la langue-de-boeuf, l'achioquin et l'hyptis, recevant en échange d'autres plantes des régions lointaines que seul le troc diligent' lui permettait de fournir à sa clientèle. Un sabbat de sorcières [Dans cette scène, trois sorcières debout autour d'un chaudron bouillant se livrent à un rituel diabolique : ce spectacle incitera =Macbeth, ancien général de l'armée écossaise, à commettre les crimes qui lui permettront d'accéder au pouvoir.] Une caverne obscure. Au milieu, mn chaudron bouillant. Tonnerre. Entrent les trois sorcières. PREMIÈRE SORCIÈRE Trois fois le chat tacheté a miaulé. DEUXIÈME SORCIÈRE Trois fois ; et une fois le hérisson a grogné. TROISIÈME SORCIÈRE La harpie' crie : « Il est temps ! il est temps ! » PREMIÈRE SORCIÈRE Tournons en rond autour du chaudron, Et jetons-y les entrailles empoisonnées. Crapaud, qui, sous la froide pierre, Endormi trente-un jours et trente-une nuits As mitonné dans ton venin, Bous le premier dans le pot enchanté. TOUTES TROIS Double, double, peine et trouble ! Feu, brûle ; et, chaudron, bouillonne ! DEUXIÈME SORCIÈRE Filet de couleuvre de marais. Dans le chaudron bous et cuis. Œil de salamandre, orteil de grenouille, Poil de chauve-souris et langue de chien, Langue fourchue de vipère, dard de reptile aveugle, Patte de lézard, aile de hibou, Pour faire un charme puissant en trouble, Bouillez et écumez comme une soupe d'enfer. TOUTES TROIS Double, double, peine et trouble ! Feu brûle ; et, chaudron, bouillonne ! TROISIÈME SORCIÈRE Écaille de dragon, dent de loup, Momie de sorcière, estomac et gueule Du requin dévorant des mers, =Racine de ciguë arrachée dans l'ombre, Faites une bouillie épaisse et visqueuse' Ajoutons les boyaux de tigre, Comme ingrédient, dans notre chaudron. Combien y a-t-il de temps que je suis dans ce livre? Jacques Vingtras, le héros du roman L'Enfant, est puni par un surveillant qu'il a bousculé à la récréation et « qui est tombé derrière par-dessus tête ». Pour le punir, le surveillant l'a alors enfermé dans une salle d'étude vide. Je vais d'un pupitre' à l'autre : ils sont vides - on doit nettoyer la place, et les élèves ont déménagé. Rien, une règle, des plumes rouillées, un bout de ficelle, un petit jeu de dames, le cadavre d'un lézard, une agate' perdue. s Dans une fente, un livre : j'en vois le dos, je m'écorche les ongles à essayer de le retirer. Enfin, avec l'aide de la règle, en cassant un pupitre, j'y arrive ; je tiens le volume et je regarde le titre =ROBINSONCRUSOÉ. Il est nuit. Je m'en aperçois tout d'un coup. Combien y a-t-il de temps que je suis dans ce livre? - quelle heure est-il? Je ne sais pas, mais voyons si je puis lire encore! Je frotte mes yeux, je tends mon regard, les lettres s'effacent, les lignes se mêlent, je saisis encore le coin d'un mot, puis plus rien. J'ai le cou brisé, la nuque qui me fait mal, la poitrine creuse; je suis resté penché sur les chapitres sans lever la tête, sans entendre rien, dévoré par la curiosité, collé aux flancs de Robinson, pris d'une émotion immense, remué jusqu'au fond de la cervelle et jusqu'au fond du coeur; et en ce moment où la lune montre là-bas un bout de corne, je fais passer dans le ciel tous les oiseaux de l'île, et je vois se profiler la tête longue d'un peuplier comme le mât du navire de Crusoé ! Je peuple l'espace vide de mes pensées, tout comme il peuplait l'horizon de ses craintes ; debout contre cette fenêtre, je rêve à l'éternelle solitude et je me demande où je ferai pousser du pain. La faim me vient:)" ai très faim. Vais-je être réduit à manger ces rats que j'entends dans la cale de l'étude' ? Comment faire du feu? J'ai soif aussi. Pas de bananes ! Ah ! lui, il avait des limons' frais! Justement j'adore la limonade. Clic, clac ! on farfouille dans la serrure. Est-ce Vendredi? Sont-ce des sauvages ? C'est le petit pion' qui s'est souvenu, en se levant, qu'il m'avait oublié, et qui vient voir si j'ai été dévoré par les rats, ou si c'est moi qui les ai mangés. Des sables couverts de neige La narratrice a décidé de traverser à dos de chameau les immenses régions du =Kazakhstan, en =Asie. Elle se joint à un groupe de marchands. N minuit, comme des milliers de diamants, les étoiles éclairent notre départ silencieux; la briser pique, on dirait que la terre est prête à craquer de froid dans l'air vibrant. Un jeune garçon, en tête, suit la piste à pied. =AkhmetAli et =Nurman, son fils, sont perchés sur le premier chameau. Je viens ensuite seule, assise sur le chargement d'un. animal plus petit; derrière moi, rattachée au bâte par une corde mince passée dans ses naseaux, une chamelle nous suit de mauvais gré, rechignant à cause du petit qu'elle laisse au camp. Et nous allons de l'avant, ayant quatre cent cinquante kilomètres à parcourir, 1 o d'abord en zigzaguant parmi les buissons bas, ensuite tout droit à travers des sables couverts de neige. Nos étapes sont des plus irrégulières : elles dépendent probablement de la distance qui sépare les points d'eau, ou bien on les détermine d'après la quantité des buissons clairsemés que mangent les chameaux, là où l'on fait halte. Pendant les premiers jours, je souffre de crampes et mon dos est raide ; c'est que je ne suis pas habituée à cet étrange mouvement qui fait incessamment balancer votre buste d'arrière en avant, que vous soyez assis ou couché. Nous ne prenons jamais plus de trois ou quatre heures de repos consécutives, et comme j'ai toujours sommeil, j'essaie de dormir sur ma bête, bien que j'aie peur de tomber par terre. Le soir nous balayons la neige. sous le. ventre des chameaux; on y est à l'abri; ils nous protègent un peu. Dès que le feu est éteint, le froid qui guette se fait sentir de nouveau, il est impossible de réunir assez de broussailles pour avoir un feu ininterrompu. Mon système est d'endosser tous les vêtements que je possède avant de m'engouffrer dans mon sac de couchage, tandis que les =Kazakhs ont une autre méthode : ils se déshabillent jusqu'à leurs longues chemises puis ils s'étendent sur le sol et empilent tous leurs habits sur eux. J'ai beau rassembler tout mon courage, je ne me décide pas, malgré mon désir de tout expérimenter, à tâter de ce procédé ! Mais quelquefois, je dors vraiment bien et j'ai la surprise, à mon réveil, de me trouver ensevelie sous une couche de neige fraîche et diaphane3. Pendant la marche, quand je sens que le froid me raidit complètement, je glisse à bas de ma monture et je vais un moment à pied. Je me suis réveillé, le coeur battant et les mains moites. La chose était là, sous mon lit, vivante et- dangereuse.. Je me suis, dit : « Surtout ne bouge pas ! Il ne faut pas qu'elle sache que tu es réveillé. » Je la sentais gonfler, s'enfler et étirer l'un après l'autre ses tentacules innombrables. Elle ouvrait la gueule, maintenant, et déployait ses antennes. C'était l'heure où elle guettait sa proie. Raide, les bras collés au corps, je retenais ma respiration en pensant : « Il faut tenir cinq minutes. Dans cinq minutes, elle s'assoupira et le danger sera passé. » Je comptais les secondes dans ma tête, interminablement. À un moment, j'ai cru sentir le lit bouger. J'ai failli crier. Qu'est-ce qu'il lui prend Que va-t-elle faire ? Jamais elle n'est sortie de dessous le lit. J'ai senti sur ma main un léger frisson, comme une caresse très lente. Et puis plus rien. J'ai continué à compter, en m'efforçant de ne penser qu'aux nombres qui défilaient dans ma tête : cinquante et un, cinquante-deux, cinquante-trois. J'ai laissé passer bien plus de cinq minutes. Je me suis remis enfin à respirer normalement, à me détendre un petit peu. Mais mon coeur battait toujours très fort. Il résonnait partout en moi, jusque dans-la paume de mes mains. Je me répétais « N'aie plus peur. La chose a repris sa forme naturelle. Son heure est passée. » Mais, cette nuit-là, la peur ne voulait pas me lâcher, Elle s'accrochait à moi, elle me serrait le cou. Une question, toujours la même, roulait dans ma tête Qui est la chose? La chose qui, chaque nuit, gonfle et s'enfle sous mon lit, et s'étire à l'affût d'une proie. Et puis reprend sa foillie naturelle après quelques minutes. J'ai compté jusqu'à dix en déplaçant lentement ma main droite vers la lampe de chevet. À dix, j'ai allumé et j'ai sauté sur le tapis, le plus loin possible. Et qu'est-ce que j'ai vu sous mon lit? Mes pantoufles! Mes bonnes vieilles pantoufles que je traîne aux pieds depuis près de deux ans. Elles me sont trop petites, déjà, et percées en plusieurs endroits. J'étais vraiment déçu. Et un peu triste. Je me suis dit : « Alors, on ne peut plus avoir confiance en rien? Il faut se méfier de tout, même des objets les plus familiers? » J'ai regardé longtemps les pantoufles. Elles avaient l'air parfaitement inoffensives, mais je ne m'y suis pas laissé prendre. Avec beaucoup de précaution, je les ai enveloppées dans du papier journal et j'ai soigneusement ficelé le paquet. Et j'ai jeté le tout dans la chaudière. Le monstre étendu sur la neige La scène se passe en =1767. Depuis quatre ans, un monstre que les gens appellent « la Bête », terrorise la région du =Gévaudan, en France, dans le massif Central. Une fois de plus, les paysans sont partis à sa rechèrche. ils acceptent d'emmener avec eux la fille de =JeanChastel, =Marie, âgée de treize ans, car elle a déjà vu la « Bête ». Toujours debout, Marie avait aperçu une forme trottant sur quatre pattes. Un loup ? Elle ? « Baisse-toi, souffla Jean. Là, là. Comme ça. Dis, c'est elle ? » Marie plissa les yeux. La Bête venait à eux, sans hâte ni peur, décidée, ne cherchant nullement à se cacher, oui, à découvert, comme si elle savait ce qui l'attendait et l'avait accepté. Elle venait, la meurtrière aux terribles mâchoires, dévoreuse renommée, trottant comme chienne ou chien, les pattes de derrière légèrement de côté par rapport aux pattes antérieures, oreilles dressées sur l'énorme tête, langue pendante d'avoir tant couru depuis des mois. Sa faim s'était-elle brusquement éteinte? Pourtant, elle avait dévoré une fille de dix-huit ans, vers Chamblart, il y avait de cela soixante-douze heures. Et, contre le vacher, sa tentative de carnage avait échoué. Mais avait-elle eu faim un jour? Un seul jour? « C'est elle, hein ? » dit =Chastel dans un souffle. La Bête avançait. Avançait toujours. Des images défilèrent dans la tête de =Marie. Elle se rappela la marche avec les paysans de la battue', pour venir jusqu'au bois. Lorsqu'elle était arrivée avec son père, un chasseur d'une lointaine paroisse avait voulu dire quelque chose, émettre comme une protestation. Mais =Levallet lui avait cloué le bec. « La ferme ! C'est la petite du =Chastel ! » Et l'homme s'était tu. Et ceux qui murmuraient aussi. La =Bête venait, penchée en avant à cause des pattes antérieures qu'elle avait plus courtes. Maintenant, =Marie distinguait bien la raie sombre sur le dos, tran- chant avec le pelage légèrement rougeâtre, la queue longue et touffue. Chastel se signai rapidement, épaula. Dans le même temps qu'elle entendait une forte détonation, Marie vit la Bête se =DonQuichotte est un gentilhomme espagnol, vivant dans la région appelée la Manche. Il a lu de nombreux romans de chevalerie. Un jour, il décide de partir à l'aventure sur son cheval, Rossinante. Il est accompagné par son écuyer Sancho Pan ça qui, lui, se déplace sur un âne. C’est alors qu'ils découvrirent dans la plaine trente ou quarante moulins à vent; dès que don Quichotte les aperçut, il dit à son écuyer - La chance conduit nos affaires mieux que nous ne pourrions le souhaiter. Vois-tu là-bas, Sancho, cette bonne trentaine de géants démesurés ? Eh bien, je m'en vais les défier l'un après l'autre et leur ôter à tous la vie. Nous commencerons à nous enrichir avec leurs dépouilles, ce qui est de bonne guerre ; d'ailleurs, c'est servir Dieu que de débarrasser la face de la terre de cette ivraie. - Des géants ? Où ça ? - Là, devant toi, avec ces grands bras, dont certains mesurent presque deux lieues. - Allons donc monsieur, ce qu'on voit là-bas, ce ne sont pas des géants, mais des moulins ; et ce que vous prenez pour des bras, ce sont leurs ailes, qui font tourner la meule quand le vent les pousse. - On voit bien que tu n'y connais rien en matière d'aventures. Ce sont des géants ; et si tu as peur, ôte-toi de là et dis une prière, le temps que j'engage avec eux un combat inégal et sans pitié. Et aussitôt, il donna des éperons' à =Rossinante, sans se soucier des avertissements de =Sancho, qui lui criait que ceux qu'il allait attaquer étaient bien des. Un immense palais Quand on quitte la ville de =Tchaghan-Nor dont je viens de vous parler et qu'on parcourt trois journées, on trouve une ville appelée =ChangTou que fit bâtir =Khoubilaï, le Grand =Khan qui règne actueilement. Dans cette ville, =KhoubilaïKhan a fait construire un immense palais de pierre et de marbre : les salles et les pièces sont toutes couvertes d'or et il est extraordinairement beau et bien décoré. Le palais est entouré d'un mur qui délimite bien seize milles de terre, où l'on trouve des fontaines, des rivières et des prairies. Le Grand =Khan y fait garder toutes sortes de bêtes non sauvages, à savoir des daims, des cerfs, des chevreuils, pour donner à manger aux gerfauts et aux faucons qu'il tient en mue dans ce lieu. Il y a bien deux cents gerfauts, et lui-même va les voir en la mue une fois par semaine. Souvent, le Grand =Khan se rend dans cette prairie entourée de murs et il emmène avec lui un léopard sur la croupe de son cheval ; quand il le désire, il le laisse aller pour attraper un cerf, un daim ou un chevreuil, puis il les fait donner aux gerfauts qu'il tient en mue; et ainsi fait-il pour son plaisir et sa distraction. Et sachez encore qu'au milieu de cette prairie entourée de hauts murs, le Grand =Khan a fait faire un palais de bambous, dont l'intérieur est couvert de dorures et décoré de bêtes et d'oiseaux finement ouvragés ; la toiture est elle-même faite entièrement de bambous vernissés, de sorte que l'eau ne peut l'endommager. Je vais vous dire comment on l'a bâti : sachez que ces bambous ont une grosseur supérieure à trois paumes et une longueur entre dix et quinze pas. On les coupe par le milieu d'un noeud à l'autre, et avec ces bambous si gros et si grands, on peut couvrir des maisons, mais aussi les construire entièrement avec ce matériau. Quant au palais dont je viens de vous parler, le Grand =Khan l'avait conçu de telle manière qu'il le faisait démonter toutes les fois qu'il le voulait car il était soutenu par plus de deux cents cordages de soie. Je peux vous dire que le Grand Khan demeure en cet endroit trois mois de l'année : juin, juillet et août, car en cette saison il trouve là fraîcheur et distractions. Pendant ces trois mois, il garde le palais de bambous installé tandis qu'il le fait démonter le reste de l'année ; et il est si bien conçu qu'il peut le monter et le démonter à son gré. Les Paroles gelées Pantagruel navigue en haute mer, avec ses amis, parmi lesquels =Panurge. Soudain, il entend des sons et des voix : « Compagnons, n'entendez-vous rien ? Il me semble entendre des gens parler dans les airs, je né vois pourtant personne. Écoutez. » Le pilote répondit : « Seigneur, ne vous effrayez de rien. Ici se trouve le confin de la mer de Glace où, au début de l'hiver dernier, eut lieu une grande et cruelle bataille entre les Arismaspiens et les Néphélibatesl. Alors, les paroles et les cris des hommes et femmes, les chocs des masses d'aunes, les heurts des armures, des caparaçons, les hennissements des chevaux et autre vacarme de combat, gelèrent dans l'air. Maintenant, la rigueur de l'hiver étant passée, la sérénité et douceur du beau temps étant arrivées, elles fondent et se font entendre. - Par Dieu, dit Panurge, je le crois. Mais pourrions-nous en voir quelqu'une ? pénible affaire provient d'une simple faute d'orthographe. Dans sa rédaction, il imaginait ses prochaines vacances, qu'il comptait passer en camping avec des camarades. Camping itinérant. Le soir, on monte sa tente. Le lendemain matin, on la démonte,. et on repart. Oui, on repart à l'aventure, sac au dos, une chanson aux lèvres, respirant à pleins poumons l'air pur des montagnes, l'air salé de la mer. Ah, les départs enivrants au petit matin, le goût de l'aventure, l'appel du large, l'air des cimes, l'enchantement de la nature, la découverte du monde ! Souvenez-vous, monsieur le juge ! Souvenez-vous de votre enfance heureuse et insouciante, souvenezvous de vos premiers enthousiasmes, souvenez-vous de vos premières fautes d'orthographe. LE JUGE : - Vous sortez du sujet ! L'AVOCAT DE LA DÉFENSE : - Non, je ne sors pas du sujet ! C'est le coeur du sujet ! C'est le coeur du sujet et c'est aussi le sujet du coeur : car c'est à votre coeur que je m'adresse, monsieur le juge ! Le pauvre petit Albert se faisait à l'avance une telle joie de ses vacances en camping : et voilà que maintenant, pour une petite faute d'orthographe, il va les passer en prison, si vous condamnez cet innocent ! LA TANTE : - Monsieur le juge, je retire ma plainte. Albert est très étourdi, mais au fond, c'est un bon petit garçon. LE JUGE : - Hem, Évidemment, Hem... Dans ce cas. LE PROCUREUR (ricanant) : - Ha! ha ! Étourdi ! Ha, Ha, Ha ! Innocent ! Ha, Ha, Ha, Ha! Ce petit chérubin pourrait-il nous expliquer pourquoi, une semaine à peine avant cette fameuse rédaction, il avait déjà écrit dans une dictée : «La tante est insupportable » ? Je dis bien : la tante, avec un « a » ! Il ne va quand même pas prétendre cette fois que c'est sa tente de camping qu'il trouvait insupportable ! Voyons, c'est bien de Mlle =Rossi qu'il s'agissait! « La tante est insupportable, donc je la démonterai » : le raisonnement est parfaitement logique dans son atrocité ! Pour moi, monsieur le juge, l'affaire est claire : ce vaurien est un récidiviste, et il mérite les travaux forcés à perpétuité ! LE JUGE : - L'affaire rebondit ! Accusé, qu'avez-vous à dire pour votre défense ? L'ACCUSÉ : - Heu... cette fois, c'était la faute de l'apostrophe. LE JUGE : - Quoi? L'AVOCAT DE LA DÉFENSE :.- Une simple faute d'apostrophe, monsieur le juge. De château en château, les jongleurs du Moyen Âge racontaient les aventures des chevaliers de la =Table ronde, les compagnons du roi =Arthur. Voici par exemple un épisode qui a pour héros le chevalierYvain: accueilli par une noble dame après un séjour dans la forêt légendaire de =Brocéliande, il la remercie de son hospitalité en poursuivant une bande de pillards-venus sur terres. Messire vai le vaillant Messire =Yvain frappe où il peut dans la mêlée. Maintenant qu'il a pris un long repos il a retrouvé toute sa force. Il se jette si vivement sur le premier qu'il trouve sous son épée qu'il fait un seul monceau du cheval et du chevalier! Le glouton ne pourra se relever, l'échine brisée, le cceur lui crevant dans le ventre. Messire Yvain se recule un peu puis recommence. Il se couvre de son écu. Le temps de compter jusqu'à quatre et voici qu'il a désarçonné quatre chevaliers, coup sur coup! Ceux qui sont de ses compagnons prennent courage et chacun veut entrer dans la mêlée. Du haut de la tour de son château la dame a vu l'assaut et la défense et la prise du passage. Elle a vu beaucoup de blessés, beaucoup de tués de son parti comme de l'autre mais plus nombreux de celui-là. Messire =Yvain le vaillant faisait demander grâce aux ennemis comme le faucon fait aux sarcelles. Tous ceux et toutes celles qui regardaient le combat disaient: Voyez quel brave champion! Voyez comme les ennemis plient devant lui ! Voyez comme il les attaque ! On croirait un lion parmi les daims quand la faim le prend et le jette en chasse! Voyez comme il travaille de l'épée! Jamais =Roland ne fit avec =Durandal si grand massacre de =Turcs à =Roncevaux ou en =Espagne ! Si ce chevalier avait autour de lui quelques bons compagnons de sa valeur, le traître félon de qui nous nous plaignons serait déconfit dès ce jour et devrait s'éloigner d'ici en renonçant à grande honte ! Ils disaient encore - Elle serait née à la bonne heure, celle qui aurait l'amour d'un tel chevalier, si fort aux armes et unique entre tous comme se dresse un cierge parmi les chandelles, comme brille la lune parmi les étoiles, comme luit le soleil en face de la lune. Il est l'objet d'admiration si grande que l'on voudrait qu'il épouse la dame de ce château et en gouverne la terre. Gargantua de retour chez lui A son arrivée on lui fit fête à tour de bras. Jamais on ne vit gens plus joyeux. =Gargantua, changeant de vêtements et se coiffant avec son peigne (il était long de cent cannesi et ses dents étaient de grandes défenses d'éléphant, tout entières), faisait tomber à chaque coup plus de sept grappes de boulets qui lui étaient restés dans les cheveux lors de la démolition du bois de Vède. À cette vue, Grandgouio lier, son père, pensa que c'étaient des poux et lui dit : « Par Dieu! Mon bon fils, nous as-tu apporté jusqu'ici des éperviers de =Montaigu ! Je ne tenais pas à ce que tu fisses là ton séjour. » Alors Ponocrates répondit: « Seigneur, ne pensez pas que je l'aie au collège de pouillerie qu'on nomme Montaig. J'aurais mieux aimé le mettre avec les gueux des Innocents, vu l'incroyable cruauté et l'ignominie que j'y ai connues. Car les forçats chez les =Maures et les =Tartares, les meurtriers dans la prison aux criminels et même, sûrement, les chiens dans votre maison sont bien mieux traités que. ne le sont ces infortunés dans le collège en question. Si j'étais roi de Paris, le diable m'emporte si je n'y mettais le feu et ne faisais brûler le principal et les régents qui supportent que des traitements aussi inhumains soient exercés sous leurs yeux. » Soulevant alors un de ces boulets, il dit : « Ce sont des coups de canon que votre fils Gargantua a reçus il y a peu, en passant devant le bois de =Vède, par une traîtrise de vos ennemis. Mais ils en ont été bien récompensés qu'ils sont tous morts dans la ruine du château Je suis d'avis que nous pourchassions l'ennemi pendant que la chance est avec nous . Une démarche mystérieuse -vite, éteins la chandelle ! D'un mouvement vif, =Jehanne souffla la flamme, puis elle demeura immobile, écoutant les bruits de la forêt. - Il n'y a personne, mère, chuchota-t-elle. - Ne rallume pas, j'ai trop peur. Jehanne s'approcha de la femme allongée sur la paille. - Que craignons-nous ? demanda-t-elle. Nous n'avons plus rien. - Nous avons le cheval. N'as-tu pas vu tous les yeux qui l'ont suivi quand nous avons traversé le village? - Mais le cheval est à nous, mère, ils ne peuvent le prendre. - La faim, ma fille, fait commettre bien des folies, transforme l'honnête homme en larron et le sage en démon. =Jehanne ramena sur ses épaules son épaisse cape de drap. Dans la petite cabane où elles avaient trouvé refuge, il faisait aussi noir que dans un puits. L'air était humide, avec une odeur d'écorce et de mousse. Il avait plu toute la journée. - Mère, me direz-vous enfin pourquoi nous avons quitté notre maison du bourg? Depuis, nous n'avons fait que marcher. Où allons-nous? -je te le dirai bientôt. Jehanne secoua la tête -je ne vous comprends pas. Quels sont ces mystères que vous entretenez? Ce que vous voulez me dire bientôt, pourquoi ne pas le dire dès à présent? - Parce que le temps n'est pas venu. Jehanne posa sa main sur le front brûlant de sa mère - Maintenant, vous voilà malade, et nous n'avons plus rien à manger. Je vous en prie, retournons à la maison. - C'est impossible... il faut bien que tu le saches, petite: la mort de ton père nous a ruinées. - Mais... notre commerce de drap? - C'était un héritage. Il appartenait aussi à tes oncles. Tes oncles ont =Renard est allé trop loin: les animaux qui ont été ses victimes vont se plaindre au roi des animaux, Noble le lion, et demandent justice. Le procès de =Renard Ala cour du roi, il n'est bête qui ne l'attende pour l'accabler, =d'Isengrm à =Tibert le chat. =Renard se défend, tête haute. Il est habile mais le roi se méfie. Vous êtes toujours aussi beau parleur et vous mentez toujours très bien mais aujourd'hui, finies les ruses ! Vous les avez menées trop loin! Voyez, ici, tous vous accusent, vous traitent de coquin, puant rouquin, scélérat! Personne ne veut vous défendre. Chacun souhaite vous voir pendu. C'est ce qu'ordonne le conseil. Renard gémit et tremble. Il se voit pris et cette fois n'en peut plus rire. Il sera pendu bel et bien. Quelle ruse peut encore le tirer de là? Déjà la potence se dresse, le singe lui fait la grimace et lui donne un soufflet, l'un le tire, l'autre le pousse. Couard le lièvre lui jette des pierres - mais de loin, sans oser s'approcher! =Renard est pris et lié. On l'entraîne vers la potence. Sire, pitié! je ne veux pas mourir ainsi. Il faut que j'expie mes péchés. De grâce, laissez-moi prendre la croixl. Je veux me repentir. J'irai en pèlerin jusqu'au-delà des mers. Le roi est pris de pitié. =Grimbert, de son côté, supplie =Renard vous reviendra de son pèlerinage pieux et - courtois et vous n'aurez alors de meilleur serviteur. - J'en doute, dit le roi. Il nous reviendra pire ! Car trop souvent, qui bon y part, mauvais revient ! Qu'il prenne la croix, je veux bien, mais à la condition qu'il restera là-bas et que jamais ne reviendra. =Renard promet tout ce qu'on veut - il est sauvé et plein de joie. Il tombe aux pieds du roi puis met la croix sur son épaule droite. On lui apporte l'écharpe et le bâton de pèlerin et il s'en va. Au preniier tournant il jette la croix, au second la pèlerine et le bâton. Son pèlerinage est déjà terminé. Ce n'était qu'une ruse, une de plus mais elle l'a sauvé ! . Trois beaux colliers d'anguilles Voici qu'arrivent à vive allure des marchands de poissons qui viennent de la mer, portant quantité de bons harengs bien frais car, ton e ia semain.e, le vent qu'il faut a bien soufflé. Leur charrette contient aussi beaucoup de lamproies' et d'anguilles achetées aux viloù ils étaient passés. =Renard, qui sait tromper son monde, file sans se montrer pour prendre les devants et berner les marchands sans qu'ils s'en aperçoivent. Voyez la ruse qu'il emploie: après s'être roulé dans l'herbe, il s'allonge au milieu du chemin et là, il fait le mort : yeux fermés, gueule entrouverte, il prend bien soin de ne pas respirer. Arrivent les marchands, ne se doutant de rien. Le premier qui le voit crie à son compagnon - Regarde ! Un renard ! Ou peut-être un chien - Un renard, oui! fait l'autre accourant. Attrape-le et fais bien attention qu'il ne t'échappe pas ! Tous deux se précipitent, tournent et retournent =Renard qui se laisse tâter l'échine et la gorge, toujours contrefaisant le mort. En même temps ils s'interrogent - Combien crois-tu qu'il vaut? Quatre sous? Au moins cinq! Et encore ce n'est pas cher! Vois comme sa gorge est blanche ! Jetons-le dans la charrette ! Ce qu'ils font; et ils repartent, tout joyeux à l'idée de la bonne affaire qui vient de leur tomber du ciel! Couché sur les paniers, =Renard en ouvre un de ses dents et en tire trente harengs qu'il mange presque tous sans se soucier d'assaisonnement - ni sel, ni sauge ! Le voilà rassasié mais il pense à =Hermeline, sa jeune et noble épouse, et à ses deux fils, tous restés au logis et également affamés. Il s'attaque à l'autre panier, en tire trois beaux colliers d'anguilles attachées par le museau. Il y enfile la tête et le cou, arrange le tout sur son dos et maintenant, il faut descendre de la charrette sans se faire prendre ! Il n'y a ni marche-pied ni planche ! Ma foi, tant pis: il se met à genoux, avance un petit peu et, des deux pattes de devant, s'élance. Il saute, retombe au milieu du chemin, les anguilles toujours au cou. Il crie, moqueur, aux marchands - Dieu vous garde ! À moi ces anguilles, à vous le reste ! Le portefeuille T rois acteurs ambulants, Smirnov, Popov et Balabaïkine, suivaient un beau matin les traverses de la voie ferrée, quand ils trouvèrent un portefeuille. L'ayant ouvert, à leur grand étonnement et émerveillement, ils y virent vingt billets de banque, six billets à lot du deuxième emprunt et un chèque de trois mille roubles. Leur premier réflexe fut de crier «hourra», puis ils s'assirent sur le talus et s'abandonnèrent à l'enthousiasme. - Ça nous fait combien chacun? dit Smirnov en comptant l'argent. Saints du Paradis ! Cinq mille quatre cent quarante-cinq roubles ! Mes amis, mais c'est à mourir, une somme pareille! Ce n'est pas tant pour moi que je suis heureux, dit Balabaïkine, que pour vous, mes amis. Maintenant vous ne crèverez plus de faim et vous n'irez plus nu-pieds. C'est pour l'art que je me réjouis. Pour, commencer, les amis, je vais à =Moscou et je file droit chez Ayet: «Allez, mon vieux, monte-moi ma garde-robe... » Je ne veux pas jouer les paysans. Je prendrai les emplois de dandys et de gandins'. J'achèterai un haut-deforme et un chapeau claque. Pour les dandys, un haut-de-forme gri Maintenant, pour fêter ça, remarqua le jeune premier =Popov, - il faudrait boire un coup et casser la croûte. Voilà presque trois jours que nous sommes au pain sec, il faudrait bien maintenant quelque chose de =Hein? Oui, ça ne serait pas mal, mes agneaux, acquiesça =Smirnov. Du fric en masse et rien sous la dent, les enfants ! Adorable =Popov, tu es le plus jeune et le plus alerte de nous tous, prends un petit rouble dans le portefeuille, et en avant marche : aux provisions, mon ange ! Là là-bas, il y a un village ! Tu vois la tache blanche de l'église derrière le tertre? Il doit y avoir dans les cinq à six verstes2, pas davantage... Tu vois ? C'est un grand village et tu y trouveras de tout. Achète-nous une bouteille de vodka, une livre de saucisson, deux pains, des harengs, nous t'attendrons ici, cher petit.