&&000 FRANCE 5TH GRADE 2000S R-5TH-00S.TXT &&111 octobre Hier j'ai acheté un cahier. J'ai mis Je-me-parle en titre, sur la couverture. Et voilà : Je me parle. C'est mon droit. Avant je me parlais, mais à trois. Un : moi. Deux : à moi. Trois : avec Zéphira. C'est ma tortue, Zéphira. Elle est morte avant-hier. C'est si triste, mon Je-me-parle, que je préfère pas m'en parler. =Zéphira, je t'oublierai jamais. =Papa m'a dit : « Je vais t'en offrir une autre, tu veux =Chloé ? Sûrement pas, j'ai dit, ma =Zéphira n'est pas un chou-fleur qu'on change. J'aurai plus jamais de tortue. » Mais je voulais bien un chien. =Papa et =maman n'étaient pas d'accord. Ils disaient : « Qui c'est- qui-va-lui-faire-à-man ger-et-l'amuser ? » Moi j'ai dit tout de suite que je choisissais de l'amuser. =Papa a riposté : « Évidemment. » =Maman aussi. Moi j'ai dit : « Pourquoi "évidemment" ? » Alors ils ont répondu comme deux perroquets qu'amuser le chien, c'était le plus facile. Alors j'ai dit : « D'accord, vous amusez le chien et moi je le nourris. » Mais là ils ont dit que de toute façon, quand on est un être humain « un peu responsable », on ne laisse pas un chien tout seul du matin au soir toute sa vie. Et comme y'a personne à la maison sauf le soir et le mercredi, c'était pas possible. sans scrupules: agir par pur inté. Mol j'ci dit qu'ils n'avaient pas eu autant de scrurêt, sans problème de conscience pules pour =Zéphira. Alors là, mon Je-me-parle, alors là. =Hormis la forêt qui court le long du versant et s'arrête net sur la steppe, le paysage est un bouleversement de rocs, un éboulis de terre et de pierrailles que les orages d'été ont arrachés aux sommets au cours des millénaires. Les =Remuants ne peuvent apparaître que par l'étroite langue de verdure qui frange l'entaille d'un torrent. Aba patiente un moment avant de se décider à remonter vers les siens. =Yeren a de nouveau désobéi : il s'est éloigné de sa mère pour fureter sous les blocs avec un bâton afin de dénicher des lézards ou une colonie de fourmis. Le père l'appelle, gronde de colère, le secoue par une épaule et l'oblige à marcher devant eux. L'instant d'après, =Yeren est de nouveau derrière. Le vent souffle plus fort, dévale de la montagne en soulevant une poudre de cristaux glacés. Aba a un claquement de langue satisfait : leurs traces s'effacent, comblées par ces filées de neige au ras du sol. Les =Remuants ne se risqueront pas à les poursuivre dans la bourrasque ; ainsi la petite famille retrouvera-t-elle bientôt ceux qui l'ont avertie et qui doivent fuir de la même façon le long des versants. Ama se retourne, voit la silhouette floue de son fils à travers un brouillard laiteux. Elle l'encourage à marcher dans ses pas. Le père se place devant elle pour la protéger du vent qui s'enfle en tourmente. Courbé en deux, Yeren se laisse rapidement distancer. Les tourbillons chassent des grains de neige qui entrent dans la bouche, dans les yeux, dans les oreilles. =Yeren pense à la vallée : c'est encore l'automne en bas, le vent ne cingle pas le visage de poignées de grésil. Et puis, voir les =Remuants de près excite sa curiosité : ils sont tellement étranges. Il se promet d'être prudent et, une fois de plus, désobéit. histoire se passe dans le Grand Nord, près du Pôle. Un traîneau, tiré par des chiens-loups et conduit par deux hommes, glisse sur la neige glacée. Une heure s'écoula, puis deux. La lumière blême , de ce jour sans soleil commençait à faiblir, quand un hurlement lointain fit vibrer l'air tranquille. Il augmenta rapidement d'intensité, atteignit une note suraiguë 1 où il se maintint quelques instants avec une palpitante vigueur, puis lentement s'éteignit. suraiguë : cri très perçant On aurait pu croire qu'il s'agissait de la plainte d'une âme errante si l'on n'y avait décelé l'indéfinissable sauvagerie née de la colère et de la faim. L'homme qui marchait en avant se retourna vers son compagnon. lis échangèrent un long regard par-dessus la grande caisse caisse oblongue : plus longue oblongue , hochant tous deux la tête d'un air entendu. que large Un second cri troua violemment le silence. Les deux hommes le localisèrent derrière eux, quelque part dans la vaste étendue de neige qu'ils venaient de traverser. Un troisième hurlement répondit au second, toujours en arrière, mais un peu plus à gauche. « Ils sont à nos trousses, Bill », dit l'homme qui ouvrait la marche. Sa voix rauque paraissait irréelle et il parlait au prix d'un visible effort. « Le gibier se fait rare, répondit son compagnon. Voici des jours que je n'ai pas vu la moindre trace de lapin. » Après quoi, ils cessèrent de parler, mais demeurèrent attentifs aux hurlements de la poursuite qui continuait derrière eux. À la tombée de la nuit, ils dirigèrent l'attelage vers un bouquet d'arbres qui surplombait le fleuve gelé et y installèrent leur campement. Placé devant le feu, le cercueil fit à la fois office de siège et de table. Les chiens, qui s'étaient regroupés de l'autre côté des flammes, grondaient et se bousculaient, mais ne semblaient guère désireux de se disperser dans l'obscurité. Je ferme la fenêtre. Inutile que les voisins profitent de ce récital. Je me bouche les oreilles. Je lis à voix haute la fin de mon chapitre. Au bout de cinq minutes, Tauba sort. Elle passe devant moi en me décochant un regard noir, va coller son front au carreau et marmonne entre ses dents « Me fixe pas comme ça, tu vas m'user. » Je sais ce qu'elle a en tête. Elle pense au square, à deux pas de chez nous. Elle meurt d'envie de s'amuser avec des enfants de son âge, elle n'a que six ans. 11 y a quinze jours, elle jouait encore au tas de sable. Maintenant c'est interdit. À l'entrée du jardin public, on peut lire PARC À JEUX Réservé aux enfants ACCÈS INTERDIT AUX JUIFS C'est obligatoire depuis un mois et demi. Nous devons porter une étoile à six branches cousue sur nos vêtements, juste à la place du coeur. On nous en a distribué trois par personne, en échange il a fallu donner des points textiles. J'ai demandé à maman de fixer les miennes avec des boutonspression afin de changer souvent de toilettes. Elle m'a répondu « Les pressions, c'est défendu. » Je me suis indignée. « Alors, elle va moisir dans la penderie jusqu'au déluge, ma robe en organdi ! » Je l'aime tant, cette robe. C'est mon cadeau d'anniversaire. Elle a un col claudine et des manches ballon. Je sais ce que je vais faire. Je vais découdre l'étoile de ma jaquette et la recoudre sur ma robe. Non ! Une étoile jaune bordée de noir, avec la mention JUIF, ce sera carrément affreux sur de la cotonnade rose ! Et puis j'ai horreur du jaune. Cette couleur me rappelle un fortifiant abominable qu'on me forçait à ingurgiter quand j'étais petite. Je suppliais : ingurgiter : boire de force « =Maman, s'il te plaît, non ! » Et je courais autour de la table. « Tauba, au cas où cela t'intéresserait, je t'annonce que Fleur de Marie a été sauvée de la noyade par la Louve, que le Chourineur est en route pour Paris et. » Tauba fait la sourde oreille. Elle a chipé les ciseaux de maman et elle découpe des photos de pâtisseries dans un vieux 6. Les Mystères de Paris magazine. Elle se contrefiche des =MystèresdeParis feuilleton de =Eugèr, e =Sut, exemple, était si longue au commencement qu'il se prenait les pattes dedans ; il fallut la lui retailler. La peau de la chèvre la tiraillait de partout, à peine si elle pouvait respirer ; il fallut défaire les coutures. L'éléphant (sans défenses) avait l'air bien trop doux et le rhinocéros (sans cornes) n'avait l'air de rien du tout. Pour finir, =Raluvhimba s'amusa à créer quelque chose de minuscule. Ce fut la souris des champs. Il la prit au creux de sa main pour la regarder de plus près. « Hé hé, dit-il, plutôt content de lui. Pas vilain ma foi. Et qu'on n'aille pas me dire que ce n'est pas petit ! » Et tous les animaux reprirent en choeur : « Oh si, c'est petit ! Vraiment tout petit. Et joli, aussi ! » Mais jusqu'ici, petits ou grands, les animaux n'avaient pas de couleurs. Alors =Raluvhimba cueillit des plantes ici et là et il se parer, élaborer concocta toutes sortes de teintures. Avec des restes de poils, il se fit un pinceau et il peignit ses animaux les uns en uni, les autres bariolés, les uns avec des taches, les autres des marbrures, d'autres encore avec des rayures. « Maintenant, plus rien ne vous manque, dit-il à son petit monde. Et je peux vous dire : vous êtes beaux. » En ce temps-là, il n'y avait pas le moindre être humain sur terre. Raluvhimba n'avait pas encore imaginé de créer l'homme, aussi tous les animaux vivaient-ils sans crainte aucune. Ils allaient et venaient à leur guise, broutaient ce qui leur tombait sous la dent. Ils avaient bon appétit, mais de bonnes manières aussi. L'idée ne leur serait pas venue de se dévorer entre eux. lis étaient tous végétariens. L'agneau faisait la sieste entre les pattes du lion, le renard léchait le lièvre. Ils vivaient en paix, tous ensemble. Partout où le portaient ses pas désormais, par monts et par vaux, de prairie en forêt, =Raluvhimba rencontrait des animaux heureux de vivre qui le saluaient avec entrain. Il n'était plus seul sur terre et la compagnie lui plaisait. Dans l'air et dans l'eau, par ; contre, c'était encore un peu triste. Il n'y avait toujours rien, rien qui vive et respire, rien que de grands espaces désolés. ototo, un garçon africain du pays =Bambara, n'aimait , pas la pizza. Son papa, =GrandBoubou, l'adorait, lui. 1l disait d'un air gourmand' « Y a bon la pizza, =Bototo ! Miam miam ! » (I1 parlait l'africain colonial sans aucun souci grammatical, car ça L'amusait. Pourquoi pas ? Maman =Jolitutu ajoutait, sans conjugaison non plus « Moi y avoir fait aussi gros moka. Mais toi finir d'abord ta pizza, mon garçon ! » =Bototo grognait : « Moi pas vouloir pizza ! Ça mauvais ! » I1 poussa la pizza du bout du doigt. Il grimaça. Grand =Boubou râlait'. 1l dit « Si toi pas vouloir pizza, toi pas avoir non plus bon moka au chocolat ! » Il confisqua la part du gamin, la croqua un bon coup. Il suçait son doigt. 11 passait la main à plat sur son nombril «Hum! =Yabon!» Maman =Jolitutu sourit à son fils « Bototo, mon chou ! Toi finir ta pizza pour avoir aussi bon moka au chocolat ! » La maman aurait voulu voir son garçon satisfait, mais Bototo sourcils: pour mon Soufflait, fronçait un sourcil à bâbord, puis un à tribord, fâché tapait du talon sous son rocking-chair, frappait son thorax du poing. Papa =GrandBoubou attrapa un gros bout du moka : « Si toi pas vouloir ta pizza, moi y vais miam miam tout moka illico ! » I1 porta aussitôt la portion à son trou buccal, la croqua, l'avala. Alors =Bototo n'y tint plus. I1 bondit, chopa la pizza, la lança dans la cour. Il criait : C'est ainsi que le maître d'école s'installa dans le préau couvert avec ses élèves. On avait laissé les fenêtres ouvertes, pour que les bonshommes puissent suivre la classe en restant au froid dans la cour. On leur avait même installé un tableau et, de temps en temps, ils allaient écrire. Tout le monde était content. À la récréation, on fit une farandole et l'on joua même à la chandelle. Les bonshommes de neige riaient joyeusement, mais „ plusieurs enfants s'enrhumèrent. «Nous sommes bien heureux d'être venus ! disaient les bonshommes. Nous vous enverrons nos amis ! » Mais le temps se réchauffa subitement. L'après-midi, le soleil brilla et brûla comme un haut fourneau. Les bonshommes de neige étaient en nage, ils fondaient à vue d'oeil. Beaucoup quittèrent la cour pour chercher des rues ombragées. Ceux qui étaient restés peinaient et suaient. Bientôt, il ne resta plus dans la cour dégelée que le bonhomme ami de Muriel. avait maigri beaucoup. 1l avait perdu son balai et ses moustaches. Sa casquette pendait sur son épaule gauche. Son nez de carotte s'était affaissé et ses yeux avaient coulé : ils n'étaient plus à la même hauteur. Les enfants entouraient le bonhomme =affaibli. « Il faudrait le mettre dans un réfrigérateur, disait =Muriel. - Qu'est-ce que c'est, un réfrigérateur ? » se renseignait le bonhomme avec douceur. Sa voix était si faible qu'il fallait se pencher pour l'entendre. « C'est une sorte de grande boîte, expliquait =Caroline. Une boîte où il fait froid. » Le bonhomme de neige ne voulait pas en entendre parler : « Quelle horreur ! Je ne veux pas qu'on me mette en boîte ! » otor m'a pris par le bras et m'a entraîné vers eux. J'ai crié « Mais tu es fou, c'est trop dangereux ! » Totor m'a répondu « Écoute. =L'Assassin ne nous a jamais vus. Il ne nous connaît pas. Ne t'inquiète pas, nous ne risquons rien ! » Nous avons fait la queue pour le train fantôme. Je n'osais pas regarder =l'Assassin. Mais quand est arrivé notre tour de prendre les billets, j'ai été bien obligé. Et alors là j'ai cru que j'avais une hallucination. C'était une revenante qui me tendait mon billet ! La dame découpée en morceaux, jetée dans un sac-poubelle était là, en chair et en os ! Elle discutait avec =l'Assassin ! Alors là, je n'y comprenais plus rien ! Je n'ai pas eu le temps ;de ranger les idées qui s'entrechoquaient' dans ma tête. s'entrechoquer : s Un type nous a installés, =Totor et moi, dans un wagonnet et on a commencé le parcours du train fantôme. Il faisait tout noir et il y avait de drôles de bruits : des craquements bizarres, des cris d'animaux. Tout à coup, une chauve-souris nous a frôlé les cheveux. =Totor et moi, après tout ce qu'on avait vécu, on n'allait pas être impressionnés par un spectacle ! Le wagonnet avançait de plus en plus vite. À un moment, =Dracula nous a barré le passage. 11 était drôlement bien fait ! 1l avait deux dents de vampire et du sang qui dégoulinait sur son menton. Beurk ! =Totor et moi, on était morts de rire. Et puis, la sorcière est apparue. C'est là que j'ai eu un choc. Elle poussait exactement le même cri que celui que j'avais entendu dans le jardin, le soir du crime. Je l'aurais reconnu entre mille Un peu plus loin, un squelette est tombé du plafond. Exactement le même squelette que dans le sous-sol de =l'Assassin. enez, dit =Briant reprenant la marche, nous ne devons pas oublier notre mission. » Durant toute la journée, coupée d'une pause pour un déjeuner frugal ', ils marchèrent vers le Nord, frugal : très léger progressant par les hauteurs pour éviter de traverser les cours d'eau, dont les abords étaient souvent marécageux. À travers les collines dénudées couvertes d'ajoncs et d'airelles, coupant par les creux boisés de bouleaux, d'aulnes, de mélèzes et de sapins, ils marchèrent sous un soleil assez chaud sans voir autre chose que des aurochs, des bisons ou des chevaux. Quand le jour déclina , =Hirsch crut apercevoir un gros déclina : baissa, diminu félin au pelage à la fois jaune et noirâtre, mais il ne put l'identifier. « Prenez garde, dit =Briant, les fauves ne doivent guère 1craindre l'homme ici et peuvent être redoutables ; notre armement ne vaudrait guère contre eux : ne nous séparons pas. Si l'on en juge par les dessins rupestres que nous connaissons, le lion des cavernes hante encore ces régions ; un tiers plus gros que le lion africain, ce doit être un terrible adversaire. » Vers la fin du jour, ils décidèrent de s'arrêter et choisirent, près du site de =Beynat, un endroit où quelques rochers formaient une sorte d'anfractuosité avec un auvent. Pendant la journée la température était montée à dix-huit degrés, mais elle descendit très vite avec l'obscurité. Bientôt vint le froid et les étoiles s'allumèrent. Les trois hommes se répartirent les heures de veille ; il fut convenu que =Hirsch assurerait le premier quart, puis que =Briant le remplacerait et que =Jean-Claude terminerait la nuit. Pendant que =Hirsch commençait sa garde, accroupi à l'entrée de leur abri, les deux autres, blottis dans leur sac de couchage, s'endormirent, brisés par la fatigue et l'émotion. e te l'avais bien dit, que nous serions surpris par l'orage ! » Sylvain saisit Sophie par la main et l'entraîna en courant sur le chemin ; dans le lointain, les sourds grondements s'apaisèrent. « Avoue que c'est quand même bizarre ! lança Sophie, qui avait du mal à reprendre haleine. Un orage sans nuages ! » ils ralentirent l'allure. Ils sentaient, sous les fines semelles de leurs espadrilles, les durs cailloux du chemin de terre. De chaque côté de la route, les grillons s'étaient remis à crier à tue-tête ; au loin, un peu avant le bois, un troupeau de vaches continuait paisiblement de paître comme si rien ne s'était passé. « Écoute, dit Sylvain en levant la tête, nous n'avons pourtant pas rêvé : tu as vu cet éclair aussi bien que moi. Et il a bien tonné quelques secondes plus tard. Est-ce que les orages n'obéiraient pas aux mêmes lois en =Picardie qu'à =Paris ? » Sophie haussa les épaules. Elle était née dans la région. Elle savait que ses parents, pendant les moissons, redoutaient qu'un orage imprévu ne gâchât la récolte ; mais elle n'avait jamais vu la pluie tomber lorsque le ciel était si bleu. L'après-midi s'annonçait splendide. On se serait cru sur la =Côted'Azur. Sylvain, plus âgé que Sophie de deux ans, avait coutume de prendre toutes les décisions depuis qu'il passait ses vacances au village. Mais il lui était souvent arrivé de s'en mordre les doigts il ne savait pas reconnaître un pommier d'un orme, ni un mouton d'une brebis. C'est pourquoi il risqua « Tu crois que nous pouvons reprendre la promenade ? » Car, au fond, il enrageait d'avoir commencé à rebrousser chemin alors que l'orage ne montrait même pas le bout de son nez. Plongeant la main dans sa poche, il vérifia qu'il n'avait pas, dans l'affolement, perdu les sandwiches du goûter. « Bah ! fit =Sophie à regret. C'est trop tard à présent : nous voilà presque revenus au village. » est seulement quand l'obscurité éteignit complètement cette lueur inquiétante qui brillait dans l'oeil vert du félin que je pus enfin m'arracher à la scène. Grimpant à toute allure l'escalier en colimaçon je me précipitai d'instinct dans le bureau de monsieur =Laurent. Occupé à recoller un minuscule morceau de nacre sur la poignée d'un couteau exotique, ce dernier manifesta une impatience inhabituelle « Écoute, tu es bien gentil, mon petit =Stéphane ! Mais tu vois bien que j'ai là une tâche délicate. Je vous en supplie, monsieur =Laurent ! Il faut que vous veniez tout de suite ! Une chose incroyable dans la vitrine du puma Eh bien quoi ? Elle ne s'est pas envolée, tout de même ? » N'y tenant plus, je l'agrippai 2 par la manche de sa blouse et il me suivit en maugréant. Mais sa mauvaise humeur fit bientôt place à la stupéfaction lorsqu'il se trouva devant la vitrine. Indigné, il se mit à hoqueter : « C'est un sabotage ! Qui a osé ? Qui s'est permis ? =Stéphane, il faut tout de suite prévenir monsieur =ortier ! » Quand je redescendis avec mon père, monsieur une réaction spectaculaire Laurent continuait de s'époumoner. Ses beaux che- exagérée, comme au théâtre veux blancs d'habitude si bien lissés s'ébouriffaient sous le passage de ses mains agitées d'un tremblement nerveux. La réaction de =Paul fut beaucoup moins spectaculaire. « Eh bien, Savard, reprenez-vous, mon vieux ! On n'a pas voulu attenter à votre vie ! » Puis, relevant ses petites lunettes rondes sur son front, il m'interrogea sais pourquoi, le langage de =RobinsonCrusoé approchant =Vendredi sur la plage de son île déserte « Moi pas faire mal à toi moi, ami moi, pas méchant. » 1l ne bougeait toujours pas. Je n'avais pas l'impression qu'il allait tenter quoi que ce fût pour m'arrêter ni pour fuir. I1 me regardait. Je commençai à distinguer ses traits. Il avait le nez moyen, le front moyen, la bouche moyenne, de larges yeux dont je ne pouvais encore préciser la couleur et des cheveux châtains que la lumière de la soucoupe faisait paraître plus clairs. Lorsque je fus assez près de lui pour voir qu'il avait une fossette sur le menton, je m'arrêtai. 11 me regardait toujours et ne disait rien. Je commençai à me sentir très embarrassé et je repris mon charabia « Moi, content voir toi moi. » Puis, saisi d'une idée géniale, je me frappai la poitrine avec une grande énergie « Moi, =Olivier ! =OlivierLentignac ! » Je vis alors sourire mon « soucoupien ». Deux nouvelles fossettes se creusèrent dans ses joues, le coin de ses yeux se plissa. Il ouvrit la bouche et me demanda : « Bonjour, mon vieux ! Comment ça va ? » Alors là, oui là, je fus stupéfait. J'avais admis sans peine l'existence des soucoupes volantes, j'avais admis la panne, j'avais admis le soucoupien, mais j'avais du mal à admettre le « Bonjour mon vieux, comment ça va ? » as ballants : tombant le À mon tour, je restai les bras ballants', la bouche ouverte. Je vis son sourire s'accentuer, ses yeux ils étaient noirs - pétiller de malice et je l'entendis qui riait. 1l faisait plus que rire, il se tordait. Et plus j'avais l'air stupide, plus il riait. Au bout d'un petit moment pourtant, il se calma. 11 passa le revers de sa main sur ses yeux humides et il me dit « Excuse-moi mais mais. » I1 faillit éclater de plus belle. I1 mordit l'intérieur de ses joues et enfin, il se maîtrisa. J'ai appris le français à l'école, me dit-il. Je suis un spécialiste de toutes vos littératures : ancienne, moderne, classique et populaire, avec ou sans faute de grammaire, argot compris. Ces derniers temps, j'ai même suivi quelques cours de "franglais" : Tu ne trouves pas ça ?