&&000 FRANCE 8TH GRADE TEXTS 1990S FR-8TH-90S.TXT SAMPLES DRAWN FROM NEW YORK CITY FRENCH SCHOOL Failed to record the names of the THREE Publishers N=25 SAMPLE PAGES SAVED IN UTF-8 FORMAT RE-RE-EDITED 23 MARCH 2005 BECAUSE LEX-C IS SO HIGH AND % n = 91.5 % (too low) &&111 La Main La Main est parue en 1883. Maupassant reprend un thème déjà traité en 1875 dans La Main d'Écorché. On faisait cercle autour de =MBermutier, juge d'instruction, qui donnait son avis sur l'affaire mystérieuse de =Saint-Cloud. Depuis un mois, cet inexplicable crime affolait Paris. Personne n'y comprenait rien. =Bermutier, debout, le dos à la cheminée, parlait, assemblait les preuves, discutait les diverses opinions, mais ne concluait pas. Plusieurs femmes s'étaient levées pour s'approcher et demeuraient debout, l'mil fixé sur la bouche du magistrat d'où sortaient les paroles graves. Elles frissonnaient, vibraient, crispées par leur peur curieuse, par l'avide et insatiable besoin d'épouvante qui hante leur âme, les torture comme une faim. Une d'elles, plus pâle que les autres, prononça pendant un silence - C'est affreux. Cela touche au « surnaturel ». On ne saura jamais rien. 15 Le magistrat se tourna vers elle - Oui, madame, il est probable qu'on ne saura jamais rien. Quant au mot « surnaturel » que vous venez d'employer, il n'a rien à faire ici. Nous sommes en présence d'un crime fort habilement conçu, fort habilement exécuté, si bien enveloppé de mystère que nous ne pouvons le dégager des circonstances impénétrables qui l'entourent. Mais j'ai eu, moi, autrefois, à suivre une affaire où vraiment semblait se mêler quelque chose de fantastique. Il a fallu l'abandonner, d'ailleurs, faute de moyens de l'éclaircir. Plusieurs femmes prononcèrent en même temps, si vite que leur voix 25 n'en firent qu'une - Oh ! dites-nous cela. M. Bermutier sourit gravement, comme doit sourire un juge d'instruction. Il reprit - N'allez pas croire, au moins, que j'aie pu, même un instant, 30 supposer en cette aventure quelque chose de surhumain. Je ne crois qu'aux causes normales. Mais si, au lieu d'employer le mot « surnaturel » pour exprimer ce que nous ne comprenons pas, nous nous servions simplement du mot « inexplicable »; cela vaudrait h ucoup mieux. En tout cas, dans l'affaire que je vais vous dire, ce sont surtout les 35 circonstances environnantes, les circonstances préparatoires qui m'ont ému. Enfin, voici les faits J'étais alors juge d'instruction à Ajaccio, une petite ville blanche, couchée au bord d'un admirable golfe, qu'entourent partout de hautes montagnes. 181 l le rouge était mis, et la moumoute de Roland =Rastrols bâillait légèrement près de la tempe gauche. Pas question de déposer la prothèse à vingt secondes de l'envoi du générique... La maquilleuse se souvint d'une ficelle de métier : elle dévida cinq centimètres de Scotch, en fit une boucle, la surface collante placée à l'extérieur, souleva le coin de la perruque du présentateur et glissa l'adhésif entre peau et plastique. Elle tapota les cheveux, opéra un raccord au pinceau, tamponna la sueur qui perlait au front puis recula derrière le fauteuil pour juger du résultat dans la glace. - Tu peux y aller, mon chou, tu as rajeuni de dix ans ! Rastrols se leva brusquement et arracha les serviettes papier coincées sous son col de chemise. Une assistante se précipita pour brosser les épaules et le revers de son costume bleu nuit. Les premières notes de Audiniat Gloria, une musique spécialement composée par Michel-Jean Charre pour l'émission vedette du prime-time de début de semaine, résonnèrent dans les couloirs. L'animateur emplit ses poumons au maximum et bloqua sa respiration, les poings fermés, les paupières closes. Il compta jusqu'à dix, libéra ses poumons en poussant un cri de para' montant à l'assaut, et se mît à l'entrée du studio en épousant le rythme de la batterie. Il dépassa la frontière, ses pieds foulèrent la moquette immaculée, et sa silhouetté accrocha les milliers de watts dispensés par l'armada` de projecteurs vissés au plafond. Rastrols leva le bras droit, en guise de salut, et une formidable ovation' monta du studio vide. Issa, enfant des sables Une mission humanitaire Marie, jeune médecin français, a quitté le centre hospitalier =d'Agadès (Niger), où elle travaille, en compagnie =d'Ouadda, le chauffeur touareg. Ils vont rejoindre et aider des réfugiés qui fuient le Sud du Sahara où sévissent la sécheresse et la faim. La savane servi-désertique qui servait de décor avait la tristesse de l'ennui. Et Ouinaïa, le village où il se rendaient, lui montrerait la même misère que celle qu'elle côtoyait chaque jour au centre hospitalier. - Il y a dix ans, tu venais par ici, il y avait des buissons, des troupeaux. Maintenant, regarde... Ouadda eut un vague mouvement de la main. Marie s'intéressait aux moignons' d'acacias qui défilaient dans son champ de vision. Elle les imaginait tout verts, elle repeuplait les environs de troupeaux surveillés par des bergers aux longues robes bleues, de chèvres espiègles gardées par les enfants. - Même les scorpions vont finir par s'en aller, tu verras ! Depuis des heures qu'ils roulaient, Marie n'avait aperçu qu'un campement. Ils s'étaient arrêtés, ils avaient bu le thé, ils étaient repartis 15 laissant un sac de farine, du mercurochrome, des pansements et de l'aspirine. Maintenant, il n'y avait plus rien, aucune trace de vie, pas même ces carcasses d'animaux qui montrent au moins que des troupeaux ont vécu là. La terre était rouge et bouffie, boursouflée de protubérances' argileuses, comme si les seules plantes encore capables de pousser au 20 soleil étaient ces étranges tubercules' sortis du monde souterrain. Comment tout cela était-il possible ? Comment la sécheresse avait-elle pu supprimer aussi sauvagement tout signe de vie ? Marie dut faire un effort pour se rappeler que, plus bas, si l'on continuait vers le Sud, il y avait le beau fleuve du Niger, l'Afrique noire avec ses savanes, ses collines, ses 25 réserves d'animaux et ses villes. Elle aurait bien aimé qu' Ouadda lui parle encore pour casser ce silence qui allait trop bien avec le désert. Mais il avait repris ses poses de statue, fier de lui, de sa race, indifférent aux malheurs auxquels une enfance de misère l'avait habitué. Il était heureux de conduire à sa guise dans cet immense pays qui lui appartenait. 30 Marie capta des sons de tambours tristes. Elle avait si souvent vu surgir des êtres humains quand elle se croyait seule, qu'elle examina attentivement le paysage. Rien ne se révélait. Les tribus n'habitaient plus ce sol maudit, ni les danseurs ni les musiciens, ni les femmes aux modulations' stridentes. La sécheresse avait eu raison de tout cela et les ss bruits de tambour sortaient tout droit de l'imagination de Marie. On croit parfois entendre ou voir. le programme qui tue Au fil de l'enquête, Logicielle est parvenue à la conclusion suivante : toutes les victimes sont mortes en consultant le programme LTPG qui ne fonctionne que sur =l'OMNIA . Avec l'aide de l'inspecteur =Germain, Logicielle cherche à se procurer ce mystérieux programme... n consultant sans conviction ni espoir l'agenda électronique =d'AntoineBron', elle vit soudain apparaître, à la journée du 3 mars : se procurer - Bon sang, murmura-t-elle. C'est là ! Et avec l'adresse Internet 5 correspondante ! Le commissariat n'était pas branché sur le =Net =Logicielle voulut se lever pour se précipiter chez elle lorsque son téléphone sonna. C'était Germain. Sa voix tremblait d'excitation - Logicielle ? Nous l'avons ! Je vous appelle depuis le domicile de 10 madame Sauzon, à Bergerac, vous vous souvenez ? Vous aviez raison, c'était une petite annonce... mais vous ne devinerez jamais où elle se trouvait ! - Dans un magazine d'informatique ? - Non. Dans le journal gratuit des petites annonces locales, 15 simplement baptisé le 24 ! Vous savez, ce sont des hebdomadaires qui, dans chaque département, publient les offres de particulier à particulier pour vendre ou acheter des voitures, des maisons, du matériel hi-fi... Ici, j'ai l'édition de =Bergerac. Le numéro de la dernière semaine de février ! 20 - Vous avez eu du flair, Germain, en mettant votre nez dans ces journaux. - Non. Car il n'y avait aucun magazine d'informatique chez les victimes, mais seulement des hebdomadaires de télévision, d'informations boursières ou des mensuels spécialisés dans les 25 antiquités. Chez =Sauzon où je me trouve, j'ai aperçu une collection complète de ces journaux gratuits. Vous vous souvenez que =Sauzon était brocanteur ? Eh bien il passait régulièrement des annonces dans le 24. Il lisait aussi ces journaux pour y dénicher des offres de vente de mobilier. Ce qui lui paraissait intéressant était entouré au feutre. C'est ainsi que j'a 30 mis le doigt sur cette offre de programme informatique : Sauzon l'avait encerclée. C'est de cette façon qu'il a dû se procurer =LTPG... Je vous faxe ça tout de suite ! Une minute plus tard, Logicielle recevait l'intégralité du texte Procurez-vous des œuvres anciennev uniques à de,,; conditions exceptionnelles. Amateurs s'abstenir. Joindre sur Internet - Cette fois, murmura-t-elle avant de raccrocher, nous le tenons, Germain ! Elle dévala l'escalier quatre à quatre. Elle échafaudait mille hypothèses : elle allait se brancher, soit. Et laisser un message dans la BAL de ce mystérieux interlocuteur, d'accord. Mais accepterait-il de lui. =L'ordinaTueur Un ordinateur peut-il être un tueur ? Voici les premières lignes d'un ronien policier qui p!onge le lecteur dans monde bien réel de l'informatique "et dans l'univers virtuel ou imaginaire ordinateurs... ordinateur peut-il être un tueur ? Logicielle relut trois fois de suite, sur son écran, cette étrange question que =Germain venait de lui poser. Elle frappa sur son clavier des mots qui s'affichèrent sous la phrase de son interlocuteur 5 Que voulez-vous dire par là ? . =GERMAIN : La semaine dernière, je suis allé consulter mon médecin à Bergerac. Visite de routine. Les jours précédents, il avait constaté deux décès insolites' : des personnes mortes d'un arrêt du cceur devant leur ordinateur. 10 =Logicielle réprima un sourire que =Germain ne put voir : ils dialoguaient à six cents kilomètres de distance, grâce à Internet. Mais c'était une conversation muette sur écran. Il en avait fallu, des semaines, avant que =Germain ne se décide à acheter un ordinateur ! Logicielle avait même réussi à convaincre son vieil ami que le réseau' était un moyen 15 aussi convivial' et plus économique que le téléphone. Et tous deux correspondaient régulièrement par le biais de ce serveur informatique. =LOGICIELLE : Deux adolescents qui jouaient ? =GERMAIN : Pas du tout. Deux hommes d'un âge respectable : le mien ! C'est-à-dire le double du vôtre. 20 Le sourire de Logicielle s'accentua : =Germain avait plus de cinquante ans. L'année précédente, elle avait été la stagiaire de l'inspecteur =Germain avant de devenir lieutenant de police et d'obtenir un poste en banlieue parisienne. Soucieux de retrouver ses racines à quelques années de la retraite, =Germain avait décroché sans peine sa mutation à Bergerac, 25 en Dordogne. =LOGICIELLE : =Hasard, =Germain ! Aujourd'hui, les gens meurent devant la télé ! Il y a cinquante ans, ça n'arrivait jamais... Forcément ! =GERMAIN : Vous avez raison. Je ne sais pas pourquoi ces morts m'ont paru suspectes. Je cherchais sans doute un prétexte pour vous détacher 30 à =Bergerac. Après tout, vous appartenez à la police scientifique, comme on dit aujourd'hui, n'est-ce pas =Logicielle ? =Logicielle se prénommait =Laure-Gisèle. Mais très vite, à l'école de police, ses camarades avaient transformé son prénom en Logicielle à cause de sa passion pour l'informatique. Cette spécialité lui avait déjà 35 permis de débrouiller une ou deux affaires complexes. [...] =LOGICIELLE : Allez, à +, =Germain ! =GERMAIN : A plus tard, =Logicielle. [...) délirante d'un paquet de café pour une publicité... Gil fait tout. « J'aime cette liberté de choisir avec qui je travaille : reporter photographe dans la presse, photographe industriel, publicitaire, de mode ou scientifique. » Il fait aussi des truquages humoristiques, pour illustrer un dossier sur la consommation, sommet pointu qui avait illuminé l'horizon, comme si un titan avait craqué une allumette au ras de la vallée. Le vieillard n'avait pas vu l'éclair 15 lui-même, à qui il tournait le dos ; il parlait seulement de son ombre, étirée brusquement en avant de ses pieds, alors que le soleil avait disparu du ciel depuis le milieu de la matinée. Quant à la jeune fille, il était difficile de se faire une opinion sur ce qu'elle avait vu, car elle ne pouvait clairement l'exprimer elle-même ; dès qu'elle essayait d'en parler sa 20 voix se mouillait, et elle ne pouvait _manifestement plus assembler ses idées ; puis elle se mettait à sangloter-nër-veuseinent. =Jean-Pierre =ANDREVON, « Les =Retombées », in Dans les décors truqués, © =Denoël, 1979. Kaléidoscope Le premier choc découpa le flanc de la fusée comme un gigantesque ouvre-boîtes. Les hommes furent projetés dans l'espace telle une douzaine de goujons frétillants. Ils furent semés dans l'océan de ténèbres. Et le vaisseau, en mille pièces, continua sa course ; une nuée 5 de météores cherchant un soleil perdu. - =Barkley ! =Barkley, où es-tu ? Des voix d'enfants appelant dans la nuit froide - =Woode, =Woode ! - Capitaine ! 10 - =Hollis, =Hollis, ici Stone - Stone, ici =Hollis. Où êtes-vous ? - Je ne sais pas. Comment le saurais-je ? Où est le haut, le bas ? Je tombe. Seigneur Dieu, je tombe ! Ils tombaient. Ils tombaient comme du gravier dans un puits, dispersés comme des éclaboussures. Il n'y avait plus d'hommes, il n'y avait plus que des voix, désincarnées et tremblantes, à différents degrés de terreur ou de résignation. - Nous nous éloignons les uns des autres ! C'était vrai. Hollis, boulant, cul par-dessus tête, savait que c'était 20 vrai ; et il l'acceptait vaguement. Ils s'écartaient pour suivre leurs trajectoires séparées, et rien ne les ramènerait. Ils portaient leurs tenues herétiques pour l'espace, avec les casques et les tubes respiratoires sur leurs visages pâles, mais ils n'avaient pas eu le temps de fixer leurs unités de force. Avec celles-ci, ils auraient pu être des sortes de canots de 25 sauvetage, ils auraient pu se sauver, sauver les autres, se rassembler, se retrouver jusqu'à devenir un îlot d'hommes capables d'établir un plan. Sans les cellules d'énergie bouclées à leurs épaules, ils n'étaient que des météores, chacun lancé stupidement vers un destin irrévocable et isolé. Nous allions sortir de l'asile quand j'aperçus dans un coin de la cour un grand homme maigre qui faisait obstinément le simulacre -d'appeler un chien imaginaire. Il criait, d'une voix douce,_d'un.e-voi.x,tendre « Cocotte, ma petite Cocotte, viens ici, Cocotte, viens ici, ma belle », en tapant sur sa cuisse comme on fait pour attirer les bêtes. Je demandai au médecin - Qu'est-ce que celui-là ? Il me répondit : - Oh ! celui-là n'est pas intéressant. C'est un cocher, nommé François, devenu fou après avoir noyé son chien. io J'insistai : - Dites-moi donc son histoire. Les choses les plus simples, les plus humbles, sont parfois celles qui nous mordent le plus au coeur. Et voici l'aventure de cet homme qu'on avait sue tout entière par un palefrenier, son camarade. is Dans la banlieue de Paris vivait une famille de bourgeois riches. Ils habitaient une élégante villa au milieu d'un parc, au bord de la Seine. Le cocher était ce François, gars de campagne, un peu lourdaud, bon coeur, niais, facile à duper. Comme il rentrait un soir chez ses maîtres, un chien se mit à le suivre. Il 2o n'y prit point garde d'abord ; mais l'obstination de la bête à marcher sur ses talons le fit bientôt se retourner. Il regarda s'il connaissait ce chien. Non, il ne l'avait jamais vu. C'était une chienne d'une maigreur affreuse avec de grandes mamelles pendantes. Elle trottinait derrière l'homme d'un air lamentable et affamé, la 25 queue entre les pattes, les oreilles collées contre la tête, et s'arrêtait quand il s'arrêtait, repartant quand il repartait. Il voulait chasser ce squelette de bête et cria : « Va-t'en. Veux-tu bien te sauver ! Hou ! hou ! » Elle s'éloigna de quelques pas ; puis, dès que le cocher se remit en marche, elle repartit-derrière lui. 30 Il fit semblant de ramasser des pierres. L'animal s'enfuit un peu plus loin avec un grand ballottement de ses mamelles flasques ; mais il revint aussitôt que l'homme eut le dos tourné. Alors le cocher François, pris de pitié, l'appela. La chienne s'approcha timidement, l'échine pliée en cercle, et toutes les côtes soulevant sa peau. 35 L''homme caressa ces os saillants et, tout ému par cette misère de bête : « Allons, viens ! » dit-il. Aussitôt elle remua la queue, se sentant accueillie, adoptée, et, au lieu de rester dans les mollets de son nouveau maître, elle se mit à courir devant lui. Il l'installa sur la paille dans son écurie ; puis il courut à la cuisine chercher du pain. Quand elle eut mangé tout son soûl, elle s'endormit, couchée en rond. Le lendemain, les maîtres, avertis par leur cocher, permirent qu'il gardât l'animal. Il était un roi =d'Arménie. Dans son jardin de fleurs et d'arbres. rares poussait un rosier chétif et pourtant précieux entre tous. Le nom de ce rosier était Anahakan. Jamais, de mémoire de roi, il n'avait pu fleurir. Mais s'il était choyé plus qu'une femme aimée, c'était qu'on espérait une rose de lui, l'Unique dont parlaient les vieux livres. Il était dit ceci « Sur le rosier Anahakan un jour viendra la rose généreuse, celle qui donnera au maître du jardin l'éternelle jeunesse. » Tous les matins le roi venait donc se courber dévotement devant lui. Il chaussait ses lorgnons, examinait ses branches, cherchait un espoir de bourgeon parmi ses feuilles, n'en trouvait pas le moindre, se redressait enfin, la mine terrible, prenait au col son jardinier et lui disait : - Sais-tu ce qui t'attend, mauvais bougre, si ce rosier s'obstine à demeurer stérile ? La prison ! Loubliette profonde ! 15 C'est ainsi que le roi tous les printemps changeait de jardinier. On menait au cachot celui qui n'avait pu faire fleurir la rose. Un autre venait, qui ne savait mieux faire, et finissait sa vie comme son malheureux confrère, entre quatre murs noirs. Douze printemps passèrent, et douze jardiniers. Le treizième était 20 un fier jeune homme. Il s'appelait Samvel. Il dit au roi - Seigneur, je veux tenter ma chance. Le roi lui répondit Ceux qui t'ont précédé étaient de grands experts, des savants d'âge mur. Ils ont tous échoué. Et toi, blanc-bec, tu oses 25 - Je sens que quelque chose, en moi, me fera réussir, ditSamvel. - Quoi donc, jeune fou ? - La peur, seigneur, la peur de mourir en prison ! =Samvel par les allées du jardin magnifique s'en fut à son rosier. Il lui parla longtemps à voix basse. Puis il bêcha la terre autour de son pied maigre, l'arrosa, demeura près de lui, nuit et jour, à le garder du vent, à caresser ses feuilles. Il enfouit ses racines dans du terreau moelleux. Aux premières gelées il l'habilla de paille. Il se mit à l'aimer. Sous la neige il resta comme au chevet d'un enfant, à chanter des berceuses. Le printemps vint. Samvel ne quitta plus des yeux son rosier droit et 35 frêle, guettant ses moindres pousses, priant et respirant pour lui. Dans le jardin des fleurs partout s'épanouirent, mais il ne les vit pas. II ne regardait que la branche sans rose. Au premier jour de mai, comme l'aube naissait - Rosier, mon fils, où as-tu mal ? Eugénie Grandet La scène se passe à Saumur, un soir de novembre 1819. Charles, un jeune Parisien, vient d'arriver chez son oncle, le père =Grandet. Le neveu ne sait pas que l'oncle est très riche... et très avare. =Grandet conduit le jeune homme à sa chambre. « Vous voilà chez vous, mon neveu, dit le père =Grandet à Charles en lui ouvrant sa porte. Si vous aviez besoin de sortir, vous appelleriez Nation. Sans elle, votre serviteur ! le chien vous mangerait sans vous dire un seul mot. Dormez bien. Bonsoir. - Ha ! Ha ! ces dames' vous ont fait du feu » reprit-il. En ce moment, la grande Nanon apparut, armée d'une bassinoire. « En voilà bien d'une autre ! dit =MGrandet... Veux-tu bien rapporter ta braise, =Nanon ! - Mais monsieur, les draps sont humides... 10 - Allons, va, puisque tu l'as dans la tête, dit Grandet en la poussant par les épaules, mais prends garde de mettre le feu. » Puis l'avare descendit en grommelant de vagues paroles. Charles demeura pantois au milieu de ses malles. Après avoir jeté les yeux sur les murs d'une chambre en mansarde tendue de ce papier 15 jaune à bouquets de fleurs qui tapisse les guinguettes, sur une cheminée en pierre de liais' cannelée dont le seul aspect donnait froid, sur des chaises de bois jaune garnies en cannes vernissées et qui semblaient avoir plus de quatre angles, sur une table de nuit ouverte dans laquelle aurait pu tenir un petit sergent de voltigeurs, sur le maigre tapis de 20 lisière placé au bas d'un lit à ciel dont les pentes en drap tremblaient comme si elles allaient tomber, achevées par les vers, il regarda sérieusement la grande Nanon et lui dit : « Ah çà ! ma chère enfant, suis-je bien chez =MGrandet, l'ancien maire de =Saumur, frère de =MGrandet, de Paris ? 25 - Oui, monsieur, chez un ben aimable, un ben doux, un ben parfait monsieur. Faut-il que je vous aide à défaire vos malles ? - Ma foi, je le veux bien, mon vieux troupier ! n'avez-vous pas servi dans les marins de la garde impériale ? - Oh ! oh ! oh ! oh ! dit =Nanon, quoi que c'est que ça, les marins de la garde ? C'est-il salé ? Ça va-t-il sur l'eau ? - Tenez, cherchez ma robe de chambre qui est dans cette valise. En voici la clef. » Adieu ! Le marquis =d'Albon, qui est juge, s'est égaré dans une forêt en compa- gnie du baron Philippe de Sucy. Ils aperçoivent une vieille maison. =C’etait comme un lieu funeste abandonné par les hommes. Le lierre avait étendu partout ses nerfs tortueux et ses riches manteaux. Des mousses brunes, verdâtres, jaunes et rouges répandaient leurs teintes romantiques sur les arbres, sur les bancs, sur les toits, sur les pierres. 5 Les fenêtres vermoulues étaient usées par la pluie, creusées par le temps ; les balcons étaient brisés, les terrasses démolies. Quelques per- siennes ne tenaient plus que par un de leurs gonds. Les portes disjointes paraissaient ne pas devoir résister à un assaillant. Chargées de touffes luisantes de gui, les branches des arbres fruitiers négligés s'étendaient 10 au loin sans donner de récolte. De hautes herbes croissaient dans les allées. Ces débris jetaient dans le tableau des effets d'une poésie ravissante, et des idées rêveuses dans l'âme du spectateur. Un poète serait resté là plongé dans une longue mélancolie, en admirant ce désordre plein d'harmonies, cette destruction qui n'était pas sans grâce. En ce 15 moment, quelques rayons de soleil se firent jour à travers les crevasses des nuages, illuminèrent par des jets de mille couleurs cette scène à demi sauvage. Les tuiles brunes resplendirent, les mousses brillèrent, des ombres fantastiques s'agitèrent sur les prés, sous les arbres ; des couleurs mortes se réveillèrent, des oppositions piquantes se combattirent, 20 les feuillages se découpèrent dans la clarté. Tout à coup, la lumière disparut. Ce paysage qui semblait avoir parlé, se tut, et redevint sombre, ou plutôt doux comme la plus douce teinte d'un crépuscule d'automne. - C'est le palais de la Belle au bois dormant, se dit le conseiller qui ne voyait déjà plus cette maison qu'avec les yeux d'un propriétaire. À 25 qui cela peut-il donc appartenir ? Il faut être bien bête pour ne pas habiter une si jolie propriété. Aussitôt une femme s'élança de dessous un noyer planté à droite de la grille, et sans faire de bruit passa devant le conseiller aussi rapidement que l'ombre d'un nuage ; cette vision le rendit muet de surprise. 30 - Eh ! bien, d'Albon, qu'avez-vous ? lui demanda le colonel. - Je me frotte les yeux pour savoir si je dors ou si je veille, répon- dit le magistrat en se collant sur la grille pour tâcher de revoir le fan- tôme. Elle est probablement sous ce figuier, dit-il en montrant à =Philippe le feuillage d'un arbre qui s'élevait au-dessus du mur, à gauche de la 35 grille. - Qui, elle ? - Eh ! puis-je le savoir ? reprit monsieur =d'Albon. Il vient de se Le Pauvre d'Assise Au début du roman, le narrateur vient d'arriver à Assise où il erre, affamé et mendiant. je blasphémais et priais tour à tour pour me réchauffer, quand, vers minuit, tout près de l'église de l'évêché, j'entendis des guitares et des luths. Je m'approchai sur la pointe des pieds et me cachai sous un porche. Devant la demeuré du comte Scifi, j'aperçus alors cinq ou six s adolescents qui donnaient la sérénade. L.un d'eux, de petite taille, une grande plume à son chapeau, le cou tendu, le regard fixé sur une fenêtre grillagée, les bras croisés sur sa poitrine, chantait, tandis que les autres visiblement sous le charme de sa voix, l'accompagnaient de leurs instruments. Quelle voix, mon dieu, quelle douceur, quelle passion ! Injonction et prière à la fois. Je ne me souviens plus des paroles de sa chanson pour les transcrire ici, mais je sais qu'il était question d'une blanche colombe poursuivie par un épervier et d'un jeune homme qui appelait la colombe, lui offrant le refuge de sa poitrine. Il chantait à voix basse, comme s'il craignait de réveiller la jeune fille qui devait dormir derrière la fenêtre grillagée. Sa chanson, eût-on dit, s'adressait moins au corps endormi qu'à l'âme qui veillait. Ce spectacle me bouleversa et mes yeux se remplirent de larmes. Quand et où avais-je déjà entendu cette voix, cette douceur dans l'ordre et dans la prière ? Quand et où avais-je entendu cet appel ? La colombe qui piaillait 25 de terreur, l'épervier qui la poursuivait avec des cris perçants et, très lointaine, la douce voix du Salut ? Ayant mis leurs guitares et leurs luths en bandoulière, les jeunes gens qui s'apprêtaient 30 à partir s'adressèrent au chanteur - Hé, François, qu'attends-tu ? ce n'est encore pas ce soir qu'elle va ouvrir sa fenêtre pour te jeter la rose, la petite princesse ! Mais le chanteur ne répondit pas et se 35 dirigea vers la place d'où montaient les chants des cabarets encore ouverts. C'est alors que, dans la crainte de le perdre, je me précipitai vers lui. Car, je l'avais senti soudain, la colombe n'était autre que 40 mon âme, l'épervier c'était le Diable, et ce jeune homme le sein où je devais trouver un Le Capitaine Fracasse Sous le règne de Louis =XIII, le baron de Sigognac vit une existence misérable et solitaire dans son château de =Gascogne. Survient une troupe de comédiens. Sigognac leur offre l'hospitalité ; la sympathie naît : le baron part avec eux. Au bord de la route, des arbres d'une belle venue dressaient leurs troncs vigoureux et tendaient leurs fortes branches dont la dépouille jaunie tachetait l'herbe alentour ou courait au caprice de la brise devant =Isabelle et =Sigognac, qui, fatigués de la pose contrainte qu'ils étaient 5 obligés de garder dans la voiture, se délassaient en marchant un peu à pied. Le Matamore' avait pris de l'avance, et dans la rougeur du soir on l'àpercevait sur la crête de la montée dessinant en lignes sombres son frêle squelette qui, de loin, semblait embroché dans sa rapière. « Comment se fait-il, disait tout en marchant Sigognac à Isabelle, que 10 vous, qui avez toutes les façons d'une demoiselle de haut lignage par la modestie de votre conduite, la sagesse de vos paroles et le bon choix des termes, vous soyez ainsi attachée à cette troupe errante de comédiens, braves gens, sans doute, mais non de même race et acabit que vous ? - N'allez pas, reprit Isabelle, pour quelque bonne grâce qu'on me 15 voit, me croire une princesse infortunée ou reine chassée de son royaume, réduite à cette misérable condition de gagner sa vie sur les planches. Mon histoire est toute simple, et puisque ma vie vous inspire quelque curiosité, je vais vous la conter. Loin d'avoir été amenée à l'état que je fais par catastrophes du sort, ruines inouïes ou aventures romanesques, j'y suis née, étant, comme on dit, enfant de la balle. Le chariot de =Thespis a été mon lieu de nativité et ma patrie voyageuse. Ma mère, qui jouait les princesses tragiques, était une fort belle femme. Elle prenait ses rôles au sérieux, et même hors de la scène, elle ne voulait entendre parler que de rois, princes, ducs et autres grands, tenant pour 25 véritables ses couronnes de clinquant et ses sceptres de bois doré. Quand elle rentrait dans la coulisse, elle traînait si majestueusement le faux velours de ses robes qu'on eût dit que ce fut un flot de pourpre ou la propre queue d'un manteau royal. Avec cette superbe elle fermait opiniâtrement l'oreille aux aveux, requêtes et promesses de ces galantins 30 qui toujours volettent autour des comédiennes comme papillons autour de la chandelle. Un soir même, en sa loge, comme un blondin voulait s'émanciper, elle se dressa en pi d, et s'écria comme-une vraie =Thornyris reine de =Scythie : "Gardes ! qu'on le saisisse !" d'un ton si souverain, dédaigneux et solennel, que le galant, tout interdit, se déroba de peur, 35 n'osant pousser sa pointe. Or, ces fiertés et rebuffades étranges en une comédienne toujours soupçonnée de moeurs légères étant venues à la connaissance d'un très haut et puissant prince, il les trouva de bon goût, et se dit que ces mépris du vulgaire profane ne pouvaient procéder que d'une âme généreuse. Comme son rang dans le monde équipollait' à 40 celui de reine au théâtre, il fut reçu plus doucement et d'un sourcil Un violent orage gagne peu à peu les cimes du massif de =Chamonix alors qu'une cordée d'alpinistes conduite par le guide Jean =Servettaz parvient au sommet de l'aiguille du Dru. Bientôt le Dru serait à l'épicentre du combat. Les feux follets crépitaient sans discontinuer sur la robe de la Vierge : on eût dit qu'un poste invisible émettait des messages avec l'espace ; d'étranges bruits emplirent l'air cela arrivait comme un bourdonnement aux oreilles des grimpeurs et s en même temps il leur semblait qu'une invisible main tirait, tirait leur chevelure. « Entends-tu, Georges ? Les abeilles... entends-tu, les abeilles bourdonnent ! Vite ! Partons ! la foudre est sur nous. » Jean =Servettaz reconnaissait tous ces signes avant-coureurs d'un coup to de foudre. Les autres obéirent, comprenant que le danger était proche, et les trois hommes se jetèrent dans l'abîme par où ils étaient montés, déva- lant les gros blocs avec frénésie ; lorsqu'ils furent un peu en retrait du sommet, Jean poussa ses deux compagnons sous l'abri d'un surplomb. Il était temps : dans un fracas titanesque, la foudre s'abattit sur le sommet qu'ils ,5 venaient de quitter. La montagne parut vaciller sur sa base, et il sembla aux alpinistes que le Dru venait d'éclater comme sous un formidable coup de bélier. Le bruit du tonnerre se répercuta longuement, renvoyant sa canonnade d'une paroi à l'autre des gorges, au hasard de l'écho. Le silence se fit ensuite, plus étrange encore que le tumulte. Dans le jour laiteux, la figure zo du guide apparut à Warfield empreinte d'une extraordinaire gravité, ses traits étaient tirés, et il fixait sur son client un regard chargé de reproches. =Warfield voulut faire des excuses, Jean ne lui en laissa pas le temps. « On y a échappé ce coup-ci, dit-il, fuyons ! Ça devient malsain ! Georges, passe en tête ! Tu poseras les rappels. Vous, monsieur =Warfield, 25 tâchez de descendre aussi bien que vous êtes monté. On pourra peut-être regagner la vallée, peut-être ! car ceci n'est qu'un début. » Un deuxième coup de foudre déchaîna à nouveau une invisible artil- lerie. « C'est tombé sur la Sans-Nom, déclara Georges tout en sortant du 30 sac la corde de rappel. - Si seulement ça pouvait neiger, dit le guide. J'aime encore mieux ça que la foudre. » Le brouillard cloisonnait l'étroite plate-forme entre ciel et terre sur laquelle se trouvaient les trois hommes. Ils se sentaient prisonniers de la 35 montagne, et =l'Américain, qui ne disait plus rien, attendait, ne voulant pas s'attirer par une parole malheureuse des reproches qu'il n'avait que trop mérités ; Georges prépara le rappel ; les restants d'un vieil anneau de corde blanchi et effiloché pourrissaient autour d'un bloc de granit ; il le remplaça par une boucle de corde neuve, dans laquelle il fit passer à double les cin- 40 quante mètres de sa corde. Debout au bord du vide et cherchant à percer le mystère de la paroi, le porteur projeta bien horizontalement le rappel pour Depuis quarante jours, il marchait, cherchant partout du travail. Il avait quitté son pays, =Ville-Avaray, dans la Manche, parce que l'ouvrage manquait. Compagnon charpentier, âgé de vingt-sept ans, bon sujet, vaillant, il était resté pendant deux mois à la charge de sa famille, lui, fils aîné, était resté pendant deux mois à la charge de sa famille, lui, fils aîné, n'ayant plus qu'à croiser ses bras vigoureux, dans le chômage général. Le pain devint rare dans la maison ; les deux sueurs allaient en journée, mais gagnaient peu ; et lui, =JacquesRandel, le plus fort, ne faisait rien parce qu'il n'avait rien à faire, et mangeait la soupe des autres. gagnaient peu ; et lui, =JacquesRandel, le plus fort, ne faisait rien parce qu'il n'avait rien à faire, et mangeait la soupe des autres. qu'il n'avait rien à faire, et mangeait la soupe des autres. Alors, il s'était informé à la mairie ; et le secrétaire avait répondu qu'on trouvait à s'occuper dans le Centre. Il était donc parti, muni de papiers et de certificats, avec sept francs dans sa poche et portant sur l'épaule, dans un mouchoir bleu attaché au bout de son bâton, une paire de souliers de rechange, une culotte et une chemise. Et il avait marché sans repos, pendant les jours et les nuits, par les interminables routes, sous le soleil et sous les pluies, sans arriver jamais à ce pays mystérieux où les ouvriers trouvent de l'ouvrage. Il s'entêta d'abord à cette idée qu'il ne devait travailler qu'à la charpente, puisqu'il était charpentier. Mais, dans tous les chantiers où il se présenta, on répondit qu'on venait de congédier des hommes, faute de commandes, et il se résolut, se trouvant à bout de ressources, à accomplir toutes les besognes qu'il rencontrerait sur son chemin. 25 Donc, il fut tour à tour terrassier, valet d'écurie, scieur de pierres ; il cassa du bois, ébrancha des arbres, creusa un puits, mêla du mortier, lia des fagots, garda des chèvres sur une montagne, tout cela moyennant quelques sous, car il n'obtenait, de temps en temps, deux ou trois 30 jours de travail qu'en se proposant à vil prix, pour tenter l'avarice des patrons et des paysans. Et maintenant, depuis une semaine, il ne trouvait plus rien, il n'avait plus rien et il mangeait un peu de pain, grâce à la charité des femmes qu'il implorait sur le seuil 35 des portes, en passant le_ long des routes. Le soin tombait, Jacques Randel harassé, les jambes brisées, le ventre vide, l'âme en détresse, marchait nupieds sur l'herbe au bord du chemin, car il ménageait sa dernière paire de souliers, l'autre n'existant plus depuis 40 longtemps déjà. C'était un samedi, vers la fin de l'automne. Les nuages gris roulaient dans le ciel, lourds et rapides, sous les poussées du vent qui sifflait dans les arbres. On sentait qu'il pleuvrait bientôt. La campagne La Petite =Souris et le Père Noël Il existe aussi les légendes familiales. Prenez la Petite =Souris par exemple. Au départ, nous n'avions pas l'intention de nous en encombrer. Mais quand votre enfant vient vous trouver, les yeux tout brillants, avec son petit morceau d'ivoire ensanglanté (la cour de récré lui a appris quelles richesses ce petit rongeur pouvait lui apporter), il est difficile de résister. Nous avons donc commencé à glisser des pièces de monnaie sous son oreiller en échange d'une dent enveloppée dans du papier d'aluminium. Puis notre fils s'est mis à écrire des petits mots à la Petite =Souris, alors il a bien fallu qu'elle lui réponde (de son écriture ronde et appliquée). Puis, arrivé à un stade de plus grand scepticisme', selon nous, il a commencé à mettre du talc sur le rebord de la fenêtre pour la prendre en flagrant délit. Alors naturellement, la Petite =Souris s'est mise à laisser l'empreinte de ses petites pattes. Cette légende comporte des avantages non négligeables. Le premier étant évidemment que la Petite Souris n'aime que les dents propres et qu'elle sait toujours si elles ont été lavées après être tombées, ce qui ne compte pas. Les dents sont tombées les unes après les autres, au gré des enfants, et les petites piécettes ne manquaient pas d'être déposées sous l'oreiller. J'aime la Petite Souris, tout comme j'aime le Père Noël. Les enfants se sentent réconfortés à l'idée que les parents ne sont pas l'unique source des cadeaux et que l'univers est peuplé de créatures bienveillantes. C'est une sorte de religion primitive et, comme tous les êtres primitifs, les enfants ont besoin d'un certain folklore. 25 Cela dit, quand faut-il s'arrêter ? J'ai dit la vérité à mon fils quand j'étais sûre qu'il savait. Il avait alors sept ans. Je lui ai expliqué que c'était une légende, mais comme elle n'avait plus cours aujourd'hui, c'étaient Papa et moi qui faisions la Petite =Souris: J'étais persuadée qu'il le savait déjà, mais pas du tout. Sa lèvre s'est mise à trembler. Il ne voulait pas 30 savoir. Puis il a eu un petit rire gêné. J'ai eu l'impression qu'un monde magique s'évanouissait, que soudain la lumière était devenue trop crue', qu'il était prématurément entré dans l'âge adulte. Il s'en est remis plus vite que moi, mais j'en ai tiré une leçon. Après huit ans d'existence, le Père Noël règne toujours en maître. Il passe par la cheminée du séjour, et on 35 laisse des carottes dehors pour les rennes. Et savez-vous ce qu'ils font, ces vilains ? Ils mangent les carottes et recrachent les fanes dans l'âtres ! Le Père Noël, lui, mangé des papillotes et il apporte toujours des cadeaux bizarres que l'on ne trouve pas dans les magasins de jouets habituels. (Heureusement qu'on les trouve chez =PierImport et chez =Tati !) Je ne sais 40 pas combien de temps il vivra encore, mais l'astucieuse remarque que fit cette amie à ses quatre filles m'a ouvert les yeux « À l'école, certains enfants prétendent que le Père Noël n'existe pas, n'est-ce pas ? Eh bien, c'est dommage ! Parce que, vous savez, une fois que les enfants ne croient plus au Père Noël, il ne peut plus leur rendre En bord de mer, sur les rives d'un fleuve ou près d'un marécage: es sables mouvants sont des =PIÈGESMORTELS. Explication de leur APPÉTIT. a mort jaune rôde. Moult explorateurs, soldats, scientifiques et autres aventuriers pourraient en témoigner. S'ils n'avaient été engloutis. Les sables mouvants existent. Où 5 ça ? Quasiment partout. La planète n'en est certes pas couverte comme la Lune de cratères. Mais les sables avaleurs sont légion. De la France à la Chine, de la Finlande au =Cameroun. Qu'importe le climat (tempéré, continental, io polaire ou tropical), pourvu qu'on ait les ingrédients de base : du sable et de l'eau. Néanmoins, vous avez pu le constater sur les plages, tout sable humide ne se goinfre pas de baigneurs. Car pour faire un bon sable mouvant, il faut des conditions 15 bien spéciales. Dans les années cinquante, le professeur Ernest Rice Smith, un géologue américain, prit sa pelle et son seau, et remplit ce dernier d'une bonne louche de sables mouvants. Ses conclusions : ni la forme Un dramatique enlisement, illustration extraite du 2o des grains, ni la présence de vase ne sont responpetit Journal, 1925. sables du phénomène, tout est question d'eau. Et l'important, ce n'est pas que le sable soit humide - on peut rouler avec un 32 tonnes sur la majorité des plages sans risquer l'engloutissement -, 78 Ce courrier est adressé à Me de Grignan, partie avec son mari pour rejoindre la Provence dont il vient d'être nommé gouverneur À Paris, mercredi 4e mars [1671]. Ah ! ma bonne', quelle lettre ! quelle peinture de l'état où vous avez été ! et que je vous aurais mal tenu ma parole, si je vous avais promis de n'être point effrayée d'un si grand péril ! Je sais bien qu'il est passé. Mais il est impossible de se représenter votre vie si proche de sa fin, sans frémir 5 d'horreur. Et quand =MdeGrignan vous laisse conduire la barque, et quand vous êtes téméraire, il trouve plaisant de l'être encore plus que vous ; au lieu de vous faire attendre que l'orage fût passé, il veut bien vous exposer, et vogue la galère ! Ah mon Dieu ! qu'il eût été bien mieux d'être timide, et de vous dire que si vous n'aviez point de peur, il en avait, lui, et ne souf frirait point que vous traversassiez le Rhône par un temps comme celui qu'il faisait ! Que j'ai de la peine à comprendre sa tendresse en cette occasion ! Ce Rhône qui fait peur à tout le monde ! Ce pont d'Avignon où l'on aurait tort de passer en prenant de loin toutes ses mesures ! Un tourbillon de vent vous jette violemment sous une arche ! Et quel miracle que vous 15 n'ayez pas été brisée et noyée dans un moment ! Ma bonne, je ne soutiens pas cette pensée, j'en frissonne, et m'en suis réveillée avec des sursauts dont je ne suis pas la maîtresse. Trouvez-vous toujours que le Rhône ne soit que de l'eau ? De bonne foi, n'avez-vous point été effrayée d'une mort si proche et si inévitable ? avez-vous trouvé ce péril d'un bon goût ? une 20 autre fois ne serez-vous point un peu moins hasardeuse ? une aventure comme celle-là ne vous fera-t-elle point voir les dangers aussi terribles qu'ils sont ? Je vous prie de m'avouer ce qui vous en est resté ; je crois du moins que vous avez rendu grâce à Dieu de vous avoir sauvée. Pour moi, je suis persuadée que les messes que j'ai fait dire tous les jours pour vous 25 ont fait ce miracle. La bicyclette et le vélo C'est le contraire du vélo, la bicyclette. Une silhouette profilées mauve fluo dévale à soixante-dix à l'heure : c'est du vélo. Deux lycéennes côte à côte traversent un pont à =Bruges : c'est de la bicyclette. L'écart peut se réduire. Michel =Audiard en knickers et chaussuttes'hautes s'arrête pour 5 boire un blanc sec au comptoir d'un bistro : c'est du vélo. Un adolescent en jeans descend de sa monture, un bouquin à la main, et prend une menthe à l'eau à la terrasse : c'est de la bicyclette. On est d'un camp ou bien de l'autre. Il y a une frontière. Les lourds routiers ont beau jouer du guidon recourbé : c'est de la bicyclette. Les demi-course ont beau fourbir leurs 10 garde-boue : c'est du vélo. Il vaut mieux ne pas feindre, et assumer sa race. On porte au fond de soi la perfection noire d'une bicyclette hollandaise, une écharpe flottant sur l'épaule. Ou bien on rêve d'un vélo de course si LA léger : le bruissement de la chaîne glisserait comme un vol d'abeille. À Bt bicyclette, on est un piéton en puissance, flâneur de venelles, dégustateur 15 du journal sur un banc. À vélo, on ne s'arrête pas : moulé jusqu'aux genoux dans une combinaison néospatiale, on ne pourrait marcher qu'en canard, et on ne marche pas.-, C'est la lenteur et la vitesse ? Peut-être. Il y a pourtant des moulineurs à bicyclette très efficaces, et dës petits pépés à vélo bien tranquilles. Alors 20 lourdeur contre légèreté ? Davantage. Rêve d'envol d'un côté, de l'autre familiarité appuyée avec le sol. Et puis... Opposition de tout. Les couleurs. Au vélo l'orange métallisé, le vert pomme granny, et pour la bicyclette le marron terne, le blanc cassé, le rouge mat. Matières et formes aussi. À qui l'ampleur, la laine, le velours, les jupes écossaises ? À l'autre l'ajusté dans tous les synthétiques. On naît bicyclette ou vélo, c'est presque politique. Mais les vélos doivent renoncer à cette part d'eux-mêmes pour aimer car on n'est amoureux qu'à bicyclette.