&&000 FRANCE 6TH GRADE 1970S FR-6TH-70S.TXT FOUR PUBLISHERS: NATHAN, DIDIER; NATHAN (2) N= 24 PAGES SAVED IN UTF-8 FORMAT &&111 l - LA SOIF Après Arbèles (voyez votre histoire grecque), Alexandre poursuit Darius à travers le désert. Cette poursuite de Darius fut longue, pénible et laborieuse parce qu'en onze jours il fit bien à cheval deux cent six lieues environ, tellement que pour la plu- part ses gens étaient si las et si recrus, qu'ils n'en pou- 5 vaient plus ; de plus ils n'avaient pas d'eau. Il trouva un jour quelques Macédoniens qui portaient sur des mulets des peaux de chèvre pleines d'eau. Voyant qu'Alexandre mourait de soif - il était midi environ - ils coururent bien vite à lui et lui présentèrent de l'eau pour boire dans 10 un casque ; il leur demanda à qui ils portaient cette eau et ils répondirent qu'ils la portaient à leurs enfants « Mais pourvu que tu vives, Sire, nous pourrons toujours refaire d'autres enfants, si nous perdons ceux-ci. » Ayant oui ces paroles, il prit le casque; mais, voyant autour de 15 lui que tous les hommes d'armes qui l'avaient suivi allongeaient le cou pour voir cette eau, il la rendit à ceux qui la lui avaient présentée, en les remerciant, sans boire : « Car si je bois seul, ceux-ci, dit-il, perdront tout courage. » Alors eux, voyant la gentillesse de son cou- 20 rage, lui crièrent bien haut de les conduire hardiment ; en même temps, ils se prirent à fouetter leurs chevaux, disant qu'ils n'étaient plus las et qu'ils n'avaient plus soif et même qu'ils ne pensaient pas être mortels aussi longtemps qu'ils auraient un tel roi. maître Abraham, fais-moi faire une rencontre aujourd'hui et use de bienveillance envers mon maître Abraham. 10 Me voici debout près de la source d'eau et les filles des gens de la ville sortent pour puiser de l'eau. Qu'il advienne que la jeune fille à qui je dirai : « Incline donc ta cruche pour que je boive ! » et qui dira : « Bois ! je vais aussi abreuver tes chameaux ! » que ce soit elle que tu destines à ton 15 serviteur Isaac et que par là je sache que tu as usé de bienveillance envers mon maître. » Il n'avait pas encore fini de parler et voici que sortit Rébecca, fille de Bethuël. Elle avait sa cruche sur l'épaule. Or la jeune fille était d'un très bel aspect. Elle 20 descendit à la source, emplit sa cruche et remonta. Le serviteur courut à sa rencontre et dit : « Laisse- moi donc goûter un peu d'eau de ta cruche. » Elle dit « Bois, mon seigneur ! » et, se hâtant de faire descendre sa cruche sur sa main, elle lui donna à boire. Dès qu'elle 25 eut fini de lui donner à boire, elle dit : « Pour tes chameaux aussi je vais puiser jusqu'à ce qu'ils aient fini de boire. » Elle se hâta donc de vider sa cruche dans l'abreuvoir, courut encore au puits pour puiser et puisa pour tous ses chameaux. Et l'homme la contemplait en silence 30 pour savoir si Iahvé avait fait réussir son voyage ou non. Lors donc que les chameaux eurent fini de boire, l'homme prit un anneau d'or et deux bracelets du poids de dix sicles d'or pour ses bras. Puis il dit : « De qui es-tu la fille ? Daigne me l'apprendre. Y a-t-il dans la maison 35 de ton père un endroit où nous pourrions passer la nuit ? » Elle lui dit : « Je suis fille de Bethuël, le fils de Milkah et de Nakhor. » Puis elle lui dit : « De la paille et du fourrage, il y en a beaucoup chez nous et il y a aussi un endroit pour passer la nuit. » 40 Alors l'homme s'agenouilla et se prosterna devant Iahvé. Il dit : « Béni soit Iahvé, Dieu de mon maître Abraham, lui qui n'a pas refusé sa bienveillance et sa fidélité à mon maître. C'est moi que Iahvé a conduit sur la route jusqu'à la maison des frères de mon maître ! » 45 Puis la jeune fille courut raconter ces choses à la maison de sa mère. Or Rébecca avait un frère du nom de Laban. Laban courut au dehors, à la source. Dès qu'il eut vu l'anneau et les bracelets aux bras de sa seeur, dès qu'il eut entendu Maurice de SULLY / Le miracle de l'oiseau Maurice de Sully (mort en 1196) fut évêque de Paris et fit commencer la construction de Notre-Dame. C'est dans un de ses sermons qu'il raconte aux fidèles cette ravissante histoire. Un moine voudrait savoir ce que peut être la joie du paradis. Un ange prend la forme d'un merveilleux oiseau, et, voletant devant le moine, l'entraîne hors de son abbaye dans un bois voisin. Alors l'oiseau commença à chanter si doucement qu'aucune douceur ne pouvait égaler celle-là. Et le bonhomme était devant l'oiseau, regardait sa beauté et écoutait la douceur du chant si attentivement qu'il en 5 oublia toutes choses terrestres. 1 Et quand l'oiseau eut chanté aussi longtemps qu'il plut à Dieu, il battit des ailes et s'envola. Et le bonhomme revint à lui : il était midi. Il se dit alors : « Mon Dieu, je n'ai pas dit mes heures aujourd'hui ! Comment rat- io traper cela ? » Et regardant vers son abbaye, il ne s'y retrouva plus : il lui semblait que tout autour de lui était immom sens dessus dessous « Dieu, fit-il, où suis-je donc ? Est-ce là l'abbaye dont je suis sorti ce matin ? » 15 Alors il vint à la porte et appela le portier par son nom : « Ouvre » fit-il. Le portier vint à la porte, mais quand il vit le bonhomme il ne le reconnut pas et lui demanda qui il était « Je suis, dit l'autre, un moine d'ici et je veux entrer. 20 - Vous ? fit le portier, vous n'êtes pas moine d'ici. Je ne vous ai jamais vu. Et si vous êtes moine d'ici, quand êtes-vous sorti ? - Ce matin, fit le moine, et je veux rentrer. - D'ici, fit le portier, il n'est sorti aujourd'hui 25 aucun moine. Je ne vous reconnais pas du tout pour un moine d'ici ». Le bonhomme fut tout ébahi; il répondit : « Faites-moi parler au portier », et il en nomma un autre. Et le portier répondit 30 « Il n'y a ici d'autre portier que moi. Vous me semblez un homme qui n'est pas dans son bon sens. bien négligée. Comment l'habiller, la changer ? Comme c'est peu pratique, des ailes, quand il ne s'agit pas 115 de voler ! Grain-d'Aile, assise dans son petit fauteuil (à quoi lui servaient les bras du fauteuil maintenant ?), se mit à réfléchir profondément. Elle regrettait ses bras, elle voulait redevenir une vraie petite fille. Il n'y avait pas un instant à perdre : le dernier 120 rayon du soleil glissait derrière l'horizon. Folle d'an- goisse, Grain-d'Aile vola, pour la dernière fois, jusqu'au sapin; l'écureuil était fidèle au rendez-vous et il eut le bon goût de ne pas poser de questions - le visage de Grain-d'Aile disait assez ce qu'elle voulait - et de 125 ne pas triompher en disant : « Je te l'avais bien dit », comme font si souvent les grandes personnes. De nou- veau ses yeux étincelants prononcèrent les paroles magiques... Et voilà notre Grain-d'Aile aussi joyeuse de retrouver ses bras, ses mains agiles, qu'elle l'avait 130 été, la veille, d'avoir des ailes. Lentement, Grain-d'Aile descendit de branche en branche, sur la terre, avec les autres, tous les autres, ceux qui sont légers et ceux qui le sont moins, ceux qui marchent en regardant les cailloux du chemin, et ceux 135 qui regardent le ciel, ceux qui savent que les petites filles ne peuvent pas voler et ceux qui pensent qu'un jour, s'ils le désirent vraiment, tous les petits garçons et toutes les petites filles pourront, en restant eux- mêmes, avoir des ailes et des bras, être à la fois sur la 140 terre et au ciel. Je t'ai ce soir conté l'histoire que tu attends, celle qui me fait le cceur meilleur, celle qui te fait les yeux confiants OEuvres, La Pléiade, Q Éditions Gallimard. CONTES - 55 Balzac est dans la division des Petits (de la sixième à la quatrième) ; il a douze ans. Et comme le petit Rousseau (voir p. 41) le petit Balzac aime passionnément la lecture. J'étais alors moi-même passionné pour la lecture. Grâce à l'envie que mon père avait de me voir à l'École Polytechnique, il payait pour moi des leçons particu- lières de mathématiques. Mon répétiteur, bibliothécaire 5 du collège, me laissait prendre des livres sans trop regarder ceux que j'emportais de la bibliothèque, lieu tranquille où, pendant les récréations, il me laissait venir pour me donner ses leçons. Je crois qu'il était ou peu habile, ou fort occupé de quelque grave entreprise, car il me per- 10 mettait très volontiers de lire pendant le temps des répé- titions et travaillait je ne sais à quoi. Donc, en vertu d'un pacte tacitement convenu entre nous deux, je ne me plaignais point de ne rien apprendre, et lui se taisait sur mes emprunts de livres. Entraîné par cette 15 intempestive passion, je négligeais mes études pour composer des poèmes qui devaient certes inspirer peu d'espérances, si j'en juge par ce trop long vers, devenu célèbre parmi mes camarades, et qui commençait une épopée sur les Incas 20 0 Inca ! ô roi infortuné et malheureux ! Je fus surnommé le Poète en dérision de mes essais; mais les moqueries ne me corrigèrent pas. Je rimaillai toujours, malgré le sage conseil de M. Mareschal, notre directeur, qui tâcha de me guérir d'une manie malheu- 25 reusement invétérée, en me racontant dans un apo- logue les malheurs d'une fauvette tombée de son nid pour avoir voulu voler avant que ses ailes ne fussent poussées. Je continuai mes lectures, je devins l'écolier le moins agissant, le plus paresseux, le plus contem- 30 platif de la division des Petits et partant le plus souvent puni. ÉTUDES - 19 282 GEYSERS1 A YELLOWSTONE Sur une superficie relativement réduite, le sol entier paraissait soumis à une activité géologique2 intense. Une cuisine infernale3 secouait cette terre, mélangeait des glaises multicolores, glaçait des eaux d'améthyste4, crachait au, ciel des salives bouillantes, mariait des minéraux, pétrifiait5 des végétaux, pour 5 suivait on ne sait quelle besogne terrible et précise à l'usage des générations futures. Dans des grottes de roches blanches, cuisait à petit feu une vase épaisse de couleur jaune. Souvent, d'énormes grumeaux crevaient avec un mauvais hoquet h au centre de cette soupe frissonnante. Tout à côté, une autre marmite de pierre 10 contenait une liqueur gris-ardoise qu'un courant bref transformait, à intervalles réguliers, en tourbillons de diamants. Le volcano-mud6, son voisin, vomissait avec fureur une eau verte, drapée de vapeurs infernales. Dans une crevasse, rêvait une onde d'un bleu pur, abolument indéfinissable. Le regard descendait dans cette profondeur limpide, cloisonnée de lueurs phosphorescentes7, descendait très loin 15 jusqu'au coeur du globe, et, parfois, venue de là-bas, une bulle sinistre et seule montait à la surface et éclatait comme une parole. Autour, sur un sol croûteux, siliceux8, marqué d'auréoles rousses, de moisissures verdâtres, dégoulinaient des i ruisselets suspects. De minces fumerolles oscillaient comme des panaches au bord même du chemin. Une odeur de soufre prenait à la gorge. Le doute n'était pas 20 possible. Nous étions dans un laboratoires géologique, dans le magasin d'acces- soires de la création. Dieu ou le diable menaient un grand tapage dans less caves, essayaient les mélanges explosifs, préparaient en hâte le nouveau visage de la planète. Et mon oeil cherchait l'entrée du personnel... 49° leçon LES ADJECTIFS INDEFINIS observations Communications chez les Fourmis Comment les fourmis presque aveugles, rencontrant dans leur nid une soeur de leur race mais d'une autre famille, savent-elles qu'elles ont affaire à une étran- gère ? C'est un des problèmes les plus compliqués et les plus obscurs de la• fourmilière... Le sens olfactif, qui chez la fourmi domine tous les autres, réside principale- ment dans les sept derniers articles de son funicule qui est l'extrémité de ses antennes. Chaque article est consacré à une odeur particulière ; par exemple l'odeur du domicile est perçue par le dernier segment, le pénultième discerne l'âge des ouvrières dans les colonies formées par diverses familles de la même espèce, et l'antépénultième capte le fumet dont la fourmi imprègne le chemin qu'elle par- court. Quand on enlève le dernier segment, elle entre dans n'importe quelle four- milière et s'y fait massacrer ; quand on coupe l'antépénultième, elle ne retrouve plus sa piste. Dans un autre article se localisent les effluves de la reine-mère ; l'ouvrière qu'on en prive ne s'occupe plus de la pondeuse ni de la progéniture... Notez que l'odeur du domicile n'est pas la même que l'odeur de l'espèce ;. la première est assez variable et dépend de l'âge des habitants et d'autres circon- stances, la seconde est presque indélébile. L'odeur héréditaire est encore diffé- rente, c'est L'odeur maternelle que toute fourmi porte depuis l'oeuf jusqu'à la mort 166 LE TAMBOUR DES DUNES Je traversais les grandes dunes au sud de Ouargla1. C'est là un des étranges2 pays du monde. Vous connaissez le sable uni, le sable droit des minables3 plages de l'Océan. Eh bien 1 figurez-vous l'Océan lui-même devenu au milieu d'un ouragan ; imaginez une tempête silencieuse4 de vagues 5 en poussière jaune. Elles sont hautes comme des montagnes, ces vagues, différentes, soulevées tout à fait comme des flots déchaînés, mais plus encore et striées5 comme de la moires. Sur cette mer furieuse, muette et mouvement, le dévorant soleil du Sud verse sa flamme implacable et directe. faut gravir ces lames de cendre d'or, redescendre, gravir encore, gravir sans cess 10 sans repos et sans ombre. Les chevaux râlent, enfoncent jusqu'aux genoux et sent en dévalant l'autre versant des surprenantes collines. Nous étions deux amis suivis de huit spahis7 et de quatre chameaux leurs chameliers. Nous ne parlions plus, accablés de chaleur, de fatigue, et chés de soif comme ce désert ardent8. Soudain un de ces hommes poussa une 15 de cri : tous s'arrêtèrent ; et nous demeurâmes immobiles, surpris par un inexplica- ble phénomènes connu des voyageurs en ces contrées perdues. Quelque part, près de nous, dans une direction indéterminée, un tambour battait, le mystérieux tambour des dunes ; il battait distinctement, tantôt plus vibrant, tantôt affaibli, arrêtant, puis reprenant son roulement fantastiquelo. 20 Les Arabes, épouvantés, se regardaient : et l'un dit, en sa langue : • La mort est sur nous. • Et voilà que tout à coup mon compagnon, mon ami„ presque mon frère, tomba de cheval la tête en avant, foudroyé par une insolation. Et pendant deux heures, pendant que j'essayais en vain de le sauver, tou- jours ce tambour insaisissable m'emplissait l'oreille de son bruit monotonell, inter 25 mittent, et incompréhensible ; et je sentais se glisser dans mes os la peur, la vraie peur, la hideuse peur, en face de ce cadavre aimé, dans ce trou incendié par le soleil entre quatre monts de sable, tandis que l'écho12 inconnu nous jetait, à deux. cents lieues de tout village français, le battement rapide du bour. 101 CHICAGO Un pont de fer, lourds et trapu, enjambait la rivière. Sur le toit, roulaient des rames de métro invisibles, dont le tonnerre nous secouait les os. A notre étage défilaient des tramways bondés d'une mitraille humaine. Isolés sur un trottoir étroit, avec ce couvercle de bruit au-dessus de nos têtes, nous nous accoudâmes au garde-fou pour regarder la ville. L'eau lente et noire, qui coulait en contre-bas, charriait des reflets de lune cassée. D'autres ponts, courtauds, robustes, hérissés de rivets, de traverses, d'arceaux de fonte, imitaient, comme par un jeu de glace, le geste exact de notre pont. Sur les quais, stagnaient des troupeaux d'automobiles sages, époussetées de frais et aux phares éteints. Des fumées sortaient d'un sous-sol 10 invisible. Et, dominant le tout, se dressaient les falaises pures et droites des buil- dings. Des phares multicolores illuminaient leurs façades. Dans cet éclairage raffiné, les gratte-ciel devenaient des constructions aériennes, d'un bleu tendre, ou d'un jaune aigrelet, ou d'un vert d'absinthe rafraîchissante. On ne savait plus très bien de quelle manière étaient pétris leurs flancs géométriques, ni où ils avaient pris 15 racine. Ils se tenaient debout, par un miracle d'équilibre, sur deb fondations de suie, de vapeur, d'eau murmurante, et de papier gras. Légers et immenses, ils mon- taient hors de la cité comme des rêves d'enfants. Autour, des affiches électriques, rouge sang, vert acide et violet orageux, claquaient, juraient dans les ténèbres à intervalles réguliers. Le métro vrombissant nous emportait le crâne. Des sirènes 20 d'autos tailladaient notre coeur. Le sol de fer vibrait sous nos semelles. LE MYSTÈRE - Aucune importance. Laissez-le partir. Il sera bien malin s'il peut rouler vers un endroit où je ne pourrais pas le rattraper. Quand vous lo aurez fini vous me rejoindrez en bas et je vous présenterai à un détec- tive qui est un très éminent spécialiste du travail qui nous attend. » Je trouvai Holmes dans la cour des écuries; il ouvrit la porte d'une niche et en sortit un chien trapu, aux oreilles pendantes, blanc et jaune, qui tenait le milieu entre un basset et un lévrier. 15 « Permettez-moi de vous présenter Pompey, dit-il. Pompey est 't l'orgueil des chiens courants; il n'a pas son pareil pour suivre une piste, mais il n'a rien d'un champion de vitesse. Bien, Pompey, tu peux ne pas être rapide, mais je crains que tu ne sois trop rapide pour deux Londoniens d'un certain âge. Aussi je prends la liberté d'attacher 20 à ton cou cette laisse de cuir. A présent, mon ami, en route et montre- nous ce dont tu es capable ! » Il le mena à la porte du docteur. Le chien renifla autour de lui quelques instants, puis avec un grognement excité il dévala la rue, tirant sur sa laisse pour filer de l'avant. En moins d'une demi-heure 25 nous avions quitté la ville et nous nous hâtions sur une route de campagne. « Qu'avez-vous manigancé, Holmes? questionnai-je. - Un vieux truc usé jusqu'à la corde, mais utile pour l'occasion. J'ai été me promener ce matin dans la cour du docteur, et j'ai aspergé 30 d'anis la roue arrière de la voiture. Vous pensez bien qu'un chien courant suivrait une piste à l'anis jusqu'au bout du monde! Oh! le coquin! Voilà par où il m'a échappé l'autre soir. » Le chien avait tout d'un coup renoncé à la grand-route pour s'enfoncer dans un sentier herbeux. Huit cents mètres plus loin le 35 sentier débouchait dans une autre route importante, et la piste obliqua à angle droit sur la droite dans la direction de la ville que nous venions de quitter. La route prit un virage au sud de la ville et continua exactement dans le sens opposé à celui que nous avions suivi au départ. 40 « Ce détour était donc destiné à nous semer? fit Holmes. Je ne m'étonne plus que mes recherches n'aient pas abouti. Le docteur s'est vraiment donné beaucoup de mal, et j'aimerais connaître la raison d'une ruse si compliquée! Sur notre droite ce doit être le village de Trumpington. Tiens, tiens ! Voici la charrette anglaise 45 qui débouche du virage. Vite, Watson ! Vite, ou nous sommes perdus!» Il se jeta à travers une brèche dans un champ. Pompey renâclait pour le suivre. Nous eûmes à peine le temps de nous jeter à l'abri de la haie : la voiture passa en cahotant sur la route. J'aperçus à l'intérieu le docteur Armstrong, tout voûté, la tête plongée dans ses mains : 50 l'image même de la détresse. Le visage soudain devenu grave de mon ami m'apprit qu'il l'avait vu lui aussi. « J'ai peur que notre enquête n'ait une conclusion sinistre! 1 « Qu'y a-t-il, Renard? », demande Brichemer. 3s Grimbert le blaireau vient au secours de son cousin. Il lui fournit une échappatoire. « Sire, fait-il, écoutez-moi. Renard est trop vaillant baron pour qu'une telle cohue le bouscule. Faites reculer vos hommes pour qu'il puisse approcher tranquillement de l'endroit où il doit jurer. » 40 Brichemer fait reculer tout le monde. Et Renard file... Il s'enfuit, le tricheur! Il s'enfuit, la tête levée, dans un vieux chemin creux. Ses ennemis poussent des hurlements, les chiens qui le guettaient, s'élancent. Le premier, la lance en arrêt*, Roenel, le chien de Frobert; 46 Espillard, le chien de Robert. Ce sont les premiers poursuivants. Après viennent au grand galop Espinard et Heurtevilain, Rechigné, le chien de Gillette, Cornebrias et Herbeux, Brisebois, Fricant et Rusé, Léopart, Tison, Escoillé, et Dégourdi, et Vaculart. Après se mettent à la trace Pilé, Chapé et Rechigné, Pastour, Estour et 50 Engigné, Écorchelande le barbet*, Grésillon et Émerillon, Chenu et Morgant et Verger, Passe-Avant, Outrelévrier. Piquant des deux* viennent ensuite Hôpital et Trotte-menu, et' Foulejus, et Passemer, qui habite Pont-Audemer. Ce sont là de bons compagnons, des mâtins ardents à la chasse. 55 Et derrière il n'y a lice qui ne hurle et ne se démène. On voit courir Baude et Foloise, Coquille, Bluette, Clouette, Morette, et Malicieuse et Malparlière, et Bellerose et Primevère, qui est la chienne du prêtre, et Pinçonnette qui brûle d'attraper Renard et lui fait faire plus d'un détour avant qu'il ne gagne son trou. 80 .Ysengrin excite les chiens. Renard fuit, fuit toujours, il a peur de mourir. Il a beau s'être tiré des plus mauvais pas, cette fois, il n'en mène pas large... Les chiens l'attrapent; il est pelé, écartelé et tiraillé. Son sang coule par vingt blessures. Enfin il parvient jusqu'à Maupertuis. Il est 65 sauvé. Il est chez lui. J AUTOUR DE RENARD ET D'YSENGRIN - La mère et toi, Louise, faites une pâtée... Les enfants ne parviennent pas à détacher leurs regards des loups 4s qui restent là, prêts à tous les égorgements. Ils sont fascinés. On leur a si souvent raconté leurs méfaits sans limites et leur terrifiante féro- cité que, dans leur esprit d'enfant, reviennent sans cesse les menaces maternelles « ... si vous vous tenez pas sages, je vais vous mener au loup. » 5 Et plusieurs loups sont là, à trois bonds d'eux! - Sors tes bêtes de la porte... dit Ribaud, craignant que ses enfants prennent une de ces mauvaises fièvres de peur si difficiles à faire passer. Le meneur de loups plisse mauvaisement les paupières mais les ss fait reculer dans la cour. Il jette des ordres brefs, plus cinglants que des coups de fouet. A chaque mot, ses lèvres se contractent et il parle du coin de la bouche, d'entre ses dents serrées. - Hors là... nouer... trri... - Surveille-les, qu'ils ne bougent pas pour aller avec nos bonnes 111, bêtes, dit encore le fermier. Comme pour répondre, les vaches se mettent à meugler leur affo- lement. Elles ont senti la présence dangereuse. Ribaud veut mettre l'homme dehors. Le meneur de loups s'adosse plus fort à la porte toujours ouverte, croise ses bras sur sa poitrine et n'a pas l'air de tenir fis compte du froid. La fermière apporte enfin un grand plat creux, suivie de la grand- mère qui en porte un autre. Dedans sont des patates et du pain écrasé, gonflé d'eau chaude. L'odeur fait s'approcher l'homme aux loups. - Donnez, reprend-il. 7 Il va déposer les plats près de ses bêtes. Dans le froid, la pâtée fume doublement. Les bêtes grondent, mais ne bondissent pas afin d'apaiser leur faim d'un seul coup. Elles paraissent attendre autre chose. La vieille Ribaud, qui agit toujours en silence, regarde son fils avec inquiétude. Si ces bêtes-là ne veulent pas de cette nourriture 7' quoi donc les désaffamera*? - Va chercher des galettes, dit alors Ribaud à sa femme. Elle lui en apporte sur un plat de bois. Il prend le plat et le tend au r. meneur. - Voilà pour toi... L'homme ne remercie pas. Il saisit toutes les galettes d'une main, les brise et va les jeter dans la pâtée destinée aux loups. Cela fait, il dit à ses bêtes : « Mangeons. » S'approchant, l'échine courbée, matées par une forte obéissance, elles avalent avec de grands bruits le pain gonflé, fade [...] f Alors, se mettant à genoux, écartant les museaux grognants, le meneur se fait une place et mange à même le plat avec contentement. i 23. Ulysse et le Cyclope Ulysse et ses compagnons ont abordé dans l'île des Cyclopes (c'est-à-dire des « Yeux Ronds»), géants monstrueux qui n'ont qu'un oil au milieu du front. Ils ont maille à partir avec l'un d'entre eux, Polyphème, fils du dieu de la mer Poséidon. Nous atteignîmes l'endroit où une haute caverne, ombragée de lauriers, domine la mer. C'était l'étable de nombreux troupeaux de brebis et de chèvres. Devant, une vaste cour était entourée d'arbres et d'énormes blocs de pierre. Là vivait aussi Polyphème le Cyclope pasteur de ces troupeaux, il ne fréquentait personne et ne songeait 5 qu'au crime. Il n'était pas chez lui quand j'y arrivai, accompagné de douze de mes meilleurs compagnons. J'avais pris soin d'emporter avec moi une outre pleine d'un vin délicieux, véritable boisson pour les dieux. Des fromages séchaient sur des claies. Nous aurions pu les prendre et 10 repartir. Mais, contre toute prudence, je préférai rester à attendre le maître du logis. Sans doute saurait-il se montrer hospitalier... Le voici qui revient, accompagnant son troupeau, et les bras chargés de branches mortes pour le feu du souper. Il fait tant de vacarme que 'nous courons nous réfugier contre les parois de la grotte. Après avoir 15 introduit les brebis qu'il veut traire, il referme l'entrée avec un gros rocher. Il nous a vus et ainsi il nous tient prisonniers car il sait bien que nous serions incapables de pousser ce bloc de pierre. Poliment, je lui demande l'hospitalité. En guise de réponse, il saisit deux de mes compagnons et leur brise la tête contre le sol, 20 déchire leurs corps et en fait son dîner. On aurait dit un lion entrailles, chair, moelle, os, il ne laisse rien. Puis, repu, il s'allonge pour dormir entouré de ses bêtes. Que faire? Le tuer? Mais ce serait nous condamner nous-mêmes à mort, puisque nous ne pourrions plus sortir de l'antre. Le mieux est d'attendre, et de réfléchir... 25 Le matin vient, le Cyclope s'éveille. Il ranime le feu, trait ses brebis, massacre encore deux de mes compagnons et s'empresse de les dévorer. Puis il déplace la pierre, fait sortir son troupeau, mais prend soin de refermer pour nous retenir prisonniers. C'est alors qu'une idée germe en mon esprit. Le Cyclope a laissé là un tronc 30 d'olivier qui lui sert de massue. Nous le taillons en pointe et mettons cette pointe à durcir au feu. Quand le soir ramène le monstre et que, ses tâches habituelles accomplies, il s'apprête encore à dévorer deux de mes gens, je lui offre du vin. Il le trouve à son goût, ce breuvage des dieux, et ne 35 tarde pas à s'enivrer. « Quel est ton nom », me demande-t-il. Je lui réponds : « Mon nom est Personne. Oui, c'est bien là le nom que m'ont donné mon père et ma mère, et c'est ainsi que m'appellent tous mes compagnons. » « Eh bien, Personne, me dit-il, pour te remercier, je te mangerai le dernier. » 40 Beaucoup de questions, mais lui, tout ce qu il faisait, c'était nous montrer des tas de dents. Et puis, il s'est mis à parler, mais on n'a rien compris, ça faisait « oinshouinshouin » et c'est tout. « Ce qu'il y a, a dit Geoffroy qui va beaucoup au cinéma, c'est qu'il parle en version originale. Il lui faudrait des sous-titres. - Je pourrais peutêtre traduire », a dit Agnan qui voulait essayer ses rudiments encore un coup. « Bah, a dit Rufus, toi, tu es un dingue! » Ça, ça lui a plu, au nouveau, il a montré Agnan du doigt et il a dit : « Aoh! Dinguedinguedingue ! » Il était tout content. Agnan, lui, il est parti en pleurant, il pleure tout le temps, Agnan. Nous, on a commencé à le trouver drôlement chouette, Djodjo, et moi, je lui ai donné un bout de mon morceau de chocolat de la récréation. « Qu'est-ce qu'on fait comme sport dans ton pays? » a demandé Eudes. Djodjo, bien sûr, n'a pas compris, il continuait à dire « dingue-dingue dingue », mais Geoffroy a répondu : « En voilà une question, ils jouent au tennis, chez eux! - Espèce de guignol, a crié Eudes, je ne te parle pas, à toi ! - Espèce guignol ! Dinguedingue ! » a crié le nouveau qui avait l'air de beaucoup s'amuser avec nous. Mais Geoffroy n'avait pas aimé la façon dont lui avait répondu Eudes. « Qui est un guignol? » il a demandé et il a eu tort parce que Eudes est très fort et il aime bien donner des coups de poing sur les nez et ça n'a pas raté pour celui de Geoffroy. Quand il a vu le coup de poing, Djodjo s'est arrêté de dire « dinguedingue» et «espèce guignol ». Il a regardé Eudes et il a dit : « boxing? très bon! » Et il a mis ses poings devant sa figure et il a commencé à danser tout autour d'Eudes comme les boxeurs à la télévision chez Clotaire, parce que nous on n'en a pas encore et moi je voudrais bien que papa en achète une. « Qu'est-ce qui lui prend? » a demandé Eudes. « Il veut faire de la boxe avec toi, gros malin! » a répondu Geoffroy qui se frottait le nez. Eudes a dit « bon » et il a essayé de boxer avec Djodjo. Mais Djodjo se débrouillait drôlement mieux qu'Eudes. Il lui donnait tout un tas de coups et Eudes commençait à se fâcher : « S'il ne laisse pas son nez en place, comment voulezvous que je me batte? » il a crié et bing! Djodjo a donné un coup de poing à Eudes qui l'a fait tomber assis. Eudes n'était pas fâché. « T'es costaud! » il a dit en se relevant. « Costaud, dingue, espèce guignol ! » a répondu le nouveau, qui apprend drôlement vite. La récréation s'est terminée, et, comme d'habitude, Alceste s'est plaint qu'on ne lui laissait pas le temps de terminer les quatre petits pains pleins de beurre qu'il apporte de chez lui. En classe, quand nous sommes entrés, la maîtresse a demandé à Djodjo s'il s'était bien amusé, alors, Agnan s'est levé et il a dit « Mademoiselle, ils lui apprennent des gros mots ! - C'est pas vrai, sale menteur! » a crié Clotaire, qui n'était pas sorti en récréation. « Dingue, espèce guignol, sale menteur », a dit Djodjo tout fier. Nous, on ne disait rien, parce qu'on voyait que la maîtresse n'était pas contente du tout. « Vous devriez avoir honte, elle a dit, de profiter d'un camarade qui ignore votre langue! Je vous avais demandé , LE COSTUME NEUF IL y a longtemps, vivait un empereur qui raffolait tellement de beaux costumes neufs qu'il donnait tout son argent pour être bien habillé. Il avait un costume pour chaque heure du jour, et de même que l'on dit d'un roi : il est au conseil, on disait toujours de lui : il est dans sa garde-robe. Dans la grande ville où il habitait, on s'amusait beaucoup; chaque jour venaient de nombreux étrangers, un jour arrivèrent deux escrocs; ils se donnèrent pour tisserands, et dirent qu'ils savaient tisser l'étoffe la plus ravissante que l'on pût imaginer. Non seulement les couleurs et le dessin en étaient exceptionnellement beaux, mais les habits taillés dans cette étoffe avaient la propriété merveilleuse d'être invisibles à quiconque ne savait pas remplir son emploi, ou bien était d'une irrémissible bêtise. « Voilà de charmants habits, se dit l'empereur; en les portant, je pourrai découvrir quels hommes ne savent pas remplir leur emploi dans mon royaume; je pourrai distinguer les gens intelligents des sots 1 Oui, tout de suite il faut que l'on me tisse cette étoffe 1 » Et il donna beaucoup d'argent aux deux escrocs à titre d'arrhes pour leur faire commencer leur travail. Ils installèrent bien deux métiers à tisser, et firent semblant de travailler, mais ils n'avaient rien du tout sur le métier. Bien vite ils demandèrent la soie la plus fine et l'or le plus magnifique; ils fourrèrent le tout dans leur propre sac et travaillèrent avec les métiers vides, et même jusque tard dans la nuit. « Je voudrais bien savoir où ils en sont de leur étoffe », se dit l'empereur, mais il se sentit un peu gêné à l'idée que celui qui était bête ou convenait mal à son emploi ne pourrait rien voir, il pensait bien qu'il n'avait rien à craindre pour lui-même, mais il voulait d'abord envoyer quelqu'un voir comment ça marchait. Tous les gens de la ville savaient quelle merveilleuse qualité l'étoffe possédait, et chacun était curieux de voir combien son voisin était bête ou incapable. « Je vais envoyer aux tisserands mon vieux et brave ministre, se dit l'empereur, c'est lui qui peut le mieux voir l'effet que fait l'étoffe, car il est intelligent, et personne mieux que lui ne remplit sa fonction. » Et le vieux et honnête ministre entra dans la `~.prOK 34 Le motocross Quarante-cinq motos sont alignées, guidon contre guidon, derrière une barre placée à une trentaine de centimètres du sol. Les moteurs hurlent. Les pilotes sont concentrés : le corps penché en avant, le regard fixé sur la barre, ils sont prêts. La barre s'abaisse et c'est l'envolée. Instan 5 tanément quarante-cinq motos se cabrent et bondissent en avant. Tout le poids du pilote porté sur le guidon n'empêche pas la roue avant de se soulever. On assiste ainsi à la ruée vers le premier virage. Freinage au dernier moment : il n'y a pas place pour tout le monde, mais tous foncent dans le virage et... généralement tout se passe bien. Le peloton s'étire 10 sans que les guidons s'accrochent. La première difficulté négociée, on peut suivre un festival de sauts, d'accélérations, de freinages, de dérapages. Les motos sont menées à la limite, à un train infernal. Et cela dure souvent le temps de deux manches de 45 minutes!... On reste béat d'admiration devant la maîtrise qu'affichent les champions de moto 15 cross. On se demande souvent comment ils peuvent mener leur moto à une telle allure sans commettre la moindre erreur. ... Si les athlètes du motocross donnent l'impression de foncer à travers tout, tête baissée, il n'en est cependant rien : tout est minutieusement calculé. A ce sujet, je prendrai comme exemple le G. P. de 20 Belgique de motocross 250 cc, disputé à Borgloon, en 1971. Le Finlandais Heikki Mikkola était en tête, poursuivi par Joël Robert. Un passage boueux était précédé d'une descente assez raide de deux mètres environ. A chaque tour, à cet endroit, Mikkola sautait jusque dans la boue où il atterrissait tant bien que mal. Joël Robert, par contre, ne sautait pas. 25 Il perdait chaque fois cinq mètres qu'il regagnait dans la cinquantaine de mètres suivants... Et puis Robert dépassa Mikkola. Il aborda ce passage délicat, flanqué du Finlandais dans sa roue. Robert sauta dans le bourbier, comme le faisait à chaque tour Mikkola. Au cours de la boucle suivante, Joël avait pris un avantage d'une dizaine de mètres 30 sur son rival et il ne sauta plus. Joël remporta la course, et il n'avait sauté qu'une seule fois à l'entrée du bourbier l ANiès l'arrivée, le champion du monde des 250 cc expliqua satactique : « C'était risqué de sauter à cet endroit, disait Joël, parce qu'onatterrissait dans de la boue creusée en ornières, et dont la configuration35 changeait à chaque tour, en raison du passage des concurrents. fraîchis d'ailleurs par le vent de ce tourbillon. A trois heures, la tourmente cessait; le sable, en retombant, formait ie innombrable quantité de monticules; le ciel reprenait sa tranquillité em i ère. Le Victoria, redevenu immobile, planait en vue d'une oasis*, île ouverte d'arbres verts et remontée à la surface de cet océan. « L'eau ! l'eau est là! » s'écria le docteur. Aussitôt, ouvrant la soupape supérieure, il donna passage à l'hydro,ne*, et descendit doucement à deux cents pas de l'oasis. En quatre heures, les voyageurs avaient franchi un espace de ,ux cent quarante milles*. La nacelle fut aussitôt équilibrée, et Kennedy, suivi de Joe, s'élança ir le sol. « Vos fusils 1 s'écria le docteur, vos fusils, et soyez prudents. » Dick se précipita sur sa carabine*, et Joe s'empara de l'un des fusils. s s'avancèrent rapidement jusqu'aux arbres et pénétrèrent sous cette 3îche verdure qui leur annonçait des sources abondantes; ils ne prirent 3s garde à de larges piétinements, à des traces fraîches qui marquaient i et là le sol humide. Soudain, un rugissement retentit à vingt pas d'eux. « Le rugissement d'un lion! dit Joe. - Tant mieux! répliqua le chasseur exaspéré, nous nous battrons ! n est fort quand il ne s'agit que de se battre. - De la prudence, monsieur Dick, de la prudence ! de la vie de in dépend la vie de tous. » Mais Kennedy ne l'écoutait pas; il s'avançait, l'ceil flamboyant, carabine armée, terrible dans son audace. Sous un palmier, un énorme )n à crinière noire se tenait dans une posture d'attaque. A peine eut-il )erçu le chasseur qu'il bondit; mais il n'avait pas touché terre qu'une 311e au cceur le foudroyait; il tomba mort. « Hourra ! hourra ! » s'écria Joe. Kennedy se précipita vers le puits, glissa sur les marches humides, s'étala devant une source fraîche, dans laquelle il trempa ses lèvres iidement; Joe l'imita, et l'on n'entendit plus que ces clappements de ngue des animaux qui se désaltèrent. « Prenons garde, monsieur Dick, dit Joe en respirant. N'abusons 3s ! » Mais Dick, sans répondre, buvait toujours. Il plongeait sa tête et :s mains dans cette eau bienfaisante; il s'enivrait. « Et M. Fergusson? » dit Joe. Ce seul mot rappela Kennedy à lui-même; il remplit une bouteille j'il avait apportée, et s'élança sur les marches du puits. 3 A l'écoute des bêtes Un chanteur en danger... Renart cherche à s'emparer de Chantecier, le coq... Quand Renart le voit assoupi, en hâte il s'approche de lui. Renart, qui trompe tout son monde et qui sait tant de mauvais tours, avance en tapinois*, lentement, cou baissé : si Chantecier attend de se trouver entre ses dents, il en aura du repentir! Après avoir visé le coq, il essaya de 5 le happer : mais, trop avide, il le manqua. Chantecler sauta de côté, reconnut Renart, puis revint à son fumier. (...) Quand Renart voit qu'il a manqué son coup, il se trouve fort malchanceux. Il cherche un moyen de tromper Chantecler. - Sire Chantecler, ne te sauve pas, n'aie pas peur. Je me réjouis lo de te voir en bonne santé : n'es-tu pas mon cousin germain*? Chantecier alors se rassure, et, de joie, chante un petit air. Renart lui dit - Beau* doux cousin, ne te souviens-tu plus de Chanteclin, ton bon père qui te donna la vie? Jamais un coq ne chanta comme lui : sa 15 voix était si forte qu'on l'entendait d'une lieue*. Oui, il chantait bien. Et quel souffle ! Les deux yeux fermés, il avait une voix puissante : on l'entendait d'une lieue, aux couplets et au refrain - Cousin Renart, vous voulez me jouer un tour... - Bien sûr que non ! Mais chantez donc en fermant l'oeil ! Nous 20 sommes de la même chair et du même sang : j'aimerais mieux avoir perduune patte que vous voir arriver malheur. N'êtes-vous pas mon parent? - Je ne vous crois pas. Éloignez-vous un peu de moi et je dirai une chanson. Tout le monde aux alentours entendra mon fausset*. Renardet se prit à sourire 25 - Chantez bien fort, seigneur cousin : je saurai si Chanteclin, mon oncle, était vraiment votre père. Chantecler lança sa voix aiguë, un oeil fermé... mais l'autre ouvert car ii avait grand-peur de Renart et le guettait. - Cela, dit Renart, ne vaut rien ! Chanteclin chantait autrement, 30 à long trait, les deux yeux fermés : on pouvait l'entendre de vingt enclos*. Chantecler croit qu'il dit vrai, il lance sa mélodie, les yeux fermés, de toutes ses forces. Et Renart, à bout de patience, fait un bond de dessous un chou rouge et le saisit par le cou. Et il s'enfuit, ravi d'avoir fait bonne chasse. Service d'urgence Pierre Delhomeau, un avocat connu, vient d'être grièvement blessé dans un accident de la route. Il pleut lorsque l'ambulance précédée de ses deux motocyclistes entre dans l'hôpital de Lavai et fonce vers le service des urgences. Avec l'économie de temps et de gestes que confère la routine', l'hôpital s'ouvre devant le nouvel arrivant, le prend en mains et l'assimile*. 5 Une infirmière téléphone à la salle de garde « Urgence au 7. » Et l'interne* referme le magazine qu'il parcourait en attendant Pierre Delhomeau ou tout autre individu destiné ce matin à jouer le rôle de l'« urgence ». Tout est dans l'ordre. 10 Les deux gendarmes font les cent pas dans le couloir. Ils voudraient savoir s'ils doivent rédiger un rapport sur un accident mortel ou sur un accident grave. Le médecin salue son jeune confrère* et lui résume succintement* son premier diagnostic2. 15 « Je lui ai fait du camphre* et de l'oxygène*... » L'interne dit « oui... oui... » et examine le visage qu'une infirmière lave du sang coagulé. Pas de blessure à la face. L'interne cherche où il a déjà vu cette tête. « Si vous permettez, dit le médecin, je me sauve... » 20 L'interne dit « oui... oui... » et fouille dans sa mémoire... Les deux infirmières savent par cceur les deux termes de l'alter native3. Ou bien le cas est désespéré et il n'y a qu'à attendre, ou bien l'interne va dire « allons-y » et tout s'enchaînera mécaniquement : groupe sanguin*, transfusion*, radio, bloc opératoire*... 25 L'interne, posément, expertise son malade4. Peu de chances de le tirer d'affaire, mais sait-on jamais. Il va décider souverainement*. Se retirer et fermer la porte ou mettre en branle l'énorme appareil de sauvetage avec une chance sur... sur...? L'interne hésite. Puis il soulève les paupières de l'homme inerte. 30 Les yeux bougent, une sorte de lueur s'y allume, une étincelle qui peut être encore la vie. L'interne dit « Allons-y. » 170 4. L'EXPRESSION ÉCRITE (suite) L'EIGER Voici une description de l'Eiger, montagne des Alpes, extraite d'un ouvrage encyclopédique. L'Eiger (3 970 m) est un des sommets les plus connus de l'Oberland bernois. Sa conquête fut l'enjeu d'une compétition internationale et ne fut assurée qu'en 1938 par les Allemands Heckmair et Vorg et les Autrichiens Kasparek et Haner en quatre jours. C'est la plus dangereuse « entreprise» des Alpes, à la fois à cause du rocher peu solide et du temps souvent instable de la région. De nombreux alpinistes y ont laissé leur vie. Les multiples accidents et les spectaculaires sauvetages auxquels ils ont donné lieu ont d'ailleurs plus contribué à la célébrité de ce sommet que son aspect souvent peu attirant. Voici une autre description de cette même montagne, sous la plume d'un grimpeur qui est aussi un poète de la montagne. L'Eiger jaillit comme un trouble-fête des prairies aimables qui entourent la petite Scheidegg : il est sombre, froid, et ne dégage aucune joie. C'est un pavé dans un champ de fleurs... Haut de 3 975 mètres, creusé comme une poitrine de malade, souvent voilé de brumes ou cerné de nuages, c'est une montagne hautaine qui inspire la terreur... De temps en temps, la gigantesque paroi torturée par le gel se fendille : alors d'immenses avalanches se répercutent dans le couloir ; c'est la façon dont l'Eiger se signale... Tout de pierre noire et de glace vitreuse, il crève dans sa solitude personne ne l'aime. Et pourtant, des hommes sont morts pour le conquérir. Sauriez-vous repérer quelques-unes es différences qui distinguent ces deux textes consacrés à l'Eiger? 18 15. LE NOM COMMUN A LA PÊCHE « Nous installions le bateau au milieu de la rivière, une pierre à chaque bout, l'une à la chaîne, l'autre attachée par une ficelle à nceud coulant. Le bateau tournait, se mettait au plein travers du courant, puis ne bougeait plus. Mon grand-père qui n'y voyait pas beaucoup de près avait adapté à sa ligne un bouchon entier, un véritable bouchon de bouteille. Mais cela donnait trop de stabilité à sa ligne et il ne sentait pas le poisson mordre ». Observons les groupes de mots soulignés. Relevez tous les groupes constitués de deux mots, puis tous les groupes constitués de plus de deux mots. Cela vous donne une catégorie A (groupes à deux mots) et une catégorie B (groupes à plusieurs mots). t. Relevez tous les mots qui figurent en tête de ces divers groupes de mots. En voyez-vous un qui soit commun à la catégorie A et à la catégorie B ? Dans la catégorie A, pouvez-vous supprimer un des deux mots sans rendre la phrase inacceptable? Dans la catégorie B, quels sont les mots que vous pourriez supprimer sans rendre la phrase inacceptable? a Combien de classes d'éléments constituants, à votre avis, apparaissent dans tous ces groupes de mots? Quelle est la classe principale? 86 2 2. L'EMPLOI DES TEMPS les futurs En gare du Nord, vers 7 h zo. - Attention! Sur la voie n° 5, le train no 81 à destination de Bruxelles, Anvers, La Haye et Amsterdam partira à 7 h 21. - Sur la voie no 4, le train express no 2903 à destination de Creil, Arras, Lens, Béthune, Hazebrouck et Dunkerque partira à 7 h 24. Vers 7 h 21. - Attention! (la voix du haut-parleur devient plus pressante) Sur la voie n° 5, le train rapide no 81 à destination de Bruxelles, Anvers, La Haye et Amsterdam va partir. En voiture, s'il vous plaît! Vers 7 h 29. Un voyageur affolé : - Monsieur le contrôleur, je viens de manquer mon train pour Arras! Y en a-t-il un autre? - Oui, Monsieur, dans quelques minutes, lorsque le Trans-EuropExpress de 7 h 3 1 pour Hambourg sera parti, l'express de 8 h 03, pour Arras, Douai et Lille se formera sur la voie n° 6. a Dans chacun des quatre messages émis par le haut-parleur, quel est le temps du verbe partir? Dans la réponse du contrôleur, comparez entre eux les temps des deux verbes. Pourquoi, à votre avis, le premier des deux est-il à une forme composée ? 112 PERSONNE A L'APPEL Deux amis au téléphone, un jour de congé à une heure moins le quart. - Frédéric ? - Oui. - Ici Olivier. Tu m'avais dit de t'appeler ce matin vers dix heures... - Oui, excuse-moi, vieux, je l'avais oublié... Je viens de rentrer. - Eh bien, j'ai appelé à dix heures moins cinq, et tu n'étais pas chez toi. On peut compter sur toi! - Eh bien oui ... voici ce qui s'est passé : mon oncle Marc n'était pas venu à la maison depuis un an, il est arrivé hier soir très tard, et ce matin il m'a proposé de m'emmener faire un tour dans sa Porsche ... Tu parles ! J'en avais envie depuis longtemps ... Alors j'ai oublié que je t'avais dit de m'appeler. Tu m'en veux? - Tu aurais pu lui suggérer de m'emmener. Que fais-tu en ce moment? - Je suis en train de déjeuner, mais dans une heure je ferai un saut chez toi. 125