&&000 FRANCE 4TH GRADE 1970S FR-4TH-70S.TXT One sample only found in Lyon archive: Nathan N=14 pages this file saved in UTF-8 format RE-EDITED fixed […; xxx-; #s & Proper names, et al] 24 May 05 &&111 LA CHUTE DE POULIDOR Vainqueur de nombreuses courses et ancien champion de =France, Poulidor un coureur populaire. Il pensait gagner le =TourdeFrance lorsqu'il fut victime accident. =Poulidor filait à plus de quarante à l'heure, d'un coup de pédale facile, sur les route bosselées de l'Albigeois, quand un motard de la caravane, se frayant un passage entre peloton et le bas-côté de la route, dérapa. =Poulidor ressentit une violente secousse. La moto folle le faucha littéralement l'arrière. Sans être en mesure d'esquisser un geste de protection, il fut projeté tête la premièr contre un mur. Dans cette chute brutale, la chair de ses coudes et de ses genoux fut vif: De plaies béantes au nez et à l'arcade sourcilière le sang coulait, inondant un douloureux, et maculait le maillot tricolore déchiré. Les suiveurs s'étaient alors brusquement arrêtés sur le bord de la route. Le dram s'installait dans la caravane du =Tour. L'alerte avait sonné dans le peloton. Les adversaires de Poulidor se ruaient à Sans pitié. Au détour d'un virage, la silhouette de =Poulidor, que l'on avait enlevé et relancé sur son vélo, émergea à la tête d'un petit peloton. Debout sur les pédales figure empourprée de sang, =Poulidor se battait, la rage au ventre, pour éviter le Sur le talus, les femmes essuyaient leurs larmes en voyant passer le pauvre ensanglanté, au milieu d'adversaires insensibles. =MBouc, directeur de la compagnie internationale des =Wagons-lits, rencontre à =Istambul, en =Turquie, son ami =MPoirot. =MBouc a,un compartiment réservé dans =l'Orient-Express, train qui relie =Istambul à =Calais, mais =MPoirot, qui prend le même train, n'a pas de place. Cependant, il a peut-être une chance d'en trouver une car le contrôleur des =Wagons-lits réserve la couchette jusqu'au dernier moment. A la gare, =MBouc fut accueilli avec un respectueux empressement par le contrôleur du wagon-lit, en uniforme marron. « Bonsoir, monsieur. Vous avez le compartiment numéro » Il appela les porteurs qui enlevèrent les bagages et les déposèrent devant la voiture où une plaque métallique annonçait l'itinéraire =ISTAMBUL - =TRIESTE - =CALAIS «Il paraît que c'est complet? - C'est incroyable, monsieur ! On jurerait, ma parole, que tout le monde s'est donné rendez-vous pour voyager cette nuit. - Il faudra tout de même trouver une place pour ce monsieur qui est un ami à moi. Donnez-lui le numéro. - C'est pris, monsieur. - Comment? le numéro =16? L'employé, un homme grand, au teint blême et d'âge moyen, eut un mouvement d'épaules et dit à son chef « Oui, monsieur. Comme je vous l'ai dit, c'est complet partout. - Que se passe-t-il donc? demanda =MBouc. Tient-on une conférence quelque part? - Non, monsieur. C'est par hasard que tous ces gens voyagent cette nuit même. » =MBouc fut très ennuyé de ce contretemps. « A =elgrade, remarqua-t-il, on attelle la voiture venant ='Athènes. Mais nous n'atteindrons =elgrade que demain soir. Que faire pour cette nuit? N'y a-t-il pas de couchettes libres en seconde classe? - Si, monsieur, il m'en reste une. - Eh ! bien. - Mais une femme occupe déjà le compartiment. La femme de chambre d'une des voyageuses. - C'est bien fâcheux, déclara =MBouc. - Ne vous tracassez pas davantage, mon ami, dit =oirot. Je resterai dans le couloir. - Pas du tout, pas du tout ! MON ENFANCE CHEZ LES CHERCHEURS D'OR ès que nous eûmes atteint la montagne, un vent froid se mit à souffler et le jour commença à tomber. La route s'élevait rapidement. =elotonnée dans un coin, j'essayais de toutes mes forces de ne pas regarder par la fenêtre qui se tenait à ma gauche. Mais, fascinée par le spectacle terrifiant qui s'étendait au-dessous de nous, je tournais la tête continuellement. Nous roulions à toute vitesse sur une route étroite, au flanc de la montagne à quelques centimètres du précipice, longeant un cafion profond de 300 mètres. « Il paraît qu'il y a un peu plus haut, un virage en épingle à cheveux, où, par mesure de prudence, on dételle les chevaux, dit un prospecteur assis en face de nous. Le plus petit écart et. » Il hocha la tête, prit une bouteille de whisky et en but une rasade. « On raconte, dit un deuxième voyageur, que les freins ont lâché, il y a quelques mois, et que toute la voiture a passé par-dessus bord. » «Sans compter, renchérit un troisième, qu'il y a des bandits dans le coin. » Je tremblais comme une feuille jusqu'au moment où, bercée par le gémissement des roues, je finis par m'assoupir. Je ne sais plus ce qui se passa ensuite, mais je me souviens que maman me secoua pour me réveiller. Nous étions arrivés au relais et nous nous arrê- tâmes pour changer d'attelage. «Viens, me dit-elle, nous allons prendre un bon café au lait. » Nous entrâmes dans la salle à manger. Elle était déjà pleine de monde. La lourde odeur du tabac, du whisky .r me souleva le caeur. La plupart des clients se ruèrent vers le long bar de planches, mais maman nous trouva une table dans un coin. Quelques heures plus tard. Ce qui se passa ensuite me fit plutôt l'effet d'un cauchemar que d'un événement réel. Je commençai par entendre un bruit de voix confus et le hennissement inquiet des chevaux. Puis, je sentis que maman me tirait par le bras pour essayer de me faire descendre de la diligence. « Chut, tais-toi! Accroche-toi à moi. Ce sont des bandits. » Morte de peur, je me cramponnais à ses jupes, tandis que nous tournions en rond à la lueur de la lanterne. Deux bandits masqués, le visage couvert d'un foulard qui ne laissait apparaître que les yeux, alignaient les voyageurs. Ils agissaient rapidement, mais sans brusquerie. L'un braquait sur les malheureux voyageurs son revolver à six coups pendant que l'autre les fouillait à la recherche de l'argent et des bijoux. On n'entendait guère que le tintement de l'argent et de l'or qui tombaient dans une sacoche. UNE JEUNE ACROBATE Une fillette de dix ans, gamine, jolie, adroite, déjà acrobate accomplie, s'élance sur le tapis en multipliant les cabrioles. Un baiser à droite, un autre à gauche, un sourire de sa petite bouche déjà fardée, et la voilà debout sur la pointe des pieds, qui saute mieux qu'un chat, plus lestement qu'un singe, et bondit sur un escabeau. Les mains se dressent, son petit corps se tend, ses jambes sous le tutu, s'allongent. Elle se renverse en arrière, souriant toujours, et des deux mains empoignant ses talons, elle passe sa tête entre ses pieds. Elle pose ses deux mains sur le rebord de l'escabeau, son corps se déploie, ses pieds se dressent en l'air. Une cabriole : elle est debout sur le tapis comme projetée par un ressort, son même sourire dans son même fard, un genou ployé et le bout du pied touchant le tapis. Un baiser de ses petits doigts à l'assistance. Les applaudissements la font rebondir. Un autre escabeau est placé sur le premier. Tout recommence. Puis vient un troisième escabeau, un quatrième. Quand donc vaelle s'arrêter? Mais elle monte toujours plus haut et, de la hauteur où elle perche, elle s'élance dans le vide à la renverse. Au lieu de tomber sur ses pieds, c'est sur ses mains qu'elle rebondit. Une cabriole. La voilà debout. Le sourire, les baisers, un genou rapidement ployé. LE TRAPÉZISTE D'un bond =ianni avait atteint le trapèze, et se balançait dans l'air, ses mains, au milieu de la volée de son corps, quittant tout à coup la barre et la reprenant de l'autre côté. Il tourbillonnait autour du morceau de bois avec une rapidité vertigineuse qui, peu à peu, se modérait et mourait dans un doux alanguissement de son corps tournoyant, et demeurant des moments horizontalement suspendu dans l'espace. Les reins posés sur la barre, le gymnaste se laissait insensiblement aller en arrière et, mettant un effroi d'une seconde dans la salle, il tombait, se retenant, - chose non prévue! - avec les jarrets de ses jambes reployées; et, allant et venant ainsi quelque temps la tête en bas, il se retrouvait à terre sur ses pieds, après un saut périlleux. Le trapèze apportait au jeune homme une espèce de griserie du corps ; il n'avait jamais assez travaillé et ne cessait ses exercices qu'aux cris répétés de : « Assez ! Assez ! » d'une foule prise d'un peu de terreur devant les audaces croissantes de l'acrobate. LA LEÇON DE CALCUL Nous devions étudier la division à un chiffre. Plusieurs de ces petites opérations etaient écrites au tableau. Les élèves, à tour de rôle, se levaient, croisaient les bras, et donnaient, des signes exposés, l'interprétation rituelle. « En vingt-huit combien de fois cinq? Cela signifie que, si j'ai vingt-huit billes à partager. » Chaque élève devait, de lui-même, changer l'exemple. Vint le tour de mon ami =ésiréWasselin. Il croisa les bras, fronça les sourcils et commença : « En trente-sept combien de fois sept. » Il parlait lentement avec peine, sa grosse tête inclinée de côté, l'air lointain, abandonné. Il était fort en retard dans ses études et le plus âgé de la classe. Il choisit pour exemple les cerises et ne se tira pas trop mal de sa chantante récitation. Cela signifie que mes camarades recevront chacun cinq cerises et qu'il ne m'en restera que deux. » Toute la classe dressa l'oreille. La phrase normale était : « Il m'en restera deux ». Il y eut un silence et Désiré poursuivit d'une voix funèbre : « Mais ça m'est bien égal ». M. Joliclerc levait les bras au ciel. Il renversait la tête en arrière avec un air d'embarras comique. Nous apercevions les trous de son nez et sa bouche noire, pleine de chicots. Il dit : « Toujours martyr, alors mon pauvre Wasselin? Allons, rassieds-toi. Tu auras quand même une bonne note. » Et Désiré se rassit, l'air sombre. C'était le tour de =abourin, le chenapan qui m'avait dérobé mon béret. Il avait une mine de rat audacieux. Il prit les fraises pour exemple et termina son couplet d'une voix si réticente que =MJoliclerc s'écria : « Des fraises, oui ! Il t'en reste cinq. Lesquelles prends-tu? » =Gabourin rattrapa, sur le bord de sa lèvre, une grosse goutte de salive et répondit : « Les plus grosses. » =MJoliclerc se prit à rire. La classe émue, bruissait. Pour la première fois s'affrontaient à mon égard les notions ennemies de qualité et de quantité. RESCAPÉ DE LA BANQUISE Le =8 janvier =1912, une expédition australienne de dix-huit hommes débarque dans =l'Antarctique, sur la côte de la =TerreAdélie. Ces hommes ont pour mission de recueillir des renseignements d'ordre géographique et météorologique concernant la région. C'est la première fois que des êtres humains mettent le pied sur ce territoire désolé. Le chef de l'expédition, =DouglasMawson, est un =Anglais d'une trentaine d'années, élevé en =Australie et professeur de géologie à =l'université =d'Adélaïde. Les hommes ont à peine eu le temps de débarquer les vivres, d'élever une cabane en bois et de dresser un mât de =TSF que des vents furieux et des bourrasques de neige les immobilisent pendant des mois. On doit retarder l'exploration jusqu'au bref été antarctique qui dure du début de novembre à la mi-janvier. Leur bateau doit venir les rechercher le 15 janvier 191 Trois hommes se détachent du groupe pour explorer l'intérieur du pays, mais très vite, les difficultés surgissent et deux hommes périssent. Dix jours après la mort de ses compagnons, Mawson s'engagea enfin sur la dernière barrière de glace qu'il lui restait à franchir. A un certain moment, alors qu'il traversait un pont de neige, l'arbre s'effondra sous ses pas. Il tomba dans une crevasse et se retrouva suspendu à cinq mètres dans le vide, au bout de la corde de sécurité qu'il avait fixée à son traîneau. Fort heureusement, celui-ci s'était enfoncé dans la neige et tint bon. S'accrochant aux noeuds de la corde, Mawson réussit avec une peine infinie, à se hisser jusqu'au bord de la fissure, mais au moment même où il y parvenait, il glissa et retomba. A demi-mort, il remonta le long de la corde et se dégagea de la faille, avec une prudence extrême. Pendant une heure, il resta allongé sur la neige pour récupérer un peu. Il lui fallut ensuite bander toute son énergie pour se remettre en marche. para du pays blanc. Un gel féroce qui serra la montagne dans un étau de fer, musela les cascades, fendit les pierres, fit éclater les mélèzes. Un soir, un hurlement de loup. Le lendemain tout le village était en émoi. - Avez-vous entendu? - Moi, j'en ai eu les sangs tournés! - M'est avis, dit une vieille tremblante, que c'est le malin qui vient chercher une âme. - Taisez-vous, interrompt Guigne le berger, moi je les ai vues les traces ce matin sur la neige. J' vous dis qu' c'est un loup. Et un gros encore! La bête devint chaque jour plus hardie. Non contente de dévorer poules, chiens, lapins, elle s'attaquait maintenant aux hommes. A =Grand-Champ n'avaitelle pas eu l'audace d'entrer dans une maison et de saisir par sa jupe une femme qui attisait son feu? Le jour, les hommes n'osaient plus aller au bois et, le soir tombé, les femmes ne se risquaient même pas jusqu'à la fontaine du village. Cela ne pouvait plus durer! UNE PARTIE DE TRAINEAU Oh! il n'est pas luxueux le traîneau ! Deux planches et une autre clouée par-dessus, une corde pour le guider et de la place pour un, voilà tout! Sans compter qu'il faut le traîner derrière soi jusqu'en haut de la montée. Mais alors, vive la joie! On s'assoit, corde en mains, jambe de-ci, jambe de-là et puis, en avant! Vite, vite, plus vite encore! Tant pis pour la casquette qui s'envole! Tant pis pour les mains qui s'engourdissent! Tant pis pour qui se rencontre sur la chaussée! Gare, gare, laissez passer le train express ! Et ainsi, passent, lancés à toute vitesse, grands et petits, garçons et filles, la sueur tenant dans ses bras son frérot de trois ans. Hurrah ! toute la bande a dégringolé, a coulé comme un torrent jusqu'en bas du coteau. La course est finie : vite une nouvelle course! Qui donc ose dire qu'il fait froid! Trois automobilistes, un monsieur et deux dames, s'arrêtent dans une petite auberge de campagne. L'une des deux dames, Sybilla, s'adresse à la propriétaire, une vieille femme, =MmeCoquema, assise dans la vaste cuisine qui sert aussi de salle de restaurant. « Bonjour, madame =Coquema. Nous voudrions déjeuner. Pouvez-vous nous faire à déjeuner?» La vieille jette un regard, au mur, sur la pendule ronde, qui vante une marque d'apéritif. «Hé! mes pauvres gens, c'est que vous arrivez bien tard. Qu'est-ce que je vais bien vous donner? Il n'y a plus rien de prêt à cette heure. - Vous avez bien une tranche de pain avec du fromage? » La voix fluette et chantonnante rétorque, sur un ton scandalisé «Bonnes gens ! Vous ne voulez tout de même pas que je vous serve du pain et du fromage pour votre déjeuner! » Cependant, la vieille s'est levée. Elle passe soigneusement un linge sur la toile cirée, imitation bois, qui couvre la table. « C'est que je n'ai rien à vous donner! Mangeriez-vous peut-être une omelette? » Elle les regarde d'un air inquiet et perplexe. « Avec un peu de lard? Vous l'aimeriez peut-être mieux sans lard? » - Si, si ! Une omelette au lard, ce sera parfait. Mais n'avez-vous pas un potage? Un potage bien chaud? - De la soupe? Vous voulez de la soupe? Il n'en manque pas. Il s'en trouve toujours quelque peu sur le feu, dans nos maisons. Je veux bien vous donner de la soupe. Mais vous ne l'aimerez pas. Ce n'est que de la soupe de paysans, aux choux et aux légumes. - Oui, bravo, oui, une soupe aux choux ! » La vieille a jeté sur la table une nappe de toile rude et éblouissante. Elle se dirige à petits pas vers le buffet en bois clair, en tire trois verres à pied, six assiettes à fleurs. La soupière fume sur la table, la soupe fume dans les assiettes. «Vous la trouvez à votre goût? Et bien, mangez tranquillement pendant que je m'en vais lever quelques neufs au poulailler. » La table se charge de petites assiettes, pâté, beurre, saucisson, jambonneau. « Oh! madame =Coquema, vous nous aviez dit. - Ce n'est que pour amuser un peu les dents, en attendant. Qu'est-ce que vous allez boire? Je n'ai à vous offrir que du vin de paysan. - C'est ce qu'il nous faut, c'est ce que nous aimons. » L'air s'emplit d'odeurs riches. =Sybilla s'étonne « Qu'est-ce donc cela, madame =Coquema? » LA CHÈVRE DE =MSEGUIN =MSeguin n'avait plus qu'une chèvre. Il aurait bien aimé la garder. Pourtant =MSeguin s'apercevait bien que sa chèvre avait quelque chose, mais il ne savait pas ce que c'était. Un matin, comme il achevait de la traire, la chèvre se retourna et lui dit dans son langage - Écoutez, monsieur =Seguin, je me languis chez vous, laissez-moi aller dans la montagne. - Ah ! Mon Dieu! Elle aussi ! cria M. Seguin stupéfait. Et du coup, il laissa tom- ber son écuelle, puis, s'asseyant dans l'herbe à côté de sa chèvre - Comment, =Blanquette, tu veux me quitter ! Et =Blanquette répondit - Oui, monsieur =Seguin. - Est-ce que l'herbe te manque ici? - Oh ! non ! monsieur =Seguin. - Tu es peut-être attachée de trop court, veux-tu que j'allonge la corde? - Ce n'est pas la peine, monsieur Seguin. - Alors qu'est-ce qu'il te faut? Qu'est-ce que tu veux? - Je veux aller dans la montagne, monsieur =Seguin. - Bonté divine ! dit =MSeguin ; mais qu'est-ce qu'on leur fait donc à mes chèvres? Encore une que le loup va manger. Eh bien, non, je te sauverai malgré toi, coquina! et, de peur que tu ne rompes ta corde, je vais t'enfermer dans l'étable et tu y resteras toujours. Là-dessus, =MSeguin emporta la chèvre dans une étable toute noire, dont il ferma la porte à double tour. Malheureusement, il avait oublié la fenêtre, et à peine eut-il le dos tourné que la petite s'en alla. Quand la chèvre blanche arriva dans la montagne, ce fut un ravissement général. Jamais les vieux sapins n'avaient rien vu d'aussi joli. On la reçut comme une petite reine. Les châtaigniers se baissaient jusqu'à terre pour la caresser du bout de leurs branches. Les genêts d'or s'ouvraient sur son passage et sentaient bon tant qu'ils pouvaient. Toute la montagne lui fit fête. Comme notre chèvre était heureuse ! Plus de corde, plus de pieu, rien qui l'empêchât de gambader, de brouter à sa guise. C'est là qu'il y en avait de l'herbe ! jusque pardessus les cornes ! Et quelle herbe ! Savoureuse, fine, dentelée, faite de mille plantes. C'était bien autre chose que le gazon du clos. LES INDIENS =Marcel et =Paul passent leurs vacances dans la région de =Marseille. En lisant, à l'heure de la sieste, « le =DernierdesMohicans », ils ont l'idée de jouer aux Indiens. Ma mère accepta de coudre - sans savoir pourquoi - un vieux tapis de table à une couverture trouée, et nous dressâmes notre wigwam dans le coin le plus sauvage du jardin. J'avais un arc véritable, venu tout droit du =NouveauMonde en passant par la boutique du brocanteur. Je fabriquai des flèches avec des roseaux, et, caché dans les broussailles, je les tirais férocement contre la porte des cabinets, constitués par une sorte de guérite au bout de l'allée. Puis, je volai le couteau «pointu» dans le tiroir de la cuisine : je le tenais par la lame, entre le pouce et l'index (à la façon des Indiens =Comanches) et je le lançais de toutes mes forces contre le tronc d'un pin, tandis que =Paul émettait un sifflement aigu, qui en faisait une arme redoutable. Cependant nous comprîmes bientôt que la guerre étant le seul jeu vraiment intéressant, nous ne pouvions pas appartenir à la même tribu. Je restai donc =Comanche, mais il devint =Pawnie, ce qui me permit de le scalper plusieurs fois par jour. En échange, vers le soir, il me tuait, avec un tomahawk de carton. Des coiffures de plumes, composées par ma mère et ma tante, et des peintures de guerre faites avec de la colle, de la confiture et de la poudre de craies de couleur, achevaient de donner à cette vie indienne une réalité obsédante. Parfois les tribus ennemies enterraient la hache de guerre et s'unissaient pour la lutte contre les =VisagesPâles, les farouches =Yankees venus du Nord. Nous suivions des pistes imaginaires, marchant courbés dans les hautes herbes, attentifs aux brisées, aux empreintes invisibles, et j'examinais d'un air farouche un fil de laine accroché à l'aigrette d'or d'un fenouil. Quand la piste se dédoublait, nous nous séparions en silence. De temps à autre, pour maintenir la liaison, je lançais le cri de l'oiseau-moqueur - si parfaitement imité que sa femelle s'y fût trompée - et =Paul me répondait par « l'aboiement rauque du coyote », parfaitement imité, lui aussi : mais imité - faute de coyote - de celui du chien de la boulangère, un roquet galeux qui attaquait parfois nos fonds de culotte. D'autres fois, nous étions poursuivis par une coalition de trappeurs que commandait la =LongueCarabine ». Alors pour donner le change à l'ennemi, nous marchions longuement à reculons, afin d'inverser nos empreintes. Puis, au milieu d'une clairière, j'arrêtais =Paul d'un geste, et, dans un grand silence, je collais mon oreille au sol. J'écoutais avec une inquiétude sincère, l'approche de nos poursuivants, car au fond des lointaines savanes, j'entendais le galop de mon coeur. LA PÊCHE D'Y SENGRIN Il avait fait très froid, cette année-là. L'étang où Ysengrin, tenaillé par une faim de loup, devait pêcher, est si gelé que les paysans ont dû creuser un trou dans la glace pour y mener boire leurs bêtes. Ils ont laissé, près du trou, un seau avec lequel =Renart, venu là en toute hâte, décide de jouer un bon tour à son compère le Loup, prêt à toutes les épreuves pour apaiser sa faim. - Sire, lui dit =Renart, approchez par ici ! L'endroit est riche en poissons, et voici l'engin avec lequel nous pêchons les anguilles. Aussi, =Ysengrin demanda-t-il à =Renart de lui attacher le seau à la queue. Le seau, plongé dans l'eau, s'emplit de glaçons et bientôt est pris dans la glace. Notre loup essaie de le soulever et crie à son compagnon : « =Renart, il y a trop de poissons ! J'en ai tant pris que je ne sais comment faire! » Mais =Renart, voyant le jour approcher et entendant venir un seigneur du voisinage précédé de ses chiens, préfère s'enfuir jusqu'à sa tanière où il se tapit prudemment. Pris de panique, Ysengrin tire de toutes ses forces au risque de s'arracher la queue. Mais voilà qu'un valet, tenant deux lévriers en laisse, aperçoit le loup et s'écrie : «Le loup!le loup ! au secours ! au secours ! » Le seigneur arrive sur son cheval au grand galop, tire son épée, attaque l'animal par derrière. L'épée glisse sur la queue et la coupe rasibus. =Ysengrin, se sentant libre détale, détale vers le bois en jurant qu'il se vengera de =Renart. LE JEU DU BATEAU Je lui avais appris à jouer au bateau perdu. Il suffisait d'avoir un ruisseau et un morceau de bois. Le ruisseau, nous l'avions : c'était le petit rio des prés ; il était là, tout seul, avec sa pauvre eau sans écailles. Il se tordait entre les pierres et il fallait beaucoup cligner de l'ceil pour voir, à la place du ruisselet, un grand fleuve au-delà des mers. =Anne savait cligner de l'oeil exactement comme moi, et elle voyait le fleuve. On prenait un morceau de bois bien flottable, une écorce de chêne-liège ou un lambeau de canne. - Ils sont cinq là-dessus, je disais. - Cinq? demandait =Anne. - Oui, cinq : un gros avec la barbe, c'est le chef, un petit avec des bottes, c'est celui qui a le revolver ; un maigre qui porte la guitare en bandoulière, et la prisonnière. - Qui est la prisonnière? - Une petite fille. - Comment est-elle? - Vive. Je voulais dire qu'elle était toute vivante et ligotée dans des lianes pleines de feuilles et que les hommes l'emportaient. Et l'on donnait le bois aux eaux du ruisseau et la barque s'en allait dans le fleuve. MI SE A FEU DU PROJECTILE Le soleil resplendissait et baignait de son radieux effluve cette Terre que trois de ses habitants allaient abandonner pour un nouveau monde. Pendant cette mémorable journée, cinq millions de spectateurs foulèrent du pied le sol de la Floride. Dix heures sonnèrent. Le moment était venu de prendre place dans le projectile ; la manoeuvre nécessaire pour y descendre, la plaque de fermeture à visser, le dégagement des grues et des échafaudages penchés sur la gueule de la =Columbiad exigeaient un certain temps. =Barbicane avait réglé son chronomètre à un dixième de seconde près sur celui de l'ingénieur =Murchison, chargé de mettre le feu aux poudres au moyen de l'étincelle électrique. Quelques instants plus tard, les trois compagnons de route étaient installés dans le projectile, dont ils avaient vissé intérieurement la plaque d'ouverture et la bouche de la Columbiad, entièrement dégagée, s'ouvrait librement vers le ciel. « Trente-cinq! trente-six! trente-sept! trente-huit! trente-neuf! quarante! Feu!!! » Une détonation épouvantable, inouïe, surhumaine, dont rien ne saurait donner une idée, ni les éclats de la foudre, ni le fracas des éruptions, se produisit instantanément. Une immense gerbe de feu jaillit des entrailles du sol comme d'un cratère. La terre se souleva, et c'est à peine si quelques personnes purent un instant entrevoir le projectile fendant victorieusement l'air au milieu des vapeurs flamboyantes. L'ALUNISSAGE =D'APOLLO =XI - A quinze mètres du but, =Armstrong aux commandes évite la catastrophe. Il y a =2 =18 que le =LM, baptisé =Eagle =l'Aigle s'est séparé de la cabine =Apollo. Depuis =12 minutes, le module freine sa course vers la =Lune. La vitesse passe de =6000 =km/h à la vitesse d'atterrissage : =4 =km/h. Mais, soudain, un cratère « grand comme un terrain de football» se révèle à l'endroit précis où le module va atterrir. A 15 mètres du sol, =Armstrong interrompt précipitamment le pilotage automatique, prend les commandes manuelles et oblique aussitôt vers la droite. Un nuage de poussière se soulève. L'ombre des pieds du =LM grossit. Les astronautes ont encore une seconde pour décider de ne pas alunir et appuyer sur le bouton de détresse. Puis deux voyants bleus s'allument dans le poste de pilotage. Le moteur s'est arrêté : le premier engin habité vient d'atterrir sur la =Lune, à =21 =17. =Armstrong souriant peut annoncer à la Terre : « Ici, base de la =Tranquillité, Cette histoire se passe en =Afrique, au =Kenya, dans un parc où des animaux vivent en liberté. =Patricia, petite fille de dix ans, aime passionnément un lion, King, qu'elle a recueilli lorsqu'il était tout petit. L'animal, de son côté, s'est attaché à l'enfant et lui obéit facilement. =Patricia ménage une rencontre entre le lion et l'auteur, =JosephKessel, venu visiter le parc. Je venais de faire un pas de plus. A présent, si je tendais le bras, je touchais le lion. Il ne gronda plus cette fois, mais sa gueule s'ouvrit comme un piège étincelant et il se dressa à demi. « King ! cria =Patricia. Stop, =King ! » Il me semblait entendre une voix inconnue, tellement celle-ci était chargée de volonté, imprégnée d'assurance, certaine de son pouvoir. Dans l e même instant, =Patricia asséna de toutes ses forces un coup sur le front de la bête fauve. Le lion tourna la tête vers la petite fille, battit des paupières et s'allongea tranquillement. « Votre main, vite », me dit =Patricia. Je fis comme elle voulait. Ma paume se trouva posée sur le cou de King, juste au défaut de la crinière. « Ne bougez plus », dit =Patricia. Elle caressa en silence le mufle entre les deux yeux. Puis elle m'ordonna « Maintenant, frottez la nuque. » Je fis comme elle disait. « Plus vite, plus fort », commanda =Patricia. Le lion tendit un peu le mufle pour me flairer de près, bâilla, ferma les yeux. Patricia laissa retomber sa main. Je continuai à caresser rudement la peau fauve. King ne bougeait pas. « C'est bien, vous êtes amis », dit =Patricia gravement. Loin d'ici, dans la vaste forêt, il était une fois un petit sapin, à une bonne place où luisait le soleil et où l'air pénétrait librement. Autour ce lui s'élevaient une quantité d'autres arbres. Le sapineau était impatient de grandir. Il n'appréciait ni l'air, ni le soleil, et ne se plaisait point, comme ses voisins, à voir les enfants qui venaient dans le bois cueillir des fraises et des framboises. Quelquefois, ces enfants, ayant fini leur récolte, s'arrêtaient et s'écraient : « Ah! le joli petit sapin!» D'année en année, cependant, il s'élevait un peu plus haut, mais pas assez selon son voeu et les années sont longues ! Et ainsi occupé de ses rêves silencieux mais ambitieux, le petit sapin n'éprouvait point la joie de voir luire le soleil et d'entendre chanter les oiseaux. Mais le petit sapin grandit, et il était si vert et si beau qu'on ne pouvait le voir sans l'admirer. Et à Noël, on vint le couper. Il sentit la hache pénétrer dans sa tige, il tomba en gémissant et s'évanouit. Quand il se réveilla, il était dans la cour d'une riche demeure, et deux domestiques l'emportèrent dans un grand salon. Une tonne en bois, pleine de sable fin et revêtue d'une belle étoffe, fut placée sur un épais tapis, au milieu du salon. Dans cette tonne, on dressa le sapin. Oh! comme il était agité! Les domestiques se mirent à l'oeuvre. Ils commencèrent par attacher à ses branches des rubans de diverses couleurs. A ces rubans ils suspendirent des biscuits, des noix, des oranges ; puis des poupées, des livres d'images, des trompettes ; enfin une centaine de bougies de diverses couleurs, et à sa cime on mit une étoile d'or. C'était magnifique. « A ce soir s'écrièrent ceux qui venaient de faire ces préparatifs. Ce soir nous le verrons dans tout son éclat ». « Ah ! se disait le sapin, il me tarde d'être à ce soir! C'est alors, à ce qu'il paraît, que je serai resplendissant. » Enfin, l'heure arriva où les bougies furent allumées. Et le salon était éblouissant. Et le sapin tressaillit de joie, se sentant si beau. A ce moment, une troupe d'enfants entra tumultueusement dans le salon. Ils se mirent à chanter et à danser, puis, à un signal, ils prirent sur les rameaux du sapin les présents qui leur étaient destinés, non sans tirailler ses branches et sans les meurtrir. Alors, ayant enlevé toutes ses richesses, ils l'abandonnèrent, et ils se mirent de nouveau à danser avec des cris de joie. Mais bientôt, une à une, les bougies consumées s'éteignirent. Tout le monde sortit, l'obscurité se fit, et le sapin resta seul dans le grand salon. Le lendemain matin, il vit venir deux domestiques qui l'emportèrent dans le coin d'une chambre très sombre. Il était complètement oublié. Une souris s'approcha en sifflotant. Une autre la rejoignit. Toutes deux flairèrent le petit arbre et s'abritèrent sous ses branches. « Qu'il fait froid ici ! murmura l'une d'elles. Qu'en dis-tu, vieux solitaire? » - Je ne suis pas si vieux, répliqua le sapin.