&&000 FRANCE 5TH GRADE 1960S FR-5TH-60S.TXT Publisher: ISTRA , Larousse (only 2 publishers found for this decade in the Lyon archive) N=12 PAGES files saved in UTF-8 format Last edited 20 May 2005 &&111 Un peuple sportif L'écrivain et humoriste contemporain =PDaninos a imaginé un personnage, le très britannique major =Thompson, qui découvre les façons de vivre, de penser, le comportement des =Français. Il existe plusieurs époques pour visiter la =France, mais il en est une qui risque de fausser votre jugement : celle qui s'étend environ du let au =25 juillet. L'un de mes premiers voyages en =France se situa pendant cette période. Venant de =Gibraltar, j'avais traversé les =Pyrénées et poursuivais ma route vers =Paris lorsque, à un croisement, deux gendarmes arrêtèrent ma course. «On ne passe pas ! » me dirent-ils. Ayant encore, à cette époque, l'habitude anglaise de ne jamais poser de questions, j'obtempérai =1 sans demander pourquoi. La vue d'un grand déploiement de forces policières m'incita d'abord à penser que l'on était sur le point de cerner un bandit de grand chemin. Cependant, apercevant sur la Nationale un nombreux public qui conversait joyeusement avec la maréchaussée, j'en déduisis que l'événement était moins dramatique. Une colonne de blindés; =2 à l'arrêt de l'autre côté de la route, sur un chemin de traverse, me fit croire un instant à un défilé militaire. Mais non : car, bientôt, j'entendis le capitaine de gendarmerie dire au jeune lieutenant qui commandait les chars et qui manifestait son impatience en se donnant de petits coups de badine; =3 sur les bottes (ses hommes paraissaient beaucoup moins fâchés) : « Manoeuvres ou pas manceuvres, on ne passe pas ! » Il était clair, en somme, que personne ne passerait, ni les =Français avec leurs blindés, ni le major Thompson avec sa torpédo, ni même ce monsieur qui, ayant extrait son importance d'une très importante voiture, obtint pour toute réponse ce : « Faites comme les autres, attendez ! » Je conclus de ces prémisses que tout trafic était interrompu pour laisser la voie libre au président de la République et à sa suite, lorsqu'un cri jaillit des poitrines « Les voilà ! » Ce singulier pluriel me fit un instant supposer que le chef de l'État allait apparaître avec mes =TrèsGracieuxSouverains, alors en =France. Quelle ne fut donc pas ma surprise de voir surgir, en fait de =GracieusesMajestés, deux individus mâles se dandinant sans grâce sur leur bicyclette, curieusement vêtus de boyaux et de maillots aux couleurs criardes, à peine culottés, pour ainsi dire nus, crottés et, dans l'ensemble, assez choquants à voir. On voulut bien m'expliquer - sans que j'aie rien demandé - que ces gens, faisant le tour de =France à bicyclette, gagnaient =Paris le plus vite possible par les voies les moins rapides, ce qui me parut étrange. Mais, après tout, ce sont là des choses au sujet desquelles un Anglais, ne s'étonnant de rien, n'a pas à manifester de surprise déplacée. domestique, qui s'occupe de la surveillance en ants. Nous allions en classe de neuf heures à midi,. et l'apiès-midi nouE épluchions des noix pour un marchand d'huile. Les plus grandes le, cassaient avec un marteau, et les plus petites les séparaient des 'coquilles. Il était bien défendu d'en manger, et surtout ce n'était pas facile : il s'en trouvait toujours une pour dénoncer, par jalousie de gourmandise. C'était =BonneEsther qui nous regardait dans la bouche. Quelque-fois elle s'attardait' à une incorrigible gourmande. Alors, elle lui faisait les gros yeux, puis elle lui disait en la renvoyant d'une taloche « J'ai l'oeil sur toi». Nous étions quelques-unes en qui elle avait grande confiance. Elle nous faisait pivoter =2 en faisant semblant de nous regarder, et elle disait en riant : « Ferme ton bec». J'avais souvent envie d'en manger, mais les bons yeux de Bonne Esther passaient devant moi, et je rougissais à l'idée de tromper sa confiance. A la longue, l'envie devint si forte que je ne pensais plus qu'à cela. Pendant des jours et des jours, je cherchai le moyen d'en manger sans me faire prendre. J'essayai d'en cacher dans mes manches; mais j'étais si maladroite que je les perdais aussitôt. Et puis, j'avais envie d'en manger beaucoup ; il me semblait que j'en aurais mangé un plein sac. Un jour enfin, je trouvai l'occasion. =BonneEsther, qui nous menait coucher, glissa sur une coquille, et lâcha sa lanterne, qui s'éteignit. Comme je me trouvais à côté d'une bassine =8 pleine, j'en pris une grosse poignée que je fourrai dans ma poche. Aussitôt que tout le monde fut couché, je sortis les noix de ma poche et, la tête sous les draps, j'en pris ma pleine bouche. Mais aussitôt il me sembla que tout le dortoir entendait le bruit que faisaient mes mâchoires ; j'avais beau croquer doucement et lentement, le bruit cognait dans mes oreilles, comme des coups de maillet. Bonne Esther se leva. Elle alluma la lampe, regarda sous les lits en se baissant. Quand elle fut près de moi, je la regardai épouvantée. Elle dit tout bas : « Tu ne dors donc pas ? » Puis elle continua ses recherches. Elle alla jusqu'au bout du dortoir, ouvrit et referma la porte. Et =BonneEsther doit se recoucher, sans avoir rien découvert. Le brouillard. Un jour, je fus surprise par un brouillard si épais, qu'il me fut impossible de reconnaître mon chemin. Je me trouvai tout à coup auprès d'un grand bois qui m'était inconnu. Le haut des arbres se perdait complètement dans le brouillard, et les bruyères paraissaient tout enveloppées de laine. Des formes blanches descendaient des arbres et glissaient sur les bruyères en longues traînées transparentes. Je poussai les moutons vers le pré qui était à côté ; mais ils se tassèrent et refusèrent d'avancer. Je passai devant eux pour voir ce qui les empêchait d'aller plus loin, et je reconnus la petite rivière qui coulait au bas de la colline. C'est à peine si on voyait l'eau ; elle avait l'air de dormir sous une épaisse couverture de laine blanche. Je restai un long moment à la regarder ; puis je ramenai mes moutons le long du bois. Pendant que je cherchais à reconnaître de quel côté se trouvait la ferme, les moutons contournèrent le bois et ils se trouvèrent bientôt sur un chemin bordé de haies. Le brouillard s'épaissit encore et il me sembla que je marchais entre deux hautes murailles. Je suivais les moutons sans savoir où ils me menaient. Ils quittèrent brusquement le chemin pour tourner à droite, mais je les arrêtai aussitôt : je venais d'apercevoir l'entrée d'une église. Les portes étaient grandes ouvertes, et de chaque côté, on voyait deux lumières rouges qui éclairaient la voûte grise. D'énormes piliers se rangeaient en lignes droites, et, tout au fond, on devinait les fenêtres à petits carreaux qu'une lumière éclairait faiblement. J'avais beaucoup de mal à empêcher les moutons d'aller vers cette église, et, tout en les repoussant, je m'aperçus qu'ils étaient couverts de petites perles blanches. Je me persuadai qu'en retournant sur mes pas, je trouverais facilement la ferme, et, en faisant le moins de bruit possible, je repoussai les moutons sur le chemin qui m'avait amenée. Comme j'entrai dans ce chemin, une voix d'homme s'éleva près de moi. Elle disait : « Laisse-les donc rentrer, ces pauvres bêtes. » Et en même temps, l'homme faisait retourner le troupeau vers l'église. Je reconnus tout de suite =Eugène, le frère du fermier ! E passa sa main sur le dos d'un mouton, en disant : « Ils sont jolis avec leurs petites boules de givre ; mais ce n'est pas bon pour eux. » Je ne fus pas étonnée de le rencontrer là. Je lui montrai l'église en lui demandant ce que c'était. - « C'était pour toi, me répondit-il. Je craignais que tu ne retrouves pas l'allée des châtaigniers, et j'avais suspendu une lanterne de chaque côté. » Quelque chose se brouilla dans ma tête ; et ce ne fut qu'au bout d'un instant que je compris que ces gros piliers noircis et délabrés par le temps étaient tout simplement les troncs des châtaigniers. En même temps, je reconnus les fenêtres à petits carreaux de la grande salle, que le feu de la cheminée éclairait. Mon vieux parrain. J'ai un parrain à moi, qui habite un village, de l'autre côté de l'eau'. Il est menuisier de son état et, de temps à autre, on m'emmène passer une semaine dans sa maison. Il est très droit, malgré son grand âge. Il a le teint rouge, coloré, les yeux rieurs. Les mèches blanches de sa tignasse s'ébouriffant sous sa casquette, lui donnent un air très doux. C'est un de ces vieux qui sont campés dans la vie, solidement, comme une borne à l' extrémité d'un champ. Il me raconte une histoire de son jeune temps. A la pâture, il a tué un loup qui attaquait ses poulains : - «%dors, le loup se jeta sur moi, la gueule ouverte. Mais j'enfonçai mon poing dans son ventre. J'ai attrapé sa queue. Crac ! je l'ai retourné, comme une vieille moufle! » Il fait le geste, pour bien m'expliquer. Il dit ces énormités sans broncher, avec un clignement d'yeux à l'adresse des murs, de l'établi, de la varlope. On ne sait jamais s'il parle sérieusement. C'est pourquoi je l'aime, mon vieux parrain. Quelles bonnes heures passées dans sa compagnie, au temps des vacances ! De grands rais de soleil traversent la grange et dorent les copeaux de hêtre qui sortent de sa varlope, en rubans blonds. Penché sur l'établi, il ressemble au saint Joseph dessiné dans mon Histoire sainte. Il cligne des yeux pour examiner la finesse d'un joint, la solidité d'une mortaise. Au mur sont accrochés des outils, dont les formes bizarres font travailler mon esprit : équerres contournées, tarières gigantesques, compass. Et la vache =Rosette, attachée à sa crèche, lève son mufle où filent des baves, tandis que ses yeux jettent dans la nuit des feux verts. Le petit sapin ambitieux (suite) Alors il commença à regretter la forêt. «Là-bas, pensait-il, sur le sol couvert de neige, parfois un lièvre courait près de moi. Et cela me récréait. Ici, tout est si triste!» Une souris s'approcha en sifflotant. Une autre la rejoignit. Toutes deux flairèrent le petit arbre et s'abritèrent sous ses branches. «Qu'il fait froid ici ! murmura l'une d'elles. Qu'en dis-tu, vieux solitaire ? - Je ne suis pas si vieux, répliqua le sapin. - D'où viens tu ? Sais-tu quelque chose de nouveau? Parle-nous des belles choses que tu as remarquées dans le monde. N'as-tu pas vu les bonnes chambres où l'on met les provisions, les fromages, les jambons, les chandelles ? C'est là que l'on est bien ! C'est là que l'on engraisse ! - Je ne sais rien de tout cela, répondit le sapin. Je ne connais que la forêt où le soleil brille, où les oiseaux chantent.» Et il se mit à leur raconter ce qu'il avait vu dans les bois dès ses jeunes années, et les souris l'écoutaient, émerveillées. Puis il leur dit ce qui lui est arrivé à la fête de Noël, comment il avait été couvert d'or et de soie, et de bougies flamboyantes. « Oh ! s'écrièrent les souris. Tu nous racontes des histoires admirables. Nous reviendrons la prochaine nuit, et nous amènerons quelques-unes de nos compagnes, pour qu'elles aient aussi le plaisir de t'entendre. » Le lendemain et les nuits suivantes, les souris revinrent en effet. Mais bientôt elles lui demandèrent s'il n'avait pas quelque autre histoire à leur raconter. « Non, dit-il, je ne connais que celle-là. » - Oh ! dit une des souris, elle n'est pas si amusante, ton histoire de Noël. J'aime mieux entendre raconter une trouvaille de lard et de jambon, une histoire de salle à manger. Ne peux-tu nous faire un de ces émouvants récits ? - Non. - Eh bien, bonsoir ! » Les souris partirent et ne revinrent plus. Le sapin les regretta. Si triste était son isolement ! Il aspirait au jour où l'on viendrait le tirer de sa sombre retraite. Or, au printemps, par une belle matinée, des domestiques vinrent le prendre et le descendirent dans la cour. Ah ! l'heureuse émotion ! II revoyait le soleil, il respirait l'air frais, et près de lui était le jardin où fleurissaient la rose et le tilleul, où voltigeaient les hirondelles. Après son malheureux hiver, le petit sapin tressaillait de joie. Il voulut étendre ses branches au grand air, mais elles étaient raides, desséchées, mortes. On le mit dans un coin, près d'un amas de fagots et de mauvaises plantes. Et un valet le coupa en petits morceaux, pour allumer le feu. Dans la cheminée, ses branches craquetaient et pétillaient. Ces craquements, ces pétillements, c'étaient ses plaintes, ses regrets et ses soupirs. de l'ambitieux petit sapin. - Le croup. maman raconte à une dame la maladie de son enfant. un grand médecin, vous le connaissez: c'est le Docteur =Faron. Dieu court après, qu'il est riche et célèbre. Ça vous étonne, n'est-ce pas, c'est lui qui a opéré notre petit ? En voyant que l'enfant se moumon pauvre homme avait perdu la tête. Tout à coup, je le vois se lever, chercher bien vite, dans l'armoire, sa redingote neuve, son chapeau noir et quatre à quatre. Où vas-tu ? - Je vais chercher le docteur =Faron. C’est piene comme s'il m'avait dit : Je vais chercher le ministre des finances. Et tu crois que le docteur Faron va se déranger ? On te mettra à la porte. C’etait peine perdue de lui dire tout cela ; il était déjà dans l'escalier, et je dégringoler comme si le feu était à la maison. Le feu ! c'était pis que le feu. mes injures. Je me sentis touché de cette intrépidité et de cette patience. J'eus honte d'avoir voulu, dans ce premier transport, me servir de mes armes pour tuer celui qui me les avait fait rendre; mais, comme mon ressentiment n'était pas encore apaisé, j'étais encore inconsolable de devoir mes armes à un homme que je haïssais tant. Cependant =Néoptolème me disait : « Sachez que le divin =Hélénus, fils de =Priam, étant sorti de la ville de =Troie par l'ordre et par l'inspira: tion des dieux, nous a dévoilé l'avenir : « La malheureuse =Troie tombera, a-t-il dit, mais elle ne peut tomber qu'après qu'elle aura été attaquée par celui qui tient les flèches d'Hercule; cet homme ne peut guérir que quand il sera devant les murailles de =Troie; les enfants =d'Esculape le guériront. » En ce moment je sentis mon cceur partagé : j'étais touché de la naïveté de =Néoptolème et de la bonne foi avec laquelle il m'avait rendu mon arc, mais je ne pouvais me résoudre à voir encore le jour, s'il fallait céder à =Ulysse; et une mauvaise honte me tenait en suspens. « Me verra-t-on, disais-je en moi-même, avec =Ulysse et avec les =Atrides ? Que croira-t-on de moi? » Pendant que j'étais dans cette incertitude, tout à coup j'entends une voix plus qu'humaine : je vois Hercule dans un nuage éclatant; il était environné de rayons de gloire 10. Je reconnus facilement ses traits un peu rudes, son corps robuste et ses manières simples; mais il avait une hauteur et une majesté qui n'avaient jamais paru si grandes en lui quand il domptait les monstres. Il me dit « Tu entends, tu vois =Hercule. J'ai quitté le haut =Olympe pour t'annoncer les ordres de Jupiter. Tu sais par quels travaux" j'ai acquis l'immortalité : il faut que tu ailles avec le fils =d'Achille, pour marcher sur mes traces dans le chemin de la gloire. Tu guériras; tu perceras de mes flèches =Pâris, auteur de tant de maux. Après la prise de =Troie, tu enverras de riches dépouilles à =Péan 12 ton père, sur le mont =OEta; ces dépouilles Un garçon galant Marcel va un peu délaisser son ami Lili. En effet il rencontre, dans la campagne autour de Bastide-Neuve, une fille de son âge qui s'est égarée et s'adresse d'abord à lui avec une politesse un peu dédaigneuse. Il lui indique le bon chemin pour retourner chez elle. Je l'entendis traverser la haie, puis elle appela. Je ne bougeai pas. Elle recommença. Je me retournai. «C'est vous qui faites ce bruit? - Je vous appelle ! dit-elle, sur un ton assez vif. - Vous n'avez pas trouvé le chemin? » Elle me répondit, indignée « Vous savez bien qu'il est barré par d'énormes toiles d'araignée ! Il y en a au moins quatre ou cinq, et la plus grosse a voulu me sauter à la figure ! - Vous n'avez qu'à contourner les toiles. Le vallon est assez large pour ça! - Oui, mais il faudrait marcher dans ces hautes herbes (elle désignait les fenouils) et ça serait encore plus dangereux ! J'ai vu courir un animal énorme, qui était long et vert ! » Elle me regardait d'un air plein de reproches comme si j'étais le responsable de la sécurité de ces territoires. Je compris qu'elle avait vu un limbert (1), mais parce qu'elle m'agaçait, je dis, d'un air tout à fait naturel « Ce doit être un serpent. Ici, c'est le vallon des serpents. Ils se nourrissent de rats ; et comme il y a beaucoup de rats, ça fait qu'il y a beaucoup de serpents. D'un air soupçonneux, elle conclut « Ce n'est pas vrai ! Vous dites ça pour m'effrayer ! » Mais elle regardait dans l'herbe de tous côtés. Je repris « Il n'y a pas de quoi avoir peur, parce que ce sont des couleuvres. C'est froid, mais ça n'a pas de poison. Il n'y a qu'à faire du bruit, et elles auront plus peur que vous.» Sans bouger d'un pas, je feignis d'examiner de très près ma grappe de raisin, comme si je considérais que la conversation était terminée. Après un long silence, elle dit sur un ton sarcastique. « Quand un garçon est galant, il n'abandonne pas une demoiselle dans un endroit aussi dangereux. » Je croquai les derniers grains, et je ne répondis rien. Je réfléchissais. DES PLAISIRS ET DES JEUX Batailles rangées Durant les vacances, deux garçons, =Marcel et =Arthur, une fille, =Françoisé, doivent, en raison du mauvais temps, renoncer aux jeux de Plein air. Ils décident de jouer avec des soldats de =Plomb. Les soldats : les six boîtes achetées, au dernier voyage de =Paris, dans la caverne de l'enchanteur en béret bleu, rue de =Dunkerque. =Marcel va les chercher et les vide sur la grande table de la chambre. « Ils sont tout plats », dit =Françoise déçue. Oui, ils sont tout plats. Mais on s'habitue à leur platitude. Leurs couleurs sont jolies, leurs uniformes exacts un chevalier blessé tombe, les genoux ployés; =Napoléon, la main dans son gilet, surveille le champ de bataille. Ce sont des batailles de la guerre de Cent Ans et de l'Empire. La notion de temps est abolie par décret, et on décide d'opposer les =Françaisd'Austerlitz aux =Anglais d'Azincourt. Chacun choisit son armée et ses chefs : =Arthur aura les =Anglais commandés par le =PrinceNoir que voici, visière baissée, et si noir qu'il en est bleu. =Françoise choisit =Jeanne d'Arc, qui chevauche un dextrier (1) blanc : elle est revêtue d'une armure d'argent qui la rend brillante comme un poisson; elle a sa bannière en main et s'avance tête nue, blonde comme on ne peut pas dire. =Marcel aura =Napoléon, sans doute? « Non, c'est trop banal », dit-il; et =Napoléon (pas de chance!) est exilé sur le plus haut rayon d'une étagère lointaine. « J'aurai =Murat », dit =Marcel en présentant le roi de =Naples au =PrinceNoir et à =Jeanne d'Arc. Et voici =Murat en bottes cramoisies, culottes blanches, manteau vert brodé de fourrure et chapeau ombragé d'immenses plumes tricolores. A peine les présentations sont-elles finies que la guerre est déclarée. Tout est mis en eeuvre : un vieux fort, des boîtes de constructions, une maison de poupées. Le =PrinceNoir, à la tête d'une armée anglo-russe, entre en campagne contre =Jeanned'Arc et ses chevaliers. Elle est repoussée dans une première rencontre, mais =Murat, galamment, vient à son secours avec une armée composée de =Français de différents siècles. La campagne se poursuit, mêlée de succès et de revers pour les alliés. Les projectiles sont tantôt des sous, tantôt des pois fulminants). Les sous mettent en danger les potiches et les vitres, et les pois fulminants couvrent les meubles de poussière et de sable et remplissent la chambre de fumée. Aventure en Calabre Les =Français qui occupent =l'Italie pendant la période révolutionnaire et =l'Empire n'ont pas toujours bonne réputation. En =Italie du =Sud, deux =Français cherchent un gîte. Nos hôtes avaient bien mines de charbonniers; mais la maison, vous l'eussiez prise pour un arsenal. Ce n'étaient que fusils, pistolets, sabres, couteaux, coutelas. Tout me déplut, et je vis bien que je déplaisais aussi. Mon camarade, au contraire : il était de la famille, il riait, il causait avec eux; et par une imprudence que j'aurais dû prévoir (mais quoi ! s'il était écrit) il dit d'abord d'où nous venions, où nous allions, qui nous étions. Et puis, pour ne rien omettre de ce qui pouvait nous perdre, il fit le riche, promit à ces gens pour la dépense, et pour nos guides le lendemain, ce qu'ils voulurent. Enfin, il parla de sa valise, priant fort qu'on en eût grand soin, qu'on la mît au chevet de son lit; il ne voulait point, disait-il, d'autre traversin. Ah ! jeunesse ! jeunesse ! que votre âge est à plaindre ! Cousine, on crut que nous portions les diamants de la couronne; ce qu'il y avait qui lui causait tant de souci dans cette valise, c'étaient les lettres de sa fiancée. Le souper fini, on nous laisse; nos hôtes couchaient en bas, nous dans la chambre haute où nous avions mangé; une soupente élevée de sept à huit pieds, où l'on montait par une échelle, c'était là le coucher qui nous attendait, espèce de nid, dans lequel on s'introduisait en rampant sous des solives; chargées de provisions pour toute l'année. Mon camarade y grimpa seul, et se coucha tout endormi, la tête sur la précieuse valise. Moi, déterminé à veiller, je fis bon feu, et m'assis auprès. La nuit s'était déjà passée presque entière assez tranquillement, et je commençais à me rassurer, quand sur l'heure où il me semblait que le jour ne pouvait être loin, j'entendis au-dessous de moi notre hôte et sa femme parler et se disputer; et prêtant l'oreille par la cheminée qui communiquait avec celle d'en bas, je distinguai parfaitement ces propres mots du mari : « Eh bien ! enfin voyons, faut-il les tuer tous deux? » A quoi la femme répondit : « Oui. » Et je n'entendis plus ,rien. Que vous dirai-je? Je restai respirant à peine, tout mon corps froid comme un marbre; à me voir, vous n'eussiez su si j'étais mort ou vivant. Dieu ! quand j'y pense encore! Nous deux presque sans armes, contre eux douze ou quinze qui en avaient tant ! et mon camarade mort de sommeil et de fatigue ! L'appeler, faire du bruit, je n'osais; m'échapper tout seul, je ne pouvais, la fenêtre n'était guère haute, mais en bas deux gros dogues hurlant comme des loups. En quelle peine je me trouvais, imaginez-le, si vous pouvez. Au bout d'un quart d'heure qui fut long, j'entends sur l'escalier quelqu'un, et par les fentes de la porte, je vis le père, sa lampe dans une main, dans l'autre un de ses grands couteaux. Il montait, sa femme près de lui ; moi derrière la porte; il ouvrit; mais avant d'entrer il posa la lampe que sa femme vint prendre; La fête champêtre Plusieurs mois ont passé. Le bohémien a disparu. Presque par hasard, =FrançoisSeurel retrouve le chemin du domaine et le fait connaître au =GrandMeaulnes. Durant les vacances, une fête champêtre est organisée dans la région du domaine. =YvonnedeGalais doit y venir : les deux camarades s'y rendent. Sur la rive où l'on s'arrêta, le coteau venait finir en pente douce et la terre se divisait en petits prés verts, en saulaies, séparées par des clôtures, comme autant de jardins minuscules. De l'autre côté de la rivière, les bords étaient formés de collines grises, abruptes, rocheuses; et sur les plus lointaines on découvrait, parmi les sapins, de petits châteaux romantiques avec une tourelle. Au loin, par instants, on entendait aboyer la meute du château de =Préveranges. Nous étions arrivés en ce lieu par un dédale de petits chemins, tantôt hérissés de cailloux blancs, tantôt remplis de sable - chemins qu'aux abords de la rivière les sources vives transformaient en ruisseaux. Au passage, les branches des groseilliers sauvages nous agrippaient parla manche. Et tantôt nous étions plongés dans la fraîche obscurité des fonds de ravin, tantôt au contraire, les haies interrompues, nous baignions dans la claire lumière de toute la vallée. Au loin sur l'autre rive, quand nous approchâmes, un homme accroché aux rocs, d'un geste lent, tendait des cordes à poissons. Qu'il faisait beau, mon Dieu Nous nous installâmes sur une pelouse, dans le retrait que formait un taillis de bouleaux. C'était une grande pelouse rase, où il semblait qu'il y eût place pour des jeux sans fin. Les voitures furent dételées; les chevaux conduits à la ferme des Aubiers. On commença à déballer les provisions dans le bois, et à dresser sur la prairie de petites tables pliantes que mon oncle avait apportées. Il fallut, à ce moment, des gens de bonne volonté, pour aller à l'entrée du grand chemin voisin guetter les derniers arrivants et leur indiquer où nous étions. Je m'offris aussitôt; Meaulnes me suivit, et nous allâmes nous poster près du pont suspendu, au carrefour de plusieurs sentiers et du chemin qui venait des =Sablonnières. Mais à la fin, incapable de supporter plus longtemps cette attente intolérable « Écoute-moi, dit-il. Je redescends avec les autres. Je ne sais ce qu'il y a maintenant contre moi : mais si je reste là, je sens qu'elle ne viendra jamais qu'il est impossible qu'au bout de ce chemin, tout à l'heure, elle apparaisse. » Et il s'en alla vers la pelouse, me laissant tout seul. Je fis quelque cent mètres sur la petite route, pour passer le temps. Et au premier détour j'aperçus =YvonnedeGalais, montée en amazone sur son vieux cheval blanc, si fringant ce matinlà qu'elle était obligée de tirer sur les rênes pour l'empêcher de trotter. A la tête du cheval, péniblement, en silence, marchait =MdeGalais. VISAGES DE MON PAYS La petite ville de =France =AnatoleFrance a beaucoup aimé son =Paris natal, mais aussi les petites villes de =France dont il a parlé avec noblesse et émotion. Elle est charmante ainsi avec ses toits pointus, ses rues tortueuses et le clocher en charpente de son élégante église. Nous la contemplons dans une sorte de ravissement. C'est qu'aussi la vue à vol d'oiseau d'une jolie ville est un spectacle aimable et touchant, où l'âme se plaît. Des pensées humaines montent avec la fumée des toits. Il y en a de tristes, il y en a de gaies; elles se mêlent pour inspirer toutes ensemble une tristesse souriante, plus douce que la gaieté. On songe « Ces maisons, si petites au soleil que je puis les cacher toutes en étendant seulement la main, ont pourtant abrité des siècles d'amour et de haine, de plaisir et de souffrances. Elles gardent des secrets terribles, elles en savent long sur la vie et la mort. Elles nous diraient des choses à pleurer et à rire, si les pierres parlaient. Mais les pierres parlent à ceux qui savent les entendre. La petite ville dit aux voyageurs qui la contemplent du haut de la colline « Voyez; je suis vieille, mais je suis belle; mes enfants pieux ont brodé sur ma robe des tours, des clochers, des pignons dentelés, et des beffrois . Je suis une bonne mère; j'enseigne le travail et tous les arts de la paix. Je nourris mes enfants dans mes bras. Puis, leur tâche faite, ils vont, les uns après les autres, dormir à mes pieds, sous cette herbe où paissent les moutons. Ils passent; mais je reste pour garder leur souvenir. Je suis leur mémoire. C'est pourquoi ils me doivent tout, car l'homme n'est l'homme que parce qu'il se souvient. Mon manteau a été déchiré et mon sein percé dans les guerres. J'ai reçu des blessures qu'on disait mortelles. Mais j'ai vécu parce que j'ai espéré. Apprenez de moi cette sainte espérance qui sauve la patrie. Pensez à moi pour penser au-delà de vous-mêmes. Regardez cette fontaine, cet hôpital, ce marché que les pères ont légués à leurs fils. Travaillez pour vos enfants comme vos aïeux ont travaillé pour vous. Chacune de mes pierres vous apporte un bienfait et vous enseigne un devoir. Voyez ma cathédrale, voyez ma maison commune, voyez mon =hôtel-Dieu, et vénérez le passé. Mais songez à l'avenir. Vos fils sauront quels joyaux vous aurez enchâssés à votre tour dans ma robe de pierre. »