&&000 FRANCE 4TH GRADE 1960S FR-4TH-60S.TXT Two samples from Larousse (1965 & 1968) N=11 sample pages saved in UTF-8 format &&111 La dernière pêche du « Dalc'h Mat »' Un journaliste a participé à la dernière pêche d'un chalutier. Il en fait le récit pour la radio-télévision scolaire. =Lorient. Mardi, 4 février =1966 heures du matin. Un petit chalutier de douze tonneaux , le Dalc'h Mat, part pour la pêche. Depuis quinze ans, il sillonne =l'Atlantique dans les parages de l'île =deGroix, où, sur des fonds vaseux de soixante-dix mètres de profondeur, il traîne inlassablement son chalut. Quatre hommes vivent de sa pêche : =VictorPadellec, le patron, marin de =Gavres, petit port voisin de =Lorient; son frère =Jean, qui fait office de mécanicien, =Anatole =Jarno et =EugèneMintec, qui sont en même temps cuisiniers et trieurs de poisson, mais qui participent à la manoeuvre quand c'est nécessaire. La météo est pessimiste. « Bah ! c'est l'habitude, dit =VictorPadellec. Mais nous aurons beau temps, les mouettes n'ont pas très faim. » Et nous connaîtrons en effet une journée radieuse, une mer d'huile. Tant mieux pour le citadin que je suis... Sortis de la rade, à la lueur de la lune, nous mettons le cap sur l'île de Groix, qui brille à l'horizon de toutes ses lumières. Deux heures plus tard, nous sommes sur les lieux de pêche : le Trou-aux-arognes, une vaste zone au nord-ouest de l'île. Plusieurs petits chalutiers nous ont précédés. La radio du bord bavarde sans arrêt les patrons parlent des cours qui montent parce qu'il y a moins de viande, lancent une boutade, s'interrogent sur le temps probable. A 8 heures, tout se tait : chacun écoute le bulletin météo diffùsé par Radio-Conquet à l'intention des navires en mer. Une heure plus tard, tout le monde écoutera les prévisions du temps du poste de Saint-Nazaire. Tempête en mer d'Irlande... Ici, le calme. Et voici le moment attendu. Le patron bloque la roue du gouvernail, et tout l'équipage met le chalut à la mer. C'est un vaste filet en forme de poche, long de cinq à six mètres. Il est tiré vers le fond Promenade de printemps Ce sont les taillis qui ont donné les premiers signes parce qu'en pleine nature la sève des jeunes arbres monte plus vite que celle des patriarches' de la forêt; et des milliers de bourdonnements ont éclaté, tout frémissants de vie. Avec les arbustes se sont éveillés les oiseaux. Longtemps cachés et invisibles, merles, grives, rouges-gorges et bouvreuils reviennent à nous comme si le maître d'un château avait ouvert soudain les portes d'une immense volière ! Les merles et les grives s'éveillent avec le soleil et ne se couchent qu'avec lui. Quels concerts en bordure des taillis! Aubades des matins roses et chants du crépuscule. Coups d'ailes pour atteindre un refuge, querelles de rivaux, douces promesses d'hyménées , que l'homme ne peut comprendre. Ce sont les enfants qui ont donné les premiers signes au village. A l'égal des arbres, la joie monte plus vite au coeur des enfants qu'au cceur des adultes ou des vieillards, et le sang coule plus vite dans leurs veines. Les cris des écoliers deviennent aigus, leurs jeux sont pleins de la poussée des sèves. Le soir, ils rient et chantent au long des chemins. Pour imiter les merles, battant du manche de leur couteau un court fragment de saule, ils en tirent un sifflet rustique. Les vieux, eux, entrouvrent timidement leur porte demeurée longtemps fermée l'homme prend une bêche et va au jardin; la femme prend un panier et part à la recherche des premiers pissenlits. =Jean n'est pas resté insensible à l'appel du printemps. Tout près, en marge de la forêt, s'étend le taillis des Parillauds. Fram l'y conduit souvent le soir. A leur approche, des garennes montrent leur houppette blanche en s'enfuyant vers le couvert. Fram s'amuse à poursuivre l'un d'eux jusqu'à son trou et sa voix éveille les échos. L'enfant et le chien descendent au pré du val, où coule un filet d'eau claire, et là, au bord du tout petit ruisseau bordé de joncs et d'iris, ils écoutent. Le ruisselet compose à voix basse une chanson très douce. Et voici les derniers sons de flûte des hôtes familiers du taillis, auxquels un geai querelleur vient mêler parfois sa note discordante. Un écureuil jette son cri menu, étrange, et monte en flèche au haut d'un chêne. Plus loin, au coeur des Parillauds,. retentit le chant orgueilleux Alors chaque garçon, collé à la montagne, soufflant et serrant les dents, s'agrippant à la terre, filait comme un rat vers le lieu du rendezvous, avec au caeur la volonté d'un record à battre, et ce grand battement de la concurrence. Sous les arbres, dans les fourrés, de temps en temps il y en avait un qui lançait son défi en, se faisant une voix gutturale et traînarde à la manière des hommes du pays. On s'injuriait de loin... On avait soudain la surprise d'entendre =Michel, loin en avant, là-haut. Comment avait-il fait? Puis il y avait des framboises auxquelles on ne peut résister, et qui vous faisaient perdre un temps du diable, des pierres bizarres qu'on ne pouvait pas ne pas mettre dans ses poches, de jeunes arbustes trop tentants à couper au couteau, pour faire des bâtons. Enfin mille contretemps, et mille proies qu'on se montrait ensuite, qu'on comparait, qu'on échangeait, pour lesquelles on se flanquait des peignées... Quand. on avait grimpé un peu plus d'une heure dans la forêt, on arrivait à une sorte de plateau où la végétation commençait à changer. Les sapins noirs y apparaissaient, mêlés à des mélèzes pâles. C'était là que s'ouvrait la grande clairière au sol couvert d'aiguilles, où se tenaient les conciliabules', les délibérations graves. Il y avait un arbre auquel, quand on était venu seul, on fichait un signe distinctif pour signaler sa présence, de telle sorte qu'on pouvait toujours savoir qui était dans la montagne et qu'en criant : « Hoho ! » on avait des chances d'entendre à travers les arbres la voix de =Maurice si on avait trouvé une pierre blanche dans un creux du tronc, ou celle de =Rambert, s'il y avait deux baguettes liées en croix par une ficelle. C'était dans la clairière aussi qu'on se battait, ou qu'on réglait les affaires d'honneur. Il y avait la trace des feux qu'on avait faits, des trous qu'on avait creusés, pour être la demeure de chacun, et sous de grosses pierres des cachettes inviolables s. Le jour de l'an Le jour gris n'avait pas touché nos rideaux que nous étions réveil- lés. Le craquement du fagot dans la cuisine nous disait le feu flambant. Alors, nous sautions du lit et nous courions souhaiter la bonne année à nos parents. Il n'y avait pas deux façons, depuis toujours et pour tous la même formule : « Je vous souhaite une bonne année, une bonne santé, le Paradis à la fin de vos jours. » Ajoutez la musique chantante et traînante qui donne aux mots leur goût de terroir'. Quelle impatience de courir chez la marraine, chez le parrain, les oncles et les tantes, les grands-parents! On entrait, on bredouillait sa « bonne année », on rencontrait une joue piquante, un bout de nez froid et l'on attendait ses étrennes. La bonne voix cordiale de mon parrain brodait plaisamment les mêmes variantes : « La bonne année... la goutte au nez! et le Paradis tout de suite! » Esprit de chez, nous que personne ne songeait à mépriser. Sur la longue table du poêle, une marraine soucieuse de ses devoirs avait aligné pour ses filleuls des pipes en sucre, des pains d'épice, des pralines, des oranges et de ces « papillottes » dont le papier frisé cache un gros fondant rose et une minuscule machine infernale. Les premiers arrivés choisissaient. On courait de là chez l'oncle, puis chez le grand-père, qui avait préparé son écu , et puis chez la grand-mère Nanette et puis chez la tante Soeurette, qui n'oubliait jamais l'utile. Journée d'allégresse et de politesses, remplie par les visites entre parents et voisins, après le grand échange de souhaits sur la place, à la sortie de la messe... Le soir, on recensait5 ses richesses. Les bonbons disparaissaient vite, et le chocolat, et le pain d'épice. Mais les oranges duraient longtemps. Alignées sur une tablette de l'armoire, elles attendaient qu'on vînt les chercher pour le partage ou la salade au kirsch. A force de ménager, combien ont été oubliées ! Elles se desséchaient, se ratatinaient sournoisement, devenaient de petites balles coriaces et vides, dont l'écorce sonnait comme du bois. On se promettait alors une Un trépignement dans le corridor... de grosses voix sourdes... la porte ouverte brusquement qui claque contre le mur. Voici, à reculons, le petit Flandre et Saingery, tenant la tête et les bras; voici, courbé en deux, le grand =Xavier, tenant les jambes; voici trois ombres noires dans leurs longs cabans étoilés de neige, qui en portent une quatrième, souillée de boue. Suivent les locataires accourus au bruit et tante Poncette, prévenue par un voisin. =MmeFrancolin ne bouge pas, comme pétrifiée; =Paul se blottit dans le coin le plus sombre, grelottant d'effroi. Il voit le groupe curieux des voisins, des voisines qui tendent le cou et agrandissent leurs yeux pour ne rien perdre de la scène; tante Poncette, debout près du buffet, les mains sous son tablier. Les trois compagnons et sa mère déshabillent le blessé, lui lavent le visage et la poitrine avec du vinaigre et le déposent sur le lit. Soudain, le coeur de l'enfant saute de joie. Le père vient de parler, et aussitôt Marguerite se met à sangloter. « Je crois que j'ai tourné de l'oeil, dit-il. J'ai dû recevoir une vraie claque ! » Alors les épaules courbées se redressent, les poitrines s'élargissent, un soupir sort de toutes les bouches. Xavier raconte l'accident « Nous revenions tous les quatre comme tous les soirs, le capuchon sur le nez à cause de la neige. Les barrières du passage à niveau étaient fermées; nous passions comme d'habitude par la petite porte, l'un derrière l'autre. Juste, un coucous arrive. =Flandre, qui était le premier, Je passai le pont... Je descendais vers la =Gayolle, le savais et n'en étais que plus heureux. J'y arrivai bien vite; et quand je vis se lever devant moi le bois de chênes, qui cachait le pays défendu, tout mon sang jaillit vers ma gorge. Je m'arrêtai. L'air était calme. Des bords du ruisseau, gonflé par l'eau des neiges, montait le parfum de la chicorée sauvage. =Irai-je plus loin?... Toute la plaine fraîchement labourée, avec ses bonnes maisons de guingois et l'odeur domestique des celliers et des granges, me retenait devant le pont. Mais la montagne embaumait. Je ne résistai plus. Je passai le pont. Et tout à coup je tremblai, car alors je sentis sous mes pieds le premier mouvement de la terre. Elle montait. Un brusque élan du sol me porta jusque dans le bois de chênes. Cette terre sauvage me soulevait ; d'autres pentes, d'autres tracés s'emparaient de mes pas. Je débouchai sur le bord d'une clairière éblouissante creusée dans un affaissement du sol et tout entière entourée d'arbres. Ça et là des bosquets de houx épineux en coupaient l'étendue. Pas un vol, pas un bruit. On était de l'autre côté, loin des hommes aux terres fertiles, loin du village, à cent lieues des petits foyers domestiques qui embaument le pain chaud, la braise et le savon frais. J'avais peur et j'étais pénétré de joie. Je n'osais avancer, troubler la paix de ce coin de terre attiédi dans un coin de montagne. J'entendis un bruit de pas, un froissement de branches, et j'aperçus l'âne =Culotte. C'était bien lui. Il semblait sortir d'un buisson de houx. Sans doute était-il là avant mon arrivée. D'abord il ne me vit pas. Il continua à brouter. Tout le sol était tapissé de fleurs et d'herbes. L'âne singulier s'avançait sur un tapis de primevères, de gueules- de-lion, de caille-lait et de chardons étoilés. Il était beau, de poil luisant, étrillé de frais, couvert de rosée odorante. Il leva la tête et me vit. Jamais je n'oublierai ce regard, le plus grave, le plus raisonnable regard de bête qui se soit levé jusqu'à moi. L'âne était près de moi. Il me regardait. L'âne =Culotte. Pentecôte à =I'îled'Or On a tant travaillé dans la petite école de =MPons qu'un jour de mai trois des pirates sont revenus de Cogolin en gesticulant comme des fous. Diplômés, pourvus de leur « Saint-I ficat » ! Ils avaient débusqué la réponse du problème, vaincu une dictée pleine d'embûches et raconté « le plus beau jour de leur vie » dans un style qui, mon Dieu, sans être très classique, ne manquait pas de saveur... On dit qu'un bonheur ne vient jamais seul; en effet, =Antonin en apporte un autre dans sa boîte de cuir bouilli... La nomination de =Ricou. Il doit prendre ses fonctions à l'île demain, le 12 mai. Aussi, tard dans la nuit, =Corrège et =Rappalo ont remis en état la Bélise pendant que le vieux matelot vérifiait son moteur et le graissait, bonne Mère, comme s'il devait le conduire à =Tamatave ou à =Honolulu. « Nous t'accompagnerons, =Ricou, et les pirates seront de la partie! Ils rient un brin, puis, comme il est minuit, se hâtent. Dans la petite maison rose flanquée de deux agaves, =Poutchi se retourne sur son lit comme une vive dans un aquarium. N'y tenant plus, il se lève et va dormir sur le banc de la placette. Là, au moins, il est sûr de ne pas manquer le premier coup de l'Angélus. Non seulement il l'entend, mais toutes les heures de la nuit et le murmure de son ensorceleuse Méditerranée, qui, encore et toujours, lui parle des Iles... L'aube les rosit enfin. Point n'est besoin d'aller quérir les invités, ils sont tous là à sept heures les meilleurs amis de =Ricou : =Valérie, les =Pirates, les =Linottes, la =Picasotte, portant sous le bras son sempiternel chevalet et =MPons, qui a passé en bandoulière sa boîte d'herborisation et un petit piochon. Je renonce à décrire le voyage. Quand les navires accostent, =Turlure, aidé de tous, les hale sur le sable. Le coeur de =Poutchi bat dans sa poitrine; il bat, péchère, à coups durs et serrés, presque aussi fort que lorsqu'à Cogolin il cherchait son nom sur la liste des candidats admis au « =Saint-Ificat ». S'ils osaient, les Pirates se prosterneraient sur le sol en criant « Terre ! » comme les marins de =ChristopheColomb. « Hé bé ! t'y voilà. Es-tu content? Allez ! zou 1 file voir ton île, elle t'attend!... » crie =Rappalo en aidant =Ricou à ancrer la =Bélise. Tous suivant leur chef et plus émus qu'ils ne veulent le paraître, les enfants s'engagent dans le sentier qui mène à la côte sud. Goupil le malin La terre est toute blanche, les arbres tout blancs, et dans le ciel clair les étoiles, qui scintillent durement, versent une clarté douteuse, froide et comme méchante. Les lièvres n'ont pas quitté leur gîte, les perdrix se sont rapprochées des villages, les taupes dorment au recoin le plus solitaire de leurs galeries souterraines; plus de prunelles gelées aux épines des combes, plus de pommes sauvages sous les pommiers des bois. Plus rien, rien que cette blancheur scintillante et molle en paillettes cristallines, que la gelée rend plus subtile et qui s'insinue jusqu'à la peau, malgré l'épaisseur de la toison. Le village, au loin, dort sous l'égide de son clocher casqué de tôle. Goupil s'y dirige et en fait prudemment le tour, puis, raccourcissant ses cercles, captivé par l'espoir d'un butin, s'en approche peu à peu. Pas de bruit, si ce n'est, de quart d'heure en quart d'heure, la note grêle négligemment abandonnée au silence par l'horloge du clocher ou le bruit métallique des chaînes agitées par les boeufs réveillés dans leur sommeil. Une forte odeur de chair parvient jusqu'à son nez : quelque bête crevée, sans doute, abandonnée là, et dont la putréfaction commençante chatouille délicieusement son odorat d'affamé. Prudemment, il va, rasant les murs de clôture, profitant de l'ombre des arbres, jusqu'à quelques sauts de l'endroit où il la devine gisant, masse brune sur la vierge blancheur de la neige. La maison d'en face dort profondément; la baie tranquille d'une grande fenêtre semble attester de sa solitude ou de son sommeil. Mais =Goupil est soupçonneux. Mû par sa logique instinctive, il s'élance bravement à toute vitesse dans l'espace découvert et passe sans s'y arrêter devant la charogne, les yeux fixés sur la fenêtre suspecte. Un autre que lui n'aurait rien remarqué; mais le regard perçant du vieux sauvage a vu briller, au coin supérieur d'une vitre, un infime reflet rougedtre, et c'en est assez, il a compris. L'homme, là derrière, peut armer son fusil et se préparer à tirer : les plombs ne Ne nous oublions jamais jamais. » Et elle les lâcha. Elle les suivit jusque sur le bord de l'eau et les regarda s'éloigner de la rive en nageant. Ils évoluaient sur la surface de leur étang natal, leurs petites têtes rondes l'une près de l'autre comme toujours le robuste =Chilawee, jovial, hardi et entreprenant, à côté du doux Chikanee, pensif, aimable et tendre. Pour =Sajo, ils seraient toujours « les Petits ». Comme ils approchaient de cette grande forteresse de terre qui se dressait de l'autre côté, =Longue-Plume fit entendre un cri net et prolongé, le cri du castor qui cherche ses compagnons. Une seconde fois l'appel résonna comme une note de musique dans le silence, puis une troisième. Alors une tête noire parut soudain sur la surface de l'eau, puis une autre ; de grosses têtes au pelage sombre suivies de gros corps couverts de fourrure brune. Sajo retint son souffle; c'était justement ce qu'elle avait tant souhaité voir sans oser l'espérer : à l'appel de =Longue-Plume, le père et la mère venant à la rencontre de leurs petits ! Tout se réalisait. Les gros castors se dirigeaient lentement vers =Chikanee et =Chilawee. Ils tournèrent autour d'eux une ou deux fois, les flairèrent en modulant des sons graves et vibrants, puis se mirent à nager avec eux, grosses têtes et petites têtes maintenant réunies. Ils nageaient régulièrement, rapidement - ah ! bien trop rapidement ! et continuaient à s'éloigner en laissant derrière eux de longs sillages en forme de =V. Une ou deux fois on put entendre le faible son lointain de voix enfantines, et toutes les têtés brunes, les grosses se rapprochant des petites, diminuèrent jusqu'au moment où, tout près de la hutte, elles plongèrent l'une après l'autre et ne reparurent plus. Gros Petit et Tout Petit étaient revenus chez eux. Et =Sajo demeura immobile, pareille à une statue multicolore avec sa robe de tartan aux teintes vives, ses jolis mocassins, son châle rejeté sur les épaules et ses nattes d'un noir luisant qui brillaient à la clarté du soleil couchant. Les lèvres entrouvertes, le regard =étincelant, elle resta à considérer le petit étang jusqu'à ce que la dernière petite tête brune eût disparu et que la dernière ride de l'eau se fût effacée. Mais le =Limousin, intrigué par ce que le =Périgourdin portait sur la tête, ne résista pas à la démangeaison de lui demander « Que diantre promenez-vous là? - Où? - Sur votre chapeau. On dirait du vin, et du bon ! car je le sens à trois pas ! - Ah ! je n'y pensais plus ! Excusez! J'ai là un chapeau qui, deux fois par jour, produit une grande Pinte de vin - C'est un miracle ! - Si vous voulez ! C'est surtout un désagrément ! - Un désagrément? - Oui ! En Périgord, nous avons assez de vignes sans que nos chapeaux se mêlent de nous fournir du vin ! J'ai celui-là, bon ! Je le garde... Mais j'aimerais qu'il restât comme les autres. Tenez goûteze une gorgée! - Et moi, dit le Limousin, après en avoir bu un grand trait qui lui fit instantanément mûrir les oreilles, et moi, je voudrais bien que le mien fût comme le vôtre ! Bigre ! votre vin est meilleur que l'eau de mon puits ! - Buvez donc ce qui en reste ! Ce soir, au coucher du soleil, il sera de nouveau rempli à ras bord. » Le Limousin but ce qui restait du vin et, se coiffant du chapeau, dit : « Il me va bien. Vendez-le moi ! - Pour vous faire plaisir et m'en débarrasser, j'accepte. Trente écus! - Prenez plutôt la paire de vaches! - Marché =conclu. pour vous être agréable ! » Ils se tapèrent dans les mains. Le =Périgourdin s'en alla avec les vaches maigres. Et le Limousin, impatient du coucher du soleil qui remplirait le chapeau, envoya chercher de la cannelle à Sarrazac, car il voulait offrir un vin chaud à toute la famille. Fiançailles =Georges a été sauvé =Par le roi =Loc et il retrouve =Abeille. Il se fit un grand silence et =Abeille parut en robe blanche, ses longs cheveux épars. Sitôt qu'elle vit =Georges, elle courut se jeter dans ses bras. Alors le roi =Loc lui dit : « =Abeille, est-il vrai que voilà l'homme que vous voulez épouser? - Il est vrai, très vrai que le voilà, petit roi =Loc », répondit =Abeille Le roi Loc monta sur une table de pierre à une extrémité de laquelle étaient rangés des buires, des flambeaux, des hanaps et des coupes d'or fin, d'un travail merveilleux. Il fit signe à =Abeille et à =Georges d'approcher, et dit « =Abeille, une loi de la nation des =Nains veut qu'une étrangère reçue dans nos demeures soit libre au bout de sept ans révolus. Vous avez passé sept années au milieu de nous, =Abeille; je serais un mauvais citoyen et un roi coupable si je vous retenais davantage. Mais, avant de vous laisser aller, je veux, n'ayant pu vous épouser, vous fiancer moi-même à celui que vous avez choisi... =Abeille des =Clarides, princesse des =Nains, donnez-moi votre main; et vous, =GeorgesdeBlanchelande, donnez-moi la vôtre. » Ayant mis la main de =Georges dans celle =d'Abeille, le roi =Loc se tourna vers le peuple et dit d'une voix forte « Petits hommes, mes enfants, vous êtes témoins que les deux qui sont là s'engagent l'un l'autre à s'épouser sur la terre. Qu'ils y retournent ensemble et y fassent ensemble fleurir le courage, la modestie et la fidélité, comme les bons jardiniers font éclore les roses, les oeillets et les pivoines. » A ces mots, les =Nains poussèrent de grands cris, et, ne sachant s'ils devaient se plaindre ou se réjouir, ils étaient agités de sentiments contraires. Le roi Loc se tourna de nouveau vers les fiancés, et, leur montrant les buires, les hanaps, toute la belle orfèvrerie « Voilà, leur dit-il, les présents des =Nains. Recevez-les, =Abeille, ils vous rappelleront vos petits amis ; cela est offert par eux et non par moi. Vous saurez tout à l'heure ce que je veux vous donner. » Il y eut un long silence. Le roi =Loc contempla avec une expression magnifique de tendresse Abeille, dont la belle tête radieuse s'inclinait, couronnée de roses, sur l'épaule du fiancé.