&&000 FRANCE -- 2ND GRADE – 1950S FR-2ND-50S.TXT SAMPLES FROM 3 PUBLISHERS: HACHETTE; NAT..; LECOLE N=27 PAGES, FILE SAVED AS IN UTF-8 FORMAT Re-edited 18 may 05 &&111 =Elsa écarta ses jolis petits doigts roses. Le vieillard toucha chacun des dix petits doigts ; à mesure qu'il les touchait, il appelait « Main droite : « Pouce, Index, Médium, Annulaire, Auriculaire! » Et à chaque fois qu'il touchait et nommait un doigt une des petites fées inclinait la tête. Il reprit : « Main gauche : « Pouce, Index, Médium, Annulaire, Auriculaire ! » Et les cinq petites fées restantes inclinèrent la tête. - Hop ! cachez-vous dit le vieillard. Hop ! Hop Les petites fées sautèrent sur les genoux =d'Elsa, puis sur ses mains, et ouste !. elles se cachèrent toutes dans ses jolis doigts roses, une fée pour chaque doigt !. Et le vieillard disparut. =Elsa restait assise à regarder ses mains, bien étonnée, vous pensez ! Mais, bientôt, les petits doigts commencèrent à remuer. Les petites fées n'étaient pas habituées à rester tranquilles et elles avaient peur de s'ennuyer. =Elsa se leva et s'approcha de la huche, et voilà les petites fées qui mesurent la farine, pèsent le sucre, les veufs et le beurre, pétrissent la pâte et la mettent au four plus vite que vous ne pouvez croire et quand le gâteau fut cuit, il était excellent ! Puis les petites fées prirent le balai et le plumeau, et en un clin d'ceil la maison fut propre. Ainsi de suite toute la journée. =Elsa allait d'un coin à un autre, et les petites fées faisaient tout le travail. Quand la servante vit que sa maîtresse travaillait si bien, elle se mit à travailler aussi, et bientôt le ménage fut fait si bien et si vite =qu'Elsa eut de nouveau du loisir pour rire et pour chanter. Il n'y eut plus de pleurs ni de gronderies dans la maison. Le mari =d'Elsa était si fier de sa femme qu'il disait à tous ses amis - Ma grand-mère était très bonne ménagère et ma mère était aussi excellente ménagère, mais ma femme les surpasse toutes les deux Elle n'a qu'une servante, mais, à voir comment le travail se fait, vous pourriez croire qu'elle a autant de servantes qu'elle a de doigts Quand =Elsa entendait cela, elle se mettait à rire, mais elle ne parla jamais des petites fées à personnel - 169 - - Ah ! bonjour, Lièvre ! Je suis très heureux de te rencontrer. Figuretoi que je te cherchais depuis plusieurs jours, car je voudrais te montrer une chose que tu n'as jamais vue, et que ton père a toujours ignorée, et aussi le père de ton père. - Mais quoi donc? - Un arbre qui parle. - Un arbre qui parle? Tu te moques de moi, =Hyène. En vérité, =Hyène, tu te moques de moi. - Par la bouche de ma mère, je te jure, Lièvre, que je puis te montrer un arbre qui a de la voix comme toi et moi. Mais à une condition - =Laquelle? C'est que, lorsque tu le verras, tu cries bien fort : « Oh 1 voilà un arbre qui parle ! » Si tu ne le disais pas, l'arbre serait vexé et il te frapperait de ses branches. » Le lièvre remua l'une après l'autre ses longues oreilles. « Que faudra-t-il dire exactement? Répète un peu, =Hyène. Car, tu le sais bien, j'ai la tête dure et ma mémoire n'est pas solide. - Quand tu verras l'arbre géant, reprit l'hyène, tu crieras bien fort « Oh voilà un arbre qui parle ! » Ce n'est pas difficile, et il n'est pas nécessaire d'avoir une bonne mémoire pour s'en souvenir! - Un arbre qui parle répéta le lièvre. C'est bon ! Je crois que je me le rappellerai. Et maintenant, =Hyène, partons I » Ils partirent tous deux et arrivèrent bientôt dans la clairière. « Oh ! s'écria le lièvre, un arbre qui pa. - Eh bien ! Lièvre, finis ta phrase ! - Un arbre qui pa... - Mais quoi ? Veux-tu répéter ce que je t'ai dit ! - En vérité, je ne m'en souviens plus ! Un arbre qui pa =Maudite mémoire. Un arbre qui pa qui pa qui pa. - Un arbre qui parle, imbécile 1 cria l'hyène, furieuse, oubliant toute prudence. A peine avait-elle prononcé ces mots qu'elle tombait assommée, et, cette fois, l'arbre ne la réveilla point. =YSENGRIN, GOUPIL ET LES JAMBONS Un jour, le Soleil dit à l'Hiver : «Cela suffit. Assez gelé ! Le froid est trop dur aux pauvres gens. Maintenant c'est à mon tour, fais tes bagages et va-t-en. Un deux trios. Je resplendis. Bonjour! Voici les beaux jours ! » Alors la neige fondit. Et les ruisselets chantèrent « Sire Soleil, grand merci ! » La Fauvette fit son nid, et l'on vit pointer les primevères. « Qu'est-ce que ça peut me faire ! dit =Ysengrin le loup à Goupil le renard. Les loups ne s'engraissent point d'un rayon de soleil. - Mon oncle .! Regardez ! Car je crois que je vois là-bas de quoi satisfaire votre faim et la mienne. - Où ça donc? Je ne vois rien. - Chut ! Taisez-vous ! Ce paysan, là-bas, ne porte-t-il pas sur l'épaule deux énormes jambons gras'? - Oui, c'est vrai ! Mais comment faire? - Ne vous inquiétez pas ! Goupil en fait son affaire. Pour vous, contentez-vous de me suivre de loin. Puis, écoutez bien. Dès que ce brave homme posera ses jambons, car il les posera à terre, je vous le dis, faites un bond, prenez-les et courez jusqu'à votre maison. Plus tard, j'arriverai, et nous partagerons. -Bon!» Aussitôt dit, aussitôt fait. =Goupil quitte =Ysengrin, se hâte sur le chemin. Et, tout à coup, prenant une démarche lasse, langue pendante, l'oeil éteint et la queue basse, il s'avance et s'approche du paysan. Ta robe est courte, tes jambes sont longues, tu voles mal, et puis tu ne saurais pas trouver la nourriture qui me convient. Le héron partit. Mais, un peu plus tard, la grue se mit à réfléchir. « Pourquoi vivre seule?, pensa-t-elle ; on s'ennuie, on ne peut parler à personne, il vaut mieux que je me marie avec le héron. » - J'ai réfléchi, dit-elle, je veux bien me marier. Mais le héron avait changé d'avis. - Non, grue, je ne veux pas me marier avec toi. Tu m'as refusé l'autre jour, maintenant tu peux partir. La grue, humiliée, partit en pleurant. Le héron réfléchit et se dit « Que je suis bête, après tout ! Pourquoi ne me marierais-je pas avec la grue? 11 n'est pas bon de vivre seul ! Retournons voir la grue. » Il alla donc la voir et lui dit Eh bien ! grue, j'ai changé d'avis, marions-nous. Mais la grue était fâchée, elle boudait. - Va-t-en, maladroit, je ne veux pas me marier. Le héron, penaud, s'en alla. Mais la grue regretta encore une fois son refus. « Pourquoi l'ai-je renvoyé? Mieux vaut encore nous marier. » Elle s'en fut retrouver le héron, mais il ne voulut rien entendre. Et depuis le, héron et la grue continuent à tourner autour de la mare. Ils se demandent tout le temps en mariage et ils n'arrivent jamais à se marier. - Hop ! Je suis un drôle de lapin ! Hop ! Hop ! Je suis un drôle de lapin ! Hop ! Hop ! Je suis... Il n'acheva pas. Une main le saisit, mais n'attrapa qu'une seule oreille, puisque l'autre pendait sur le côté. Le corps de Janot, se balançant, tirailla cette oreille de tout son poids ; cela lui fit si mal qu'il poussa des cris aigus jusqu'à l'arrivée à la cabane. Maman lapin en eut des battements de coeur et =Janot secoua toute la soirée son oreille rouge qui paraissait prête à saigner. Vous pensez que cette aventure lui servit de leçon ? Pas du tout ! Dès le lendemain, il trottinait en balayant le sable de son oreille. Mais, un soir, autre catastrophe! Les enfants étaient pressés. =Janot entra le dernier au clapier. La porte fut refermée vivement, et la fameuse oreille qui pendait toujours fut pincée dans la jointure de la porte. Quelle nuit passa Janot ! Seule, la pointe de l'oreille était prise, mais, dès qu'il remuait, il avait très mal ; il lui fallut rester immobile, la tête penchée pour ne pas trop souffrir. Enfin, sur le matin, n'en pouvant plus de fatigue et ayant attrapé un torticolis, il s'agita, tira, tira plus fort. Enfin, il arracha la précieuse oreille en la déchirant ! Un petit cri aigu avertit maman lapin de la délivrance douloureuse. Ah ! =Janot redresse ses deux oreilles maintenant il n'a pas peur de ressembler aux autres lapins ! Il a gardé une petite fente à la pointe de son oreille gauche c'est un souvenir de son espièglerie de jeune lapin. AU PAYS DES CHANSONS Mignonne vivait avec son père et sa mère dans une jolie maison au milieu de la forêt. =Mignonne aimait bien sa forêt ; les arbres, les oiseaux étaient ses amis ; elle allait des uns aux autres, riant, sautant et babillant avec Cuicui, un petit oiseau bleu, son ami et son confident. C'était l'automne, les feuilles pourpres ou dorées faisaient une parure royale à sa chère forêt. =Mignonne marchait vite, si vite qu'elle arriva dans un endroit de la forêt où elle n'était jamais venue. Elle grimpa à un arbre pour regarder aux alentours et voir quel pays il y avait par là et voici, tout à coup, =Mignonne entendit une chose que jamais elle n'avait entendue écoute, Cuicui, ce bruit étrange et doux, tantôt faible, tantôt fort, qu'est-ce donc? Alors elle descendit vite de son arbre et courant vers sa maison, elle essayait de garder dans son coeur cette chose merveilleuse entendue là-bas, sur les ailes du vent. Hors d'haleine, elle rentre conter sa découverte à ses parents. « Oui, lui dit son père, là-bas où le soleil brille, les hommes chantent ; ce que tu as entendu, c'est le bruit de leur musique, de leurs chansons. Là-bas, les oiseaux gazouillent, l'eau babille, la brise murmure, les enfants chantent ; ici, c'est le pays de l'ombre, du silence, « Toutes les elfes du pays! pense =Joyeuse, alors moi aussi ! Mais je ne suis qu'une gardeuse d'oies ! Que faire ? » Toutes les elfes que Joyeuse rencontre étaient très occupées à préparer leur toilette, de jolies toilettes comme en portent les elfes pour la fête du printemps sur la lande. Chaque année, =Joyeuse va à la fête du printemps, mais à la nuit tombante car elle n'a jamais eu de belle robe ; elle y va avec sa robe fanée et danse sous les grands sapins, là où les rayons de lune éclairent faiblement. L'air triste et soucieux, =Joyeuse garde son troupeau sur la lande fleurie. Que faire? Elle ne peut laisser son troupeau pour aller à la fête, non, elle ira quand toutes ses oies seront rentrées. Malgré la nuit, il faut une jolie robe, car ce sera une belle fête toute scintillante de lumières. J'ai une idée ! Oh ! une idée merveilleuse ! J'aurai une toilette digne de cette belle fête ! Et voilà que la petite gardienne d'oies saute, s'agite, bat des mains, rit aux éclats. Ses oies font cercle autour d'elles ; leur petite gardeuse, toujours silencieuse, serait-elle devenue folle et tapageuse comme ses oies? Les oies sont tellement étonnées qu'elles restent muettes, immobiles. - Rassurez-vous, mes amies, je ne suis pas folle, ou plutôt si, mais folle de joie ! Ne me regardez pas ainsi ; j'ai trouvé le moyen d'avoir une jolie robe pour la fête de ce soir. « Sur ma robe fanée, je vais coudre des fleurs de la lande et j'irai à la fête du roi. « Soyez sages, mes petites oies, pour que je puisse cueillir et coudre les fleurettes dont j'ai besoin. » - Mais les ours ne mangent pas leurs frères ! » - Tu vas voir! rugit l'ours. Et il ouvrit une bouche comme ça. Pif ! Paf ! Au même moment un bruit terrible éclata. Un éclair brilla. Le gros ours tomba comme une masse. Un chasseur qui passait venait de le tuer d'un coup de fusil. « Oh s'écria le pain d'épice en reculant avec terreur. Je ne veux plus être un ours ! » Et vite il s'enfuit de la forêt et courut, courut sur la route, jusqu'à la place du village. La nuit tombait, la foire était finie, il n'y avait plus personne. Mais le petit ours retrouva la vieille' baraque et put se glisser sous la toile qui recouvrait les pains d'épice. « Oh là là! Quelle aventure ! dit-il aux cochons. Figurez-vous. » Mais personne ne répondit : les cochons dormaient tous, couchés sur la table, et ils ronflaient en choeur. Alors le petit ours poussa un gros soupir, s'étendit, ferma les yeux, et bientôt plus rien ne bougea sur la place du village. Mais; nous ne rêvons pas cependant, de nouveau les gradins se peuplent, les- voûtes retentissent d'appels. Ce ne sont plus les légionnaires romains d'autrefois, mais le bon peuple d'Arles qui vient se divertir à la prise de cocarde. La porte du toril (i) s'est ouverte : le premier « toro » s'élance. C'est le vieux Carabinier; il a déjà combattu dans l'arène, il mesure de l'oeil, sans effroi, la piste immense et, les naseaux frémissants, ses longues cornes se découpant sur le ciel, il regarde de ses gros yeux flamboyants la foule qui l'excite. Fièrement, entre ses cornes splendides, il arbore la cocarde, et il semble dire d'un air de défi : qu'on vienne me la prendre ! Un cocardier a bondi devant lui, souple, rapide. Et la lutte commence. L'homme et la bête elle, usant de sa force brutale, lui, comptant sur sa ruse et son adresse. Le toro fonce, cornes en avant. Le cocardier d'un pas de côté l'évite. Le toro fonce de nouveau, son mufle rasant le sable : d'un saut, l'homme a passé par-dessus. Et ce sont des bravos ! Mais Carabinier redresse crânement sa cocarde. L'homme, pour l'attirer, fuit à reculons, à, petits pas, agitant un lambeau écarlate. Le toro affolé se précipite ; d'une savante volte-face, le cocardier s'est détourné, mais, cette fois, d'un geste hardi, bondissant comme une panthère, il décroche la cocarde. La foule est debout ! On rit, on crie, on acclame, on agite des mouchoirs. Les vieilles arènes sont toutes vibrantes de vie et de jeunesse éternelle. En Camargue Curieux pays que celui-ci ! Une plaine immense, couverte de hautes herbes et de roseaux. Partout des sables où brillent des paillettes de sel, des marais où ronflent des armées de moustiques. Et de grands étangs, miroirs d'eau mystérieux où se reflète le ciel. De loin en loin, un bouquet de pins ou de tamaris. Partout le printemps à pleines mains a semé ses fleurs les salicrones et les saladelles, les asphodèles et les arroches et ces blanches anémones, qui ouvrent leurs petites étoiles jus-qu'au bord des vagues. Çà et là scintillent les « sansouires », où le soleil a bu l'eau de la mer, laissant une croûte de sel que le soleil boursoufle et lustre et qui craque et vous éblouit. L'oeil s'arrête sur un mas clôturé de roseaux avec son bouquet d'oliviers, sur une bergerie vide et triste - car les moutons sont là-haut dans les Alpages. Quel silence! Voici un petit mas au milieu des grandes herbes, avec ses barrières de roseaux, les grands roseaux des marécages toujours bruissants. Son grand toit s'abaisse... =ACQUES. - Regardez tout en haut : une corne de taureau ! - C'est la maison du guardian et le voici lui-même sur sa blanche cavale, la casquette ombrant son visage brûlé de soleil. - Bonjour, guardian ! Nous admirions votre belle bête ! LE GUARDIAN. - Une belle bête ! Et qui sait courir ! Si vous voulez en juger, suivez-moi à la manade. =HANTAL. - Qu'est-ce que la manade, guardian? LE ,GUARDIAN. - C'est le nom qu'on donne à notre élevage de taureaux et de chevaux qui vivent librement dans ces vastes prairie. Les fleurs d'or Reculons un peu en arrière sur le chemin du Temps. Le mas est tel qu'aujourd'hui, les arbres plus feuillus car l'été s'épanouit. On a fini la moisson. C'est « la saison d'aires ». On foule les gerbes ; chevaux et mulets piétinent les épis, pleins d'ardeur. Vingt hommes sont là, manches retroussées, qui, au pas, vont, retournant les épis, soulevant la paille avec des fourches de bois. On dirait, au i soleil, quelque figure de ballet rustique. Voyez le maître, sa haute taille dominant les autres travailleurs. - Allons, souffle, souffle, mignon. Et le mistral souffle, emportant la fine poussière et le blé tombe en averse. Tableau champêtre digne du pinceau de Millet (i). Voyez-vous ce petit bonhomme, pas plus haut que ça, qui court dans les chaumes? Il porte encore une robe : quatre, cinq ans, sans doute. Où va-t-il là-bas? Vers le Fossé-du-Puits-à-roue. Suivons-le, voulez-vous ?... C'est qu'il est bien attirant, ce fossé! « Des poissons qui passent, par bandes des demoiselles vertes, bleues, noiraudes. Que, dou- cement, tout doucement, lorsqu'elles se posent sur les typhas (2), on saisit de ses petits doigts, quand elles ne s'échappent pas, légères, silencieuses, en faisant frissonner le crêpe de leurs ailes. Des grenouilles qui sortent de la mousse une échine glauque chamarrée d'or. Un fouillis de plantes aquatiques. Et surtout les fleurs de glais ! Cette grande plante avec ses longues feuilles cultriformes (3) et ses belles fleurs jaunes qui se dressent sur l'eau comme des hallebardes d'or.» Ce sont ces belles fleurs d'or qui attirent notre petit bonhomme. Le voilà arrivé au fossé bien avant nous. - Aïe! Aïe! serait-il tombé à l'eau? Courons vite. La mère accourt. Quelques claques. Elle pousse vers le mas le petit gars, penaud, « trempé comme un caneton ». « Que je t'y voie, encore, vaurien, vers le fossé! - J'allais cueillir des fleurs de glais. - Oui, va, retournes-y cueillir tes glais et énèore tes glais. Tu ne sais donc pas qu'il y a un serpent dans les herbes caché, un gros serpent qui hume les oiseaux et les enfants, vaurien? » Quand Marthe filait =ÈRE-GRAND. - Morts les mûriers, morts les magnans. Plus ne chantent à la feuille les brunes magnanarelles. Plus ne disent leurs romances les mères-grands au décoconnage. C'était du temps où Marthe filait et ce temps n'est plus. Il y avait de si jolies coutumes dans ce temps-là! Il me semble qu'on prenait mieux son temps de vivre. Savez-vous quels cadeaux faisait la marraine à son filleul nouveau-né? Un pain, un veuf, du sel, une allumette.. =ERNARD. - Voilà de singuliers cadeaux, « ma grand». =ÈRE-GRAND. - Mais ces cadeaux avaient un grand sens, pichoun. On souhaitait à. l'enfant d'être sage comme le sel, bon comme le pain, plein comme l'ceuf, tête pleine de bonnes pensées, coeur plein de bons sentiments, d'être enfin droit et bien fait comme une allumette. Et le petit bonhomme poussait à l'abri des cyprès, sous l'ombre des platanes et des micocoules. Ou bien, prisonnier dans sa boîte pendue au mur, près de la cheminée, il suivait de ses grands yeux curieux les allées et venues de sa mère dans la vaste cuisine. Bientôt, il accompagnait les laboureurs, puis les moissonneurs et regardait, d'un oeil extasié, ' flamber les feux de la Saint-Jean, où les branches des genêts, dépouillées des cocons, pétillaient et lançaient des étincelles, comme une pluie d'étoiles. Un beau jour encore que la =aint-Eloi, la fête des agriculteurs. Y assister, pour un petit gars de Provence, c'était une joie de Paradis. Ce jour-là, M. le curé bénissait les bêtes : ânes, mulets, chevaux, tous harnachés de neuf, à qui sera le plus reluisant. Et les gens faisaient bénir le pain bénit, ce délicieux pain bénit parfumé à l'anis et doré avec les neufs que sa forme de couronne faisait appeler tortillade. Le plus beau de tout, c'était la =CharretteRamée. Figurez-vous, pichot, un chariot, tout décoré de verdure, attelé de quarante ou cinquante bêtes... =CHRISTIAN. - Cinquante bêtes ! =MÈRE-GRAND avec des housses brodées, des plumets, des petits miroirs brillants. La =CharretteRamée prenait part à la procession, escortée de la A l'ouliveto LE JARDINIER. - Voici mes deux filles Laure et Clémence. Venez, fillettes, toute une bande de petits visiteurs pour vous. C'est à vous de leur faire l'honneur de notre maison. =LAURE. - Bonjour, les amis ! C'est gentil à vous de nous faire visite. Ce que nous avons de plus beau, ce sont nos oliviers, n'est-ce pas, papa? Allons à l'olivette. =LEJARDINIER. - J'ai fini mon travail au jardin, je veux bien. A l'ouliveto! Ce n'est pas loin, un peu plus haut, au pied des Alpilles, ces jolies montagnettes bleues embaumées de lavande. =CLÉMENCE. - Peut-être que nos amis ne connaissent pas les oliviers ? =CHRISTINE. - Oh! si, nous avons vu les premiers entre Grasse et Nice, de beaux oliviers sur toutes les collines. =LEJARDINIER. - Ah! les oliviers de là-bas, ce sont des élégants. Les nôtres, péchère, subissent les rudes assauts du mistral. Ce sont des lutteurs. Ils ont l'air plus rabougris, avec des troncs trapus, tordus, mais ils ne sont pas avares de leurs olives, nos bons oulivié. =JACQUES. - Les oliviers demandent-ils beaucoup de soins? =LEJARDINIER. - Té, mon bon, rien ne vient tout seul ! En ce moment, nous leur laissons faire leur travail : les olives commencent à s'allonger. Mais on les a bien soignés cet hiver. D'abord, on les taille, tous les deux ans seulement, c'est pourquoi leurs branches s'évasent en corbeille. L'année de la taille, il ne faut pas compter sur une bonne récolte, mais l'année suivante, si rien n'y contrarie, bonne Mère, c'est une bénédiction! Ça s'annonce bien cette année, mais la sécheresse menace. L'oulivié es annadié, cargo pas touti lis an : un cop, Fa la secaresso, un autre cop lou gèu, un autre cop la brèino. L'olivier n'est pas chargé tous les ans : une fois il y a la sécheresse, une autre fois, le gel, une autre fois encore la gelée blanche. =CHRISTIAN. - A quelle époque les taille-t-on? Le bon Roi =René La cathédrale Saint-Sauveur. C'est une curieuse vieille église où chaque siècle a laissé sa marque. Passons par le cloître, pure merveille de style roman. Quel silence sous ces arcades aux élégants chapiteaux ornés de fines sculptures ! Que de souvenirs dorment à l'ombre de ces vieilles pierres ! Se souviennent-elles, les vieilles pierres, de cette journée de l'an =1437? Les cloches sonnent à toute volée, là-haut, dans la tour =bour =gnnante. Voici venir le clergé en grande pompe, dans le chatoiement des chapes d'or et la procession pittoresque, bannières au vent, ces bannières des confréries, chacune arborant son outil et son saint : rabot des menuisiers, ciseaux des tailleurs, peigne des cardeurs, balance des marchands ; le saint Eloi des agriculteurs, le saint Pierre des pêcheurs. Le long cortège va, au chant des cantiques, par les rues étroites où, à chaque coin, sourit quelque madone dans sa niche fleurie d'un frais bouquet, comme aujourd'hui encore. En l'honneur de quel personnage, cette solennelle procession qui ferment les châsses d'or des reliques saintes? Le brave peuple d'Aix va au-devant de son roi, le bon roi =René, ce roi malheureux que Louis =XI, roi de =France, vient de déposséder de son Anjou et qui déjà a perdu son royaume de =Naples. Il ne lui reste plus que sa =Provence. Ses Provençaux se réjouissent de le voir et, comme souhait de bienvenue, lui offrent cent mille florins pour l'aider à regonfler sa bourse, per la remontar, dit leur langue chantante. Aussi le roi =René toujours aima sa bonne ville =d'Aix. Il a mis à l'orner tous ses derniers espoirs Et fait couler partout l'abondance et la joie De la cave au jardin, des greniers aux pressoirs... Dans le =JardindesSouvenirs, allons rendre visite au bon roi =Réné. N'est-ce pas lui, vêtu comme un simple bourgeois, car il méprise la soie et l'or? Qu'il est matinal ! Deux lévriers l'accompagnent. Il se promène dans ses vergers dont il est fier, surtout de ses cerisiers qui croulent sous leur floraison neigeuse. Un grand nom Un grand nom flotte sur cette côte guerrière =Napoléon. Nous sommes en =1793, en pleine Révolution. Voyez ces vaisseaux qui s'avancent dans la rade et bloquent le port :.ils battent pavillon anglais. Les =Provençaux, fidèles au roi que la Révolution vient d'envoyer à l'échafaud, ont livré leur port à =l'Angleterre. Mais voici venir l'armée de la République. Ses gros canons font pleuvoir leurs boulets sur les vaisseaux anglais. Du fort de =l'Aiguillette, ils tombent dru comme grêle, au commandement d'un tout jeune officier d'artillerie qui porte la victoire dans ses yeux. Connaissez-vous ce visage pâle, ce regard ardent, ces longs cheveux noirs au vent? C'est =Bonaparte, venu de là-bas, de cette grande île de Corse aux maquis mystérieux. Cette victoire de =Toulon ouvre au jeune officier la route de la gloire. =Nice, somnolente dans la douceur de sa baie des =Anges, le voit passer avec le chapeau de général, entraînant notre armée =d'Italie sur les chemins fleuris de lauriers. Et =Nice lui donne un de ses meilleurs fils, =Masséna, l'enfant chéri de la victoire. Trois années ont passé. Un beau vaisseau quitte la rade et s'en va, majestueux, dans le soleil. Un cortège de navires glisse dans son sillage, voiles frémissantes. Cet officier, sur le pont, ses yeux perçants tournés vers le large, vous l'avez reconnu : c'est =Bonaparte. Il fait voile vers =l'Egypte, =l'Egypte du =Nil où rêvent les ibis roses, =l'Egypte des Pyramides hautaines et des sphinx mystérieux. Il va à la conquête du pays des Pharaons pour en chasser =l'Angleterre, notre ennemie d'alors. Tout son être tendu par le désir, il cherche déjà dans le lointain les palmiers du =Nil. Au loin disparaît le dernier vaisseau. Et le temps fuit. La =Corniched'Or N'est-ce pas un chemin de Paradis, cette belle route qui suit le bord de la mer, dans le dessin capricieux de ses baies et de ses pointes? Et les haltes dans ces bijoux de petites villes qui semblent jouer à qui sera la plus belle, dames d'honneur de leur reine, =Nice-la-Jolie! La =Napoule et Le =Trayas, =Anthéor, =Agay, =Boulouris, petites villes aux noms chantants qui se déploient, en chatoyant cortège, le long de la =Corniched'Or. La côte se découpe en mille échancrures, dessinant sur le bleu de la mer « sa dentelle d'écueils », roches rouges d'un vif éclat sous le soleil. Ce sont les monts de =l'Estérel, toujours en lutte avec les vagues, de vieilles, vieilles montagnes, tout usées, aux teintes si riches sous leur couronne de pins maritimes. Il y a bien, bien longtemps, ce rivage était rattaché aux deux grandes îles de =Corse et de =Sardaigne, mais, dans le grand duel de la roche et des eaux, c'est la mer qui fut le vainqueur. Cette plage de sable fin, ces quais très fiers de leurs palmiers, c'est =Saint-Raphaël, en tête du cortège, toute souriante en ses atours. La mer, toute bleue, « fait miroir » (i). Saluons en passant =Sainte-Maxime qui se chauffe en plein midi, au pied de ses collines boisées. Juste en face, cette petite ville aux toits roses, c'est =Saint-Tropez, le village des pêcheurs. Elle attend notre visite. La mer a creusé là un golfe très abrité. Ces montagnes qui se haussent sur le bleu du ciel, ce sont les =Maures, de très vieilles montagnes aux roches d'un beau noir luisant pailleté de mica. =Saint-Tropez. Faisons halte sur les quais. Voyez le môle s'avancer hardiment dans la mer. Son phare porte un feu rouge que les matelots cherchent des yeux dans les nuits sombres. Ces murs massifs que vous apercevez, là-bas, à votre gauche, ce sont les restes de la citadelle, avec les deux grosses tours postées en sentinelle. Ils nous disent, ces murs, que Saint-Tropez est un vieux port, le premier de toute la côte, qui eut souvent à se défendre. Longtemps, longtemps, il lutta contre les Maures, des païens, frères de ceux que combattait jadis le brave Roland. Ils avaient établi leurs nids de vautours dans les maquis de ces montagnes des Maures dont le nom veut dire : sombres. Le diablotin trompé par un paysan. Un-jour que =Perrinet cultivait son champ, il vit venir i lui un diablotin qui, durement, lui dit : - a Ce champ est à- moi, comme toute la terre. Aussi, je veux que tu me donnes la moitié de la récolte, sinon, rien ne poussera dans tes sillons. - Bien, dit =Perrinet, qui avait quelle part veux-tu? - Nous ferons deux lotsdans l'un, ce qui sortira de terre; dans l'autre, ce qui restera sous terre. Je choisis ce qui sera sous terre. A quand la récolte? - A la mi-juillet. - Bien, je m'y trouverai; en attendant, travaille, =Perrinet travaille =Perrinet laboura, sema, hersa. Après les pluies, le blé leva, grandit, les épis se for-; mèrent; ils mûrirent, ils jauniren et la mi-juillet arriva. Le diablotin reparut. Allons, =Perrinet, moissonne. Nous partagerons ensuite. Perrinet prit sa faux et se mit au travail. Ses deux fils l'aidèrent : pendant qu'il abattait les épis lourds de grain, ils les liaient en gerbes qu'ils mettaient en meules. Derrière eux trottait le diablotin; dès qu'un épi avait été fauché, il se hâtait d'en arracher ce qui restait. Il fit ainsi un grand tas de chaume. La moisson finie, le cultivateur enleva ses gerbes, les rentra dans sa grange, les fit passer sous le fléau et plaça son blé dans des sacs qu'il porta au marché. Le diablotin y porta aussi ses bottes de chaume; mais tandis que Perrinet vendait sans peiné sa part de récolte, le diablotin ne tira pas un sou de la sienne. Les deux blessés. Ils s'étaient bien battus chacun pour sa patrie Et maintenant, la chair déchirée et meurtrie, Ils gisaient là, le =Russe et le =Français, mourants! La plaine et le silence alentour étaient grands. Tous deux, un même mot différent sur leur lèvre, Se regardaient mourir, de leurs yeux pleins de fièvre, Sans pouvoir échanger l'adieu, ni le secours. Les heures se passaient, ils respiraient toujours. Ils s'endormirent, seuls, sous la nuit glaciale. 3. Au milieu de la nuit, levant sa tête pâle, L'un des deux regarda l'autre : l'autre était mort. Mais, avant de mourir, par un sublime effort, Pensant qu'il n'avait plus nul besoin pour lui-même, Car rien ne le pouvait sauver du froid suprême, Et que Vautre, - qui sait? - s'il allait au matin, Pourrait revoir sa mère et son pays lointain, Il avait, doucement, mis son manteau de guerre Sur l'homme avec lequel il se battait naguère, Dont sa grande pitié lui faisait un ami, Et, content de lui-même, il s'était rendormi. La vengeance de =Grel le grillon. Le loup posa par mégarde sa grosse patte velue sur la, petite chaumière d'un grillon, qui chantait sur sa porte. La cheminée de la maison fut ainsi démolie, et le chanteur mécontent se fâcha : « Tu ne pouvais donc pas faire attention, vilain maladroit? Et Grel le grillon s'étant mis à pleurer, Jean le loup se moqua. « Tu n'es qu'un lâche! dit la petite bête exaspérée; reviens demain si tu l'oses, j'aurai mes amis; prends les tiens, nous nous battrons à mort. » Le loup accepta en riant. Et le lendemain, tandis que =Jean le loup mandait le renard, le putois, la fouine, la belette, le petit grillon appelait à son aide sa nièce l'abeille, sa tante la guêpe, son cousin le frelon, et sa cousine la cigale. « Es-tu prêt? demanda le loup, en riant. - Je t'attends n dit Grel le grillon. Et =Tzitzi, la cigale, du haut de sa branche de chêne, se mit à commander les troupes de son parent ainsi qu'un général. « Nièce l'abeille, près de l'oreillel - Tante la guêpe, près de la têtel - Cousin frelon, près des talons] s Aussitôt commandés, aussitôt -abeille, guêpe et frelon d'obéir, qui piquant à l'oreille, qui piquant à la tête, qui piquant aux talons. L'armée de Jean le loup, effrayée ar les dards, fut bien vite en déroute. Petit grillon était Marché vite conclu. =Sicot, un fermier, est venu à, la foire pour vendre deux bœufs, =Sicot avait eu soin de se placer au beau milieu du foirail. Les marchands tournaient autour des `bêtes. Tous eôik vaient de l'aeil la belle paire limousine. En passant, sans parler à =Sicot, ni faire mine de s'intéresser à rien, ils jetaient des caresses savantes. Survint un petit vieux, ganté, à l'allure de rentier. Il ne toucha point les boeufs, ne mania ni la côte, ni le pavé, ni même les abords; son regard s'arrêta seulement sur les bêtes un instant et il vint près de =Sicot. Ces boeufs sont-ils à ,vendre, demanda-t-il poliment. » Le bonhomme, de belle humeur, répondit : « Sûrement, je ne les ai pas amenés ici pour les donner! - Eh bien, mon ami, quel est votre prix?,» =Sicot n'avait pas hâte de vendre. Il voulait d'abord montrer ses bêtes. Sûr de sa marchandise, il pouvait attendre et voir venir. Mes boeufs sont de première, dit-il. Celui qui les veut, qu'il parle largement! » L'autre reprit, tout doucement Mon ami, je n'ai pas de temps à perdre. Voulez-vous vendre, oui ou non? Si c'est oui, dites votre prix. » Alors, =Sicot jeta gaillardement Huit mille francs! - C'est entendu, dit l'autre; je les prends! A onze heures, soyez à la gare pour l'embarquement et le payement. Il appela un jeune homme qui le suivait et lui fit marquerr les boeufs de deux cou s de ciseaux. LE LIVRE UNIQUE DE FRANÇAIS La Reine des =Fées. Le palais de la Reine des =Fées était une grande maiso de verre, soutenue par des colonnes de cristal et toute couvert de roses. Personne ne gardait l'entrée du palais. Dans vestibule étaient des montagnes de lettres qui n'avaient pa été ouvertes. Bien qu'il fît grand jour, toutes les lamp étaient allumées. La petite =Michelle et ses amis entrèrent dans un salon où se trouvait la Reine. Elle était très jolie. Elle portait un couronne, et avait dans ta main une baguette magique, ave laquelle elle était en train de transformer tous ses meubles. Par exemple, elle contemplait un tableau qui représentai une ville remplie de voitures; elle allongeait sa baguette, le tableau devenait le portrait d'une femme. Elle regardait portrait dix secondes, puis allongeait à nouveau sa baguette la femme disparaissait et était remplacée par un palais. « Tiens, dit la =Fée. Bonjour, =Michelle. Je vous atten dais. Votre mère est venue ici quand elle était petite fille elle est restée avec nous quelque temps et puis naturellement, elle a dû nous quitter. - Pourquoi, naturellement, dit =Michelle. - Oh! dit la Reine en étendant sa baguette vers une petite table qui devint aussitôt une lampe, parce que personne ne peut rester ici, Elle ajouta : « Voulez-vous un chocolat? Et elle étendit sa baguette vers un guéridon, sur lequel apparut une énorme boîte de grosses truffes noires. Mais, dès qu'elle les vit, elle étendit sa baguette, les changea en berlin Bots et oublia de les offrir. Puis, elle reconduisit tout le petit groupe vers la porte. « Il y a fête cet après-midi au Palais. Je compte sur vous. Monsieur =Jérôme, le chien-forgeron. « Monsieur =Jérômel » On ne l'appelle pas. d'un autre nom dans le quartier. Voulez-vous que je vous présente à « monsieur =Jérôme? » Prenons par la rue de =Vaugirard. Arrêtonsnous à cette large porte ornée d'un fer à cheval cloué sur le bois vermoulu. Poussons la porte. Au fond d'une vieille cour, un maréchal-ferrant fait ronfler sa forge et tinter son enclume sous un hangar. C'est ici que « monsieur =Jérôme» habite. Le voilà justement, assis sur son train de derrière, qui regarde les passants passer, en attendant l'heure du travail. Il n'est pas beau, « monsieur =Jérôme l » Il a le poil ras, jaune et blanc, et la mine un peu barbouillée, avec une tache sur l'eeil gauche. Beau ou non, et tel quel, « monsieur Jérôme » a conscience de sa valeur. =Jérôme possède un état. Deux heures sonnent, le maître siffle. Tranquillement, « monsieur =Jérôme » va s'installer au fond de la cour, près de la forge, la queue dans les débris de mâchefer et la poussière de limaille. Le maître, du bout de sa pince, plonge un morceau de fer dans le foyer à demi éteint. Jérôme a compris : d'un saut, le voilà dans la roue, une grande roue d'écureuil. =Jérôme trotte, =Jérôme galope et la roue tourne, le soufflet ronfle, la houille se gonfle et rougit. Jérôme travaille; Jérôme, avec ses quatre pattes, gagne des journées d'ouvrier de vingt francs. Aussi, «monsieur =Jérôme » est-il tout le long de la rue une manière de personnage. Le boucher, la fruitière l'estiment; affectueusement, les enfants lui tirent les poils et l'oreille, et s les petits apprentis, à cotte et à bourgeron bleus, le saluent avec une nuance de res ect. La chanson du marteau. Le soir, =Jeannot court parfois à la boutique du forgeron pour écouter la chanson du marteau. Car c'est une véritable chanson que le forgeron accompagne en criant à son apprenti, chaque fois que leurs bras se lèvent : Petit coup l petit coup gros coup! gros coup! Les deux marteaux s'abattent l'un après l'autre, sans jamais se heurter, tantôt vite et tantôt lentement, tantôt fort et tantôt doucement. De temps en temps, le forgeron laisse retomber son outil à .côté du fer rouge, sur l'enclume, comme pour marquer la mesure. Et cela fait une suite de bruits de plus en plus faibles, car le marteau rebondit plusieurs fois. A la maison, =Jeannot essaie d'imiter le forgeron. Il a pris un gros marteau dans la boîte à outils, et une barre de fer toute rouillée dans la cuisine. Il ne possède pas d'enclume, malheureusement. Mais il y a, dans la cour, une grande dalle de pierre bien sonore. =Jeannot frappe à grands coups, à petits coups, sur la barre qu'il tourne et retourne. Il -laisse de temps en temps retomber; sur la dalle qui résonne, son marteau qui rebondit. =Jeannot se voit forgeron. Mais voilà qu'un coup mal lancé frappe son doigt. Aïeh. Il lève le bras et secoue sa main. Son jeu lui paraît moins amusant. « Courage; =Jeannot! lui crie son grand-père. On n'arrive à rien sans souffrir un peu, et c'est en forgeant qu!on devient forgeron. Arrivée à Paris. =Jean est venu de son village Jusqu'à Paris, monté sur son âne =Blanquet. Son voyage a duré un mois! Enfin nous l'atteignîmes, ce Paris de nos rêves; nous l'atteignîmes au jour tombant, un mois juste après avoir quitté: Canteperdrix, notre village natal! Quel tapage; Seigneur =Dieu On eût dit une écluse, mais plus grande des milliers, des milliards de fois, et plus grondante que celle de notre moulin. Que de tours que d'édifices!. que de cheminées. J'avais mis pied à terre; mol tirant la bride, =Blanquet par derrière, nous montâmes sur un petit tertre tout gris entre des maisons qu'on bâtissait. Il y avait là un peu de gazon pauvre et noir comme de l'herbe de cimetière. « Tiens, mange, =Blanquet, mange, » dis-je en m'essuyant les yeux sur ma manche. Mais =Blanquet, pas plus que moi, n'avait le coeur à manger. =Blanquet contemplait Paris, et voyant s'agiter à ses pieds cette mer de bruits et de lumières, il bougeait l'oreille gauche avec inquiétude et il reniflait. Puis, tout à coup, pris d'une terreur prodigieuse, il m'arrache le licou des mains et part, faisant feu. des quatre pieds, vers la terre natale. Je le suivis longtemps du regard; des chiens aboyaient après lui; il culbutait sur son chemin des vieilles, des soldats, des gens en blouse; et, quand il ne fut plus qu'un point noir à peine visible, je descendis à mon tour, et passai la barrière, mais honteux, les mains dans les poches, baissant les eux. Pourquoi le liseron grimpe aux arbres. Autrefois, le liseron restait étendu sur le sol. Il crois- sait de cette façon, couvrant la terre de ses jolies clochettes roses ou bleues, et il n'avait jamais cherché à monter plus haut. Pas loin de là, tout au sommet d'un arbre, vivait Mlle Jenny Fauvette et son petit Jeannet. Jeannet était infirme; il s'était cassé une aile et ne pouvait presque pas voler. Il restait toute la journée dans son nid. Mais la maman Fauvette lui racontait tout ce qu'elle avait vu dans sa journée, quand. elle rentrait le soir. Elle lui parlait surtout du beau liseron, qu'elle voyait chaque matin sur le sol. Petit =Jeannet soupirait : « Comme je 1 voudrais le voir aussi! » Le liseron l'entendit. Lui aussi aurait bien désiré voir le petit =Jeannet, et le distraire de son nid solitaire. s'étendit sur le sol, un peu plus chaque jour, jusqu'à ce qu'il arrivât au pied de l'arbre. Mais, d'abord, il ne put pas aller plus loin, parce qu'il ne savait pas grimper. A la fin, son désir devint si intense qu'il se mit à s'enrouler autour du tronc, en s'accrochant à l'écorce, puis aux branches, et il finit par arriver jusqu'au nid de =Jeannet, qui battit des ailes en le voyant avec ses belles-clochettes bleues et roses! Et c'est ainsi que le liseron apprit à grimper. _ Le goûter des oiseaux. La grand'mère donne à =Fanchon une pomme avec du pain et lui dit : « Va, mignonne, va jouer et goûter dans le clos. » Et =Fanchon va dans le clos. Il y a dans le clos de la mère-grand de l'herbe, des fleurs et des oiseaux. =Fanchon ne croit pas qu'il y ait au monde un plus joli clos. Déjà elle a tiré un couteau de sa poche pour couper son pain, à la mode du village. Elle a d'abord croqué la pomme, ensuite elle a commencé de mordre au pain. Alors un petit oiseau est venu voltiger près d'elle. Puis il en est venu un second, puis un troisième. Et dix, et vingt, et trente, sont venus autour de =Fanchon. Il y en avait des gris, il y en avait des rouges, il y en avait des jaunes, et des verts et des bleus. Et tous étaient jolis et ils chantaient tous. =Fanchon ne savait point d'abord ce qu'ils lui voulaient. Mais elle s'aperçut bientôt qu'ils voulaient du pain et que c'étaient des petits mendiants. C'étaient en effet des mendiants, mais c'étaient aussi des chanteurs. =Fanchon avait trop bon ccéw pour refuser du pain à qui le payait par des chansons. Son coeur écouta les petit, oiseaux et elle leur jeta des miettes qui ne tombèrent point, car les oiseaux les saisissaient dans l'air. Miette à miette, la tartine passa tout entière dans le bec des petits chanteurs. Et =Fanchon rentra contente dans la maison de sa and'mère. LE LIVRE UNIQUE DE FRANÇAIS. Le renard et la mésange. =Renard entend près de lui le chant d'une mésange. Comment faire pour l'attraper? Doucement, il appelle : « Mésange, ma mie, descendez, le roi ordonne la 'paix générale. Les loups ne mangeront plus les moutons. - Ni les renards les oiseaux? demande la mésange. - Non plus. Descendez que je vous embrasse. - Renard, mon ami, je veux bien venir, mais à une condition : vous fermerez les yeux. » Voilà une singulière condition, se dit =Renard, mais enfin, je sentirai bien le battement de son aile, et la bête sera vite prise. « Entendu! » dit-il touthaut Il vient se coucher à plat ventre sous l'arbre et il ferme les yeux. La mésange prend dans son bec un peu de mousse, et le laisse tomber sui le museau du' renard qui, croyant qu'une aile vient de le frôler, essaie de saisir l'oiseauau vol. Mais, il n'attrape rien. « Ma mie, recommencez, vous avez été trop vite, je n'ai pu vous embrasser. Voyez, je ferme les yeux. Et quand l'oiseau, qui s'amuse, recommence pour la deuxième fois, =Renard, soulevant ses paupières, aperçoit le petit flocon, de mousse, comprend que la mésange se moque de lui et, furieux, rentre dans le bois.