&&000 FRANCE – 4THGRADE – 1940S FR-4TH-40S.TXT Sample pages from : Hatier; Lavauzelle N= 18 pages of text ; saved in UTF-8 FORMAT &&111 UNE PANNE =D'AVION Nous naviguions' depuis l'aurore dans une molle étendue blanche, pareille à quelque mer écumante au-dessus de la grande forêt. Soudain, quelque chose d'inquiétant retentit au milieu de ma rêverie... Quoi 1 Que se passe-t-il? J'observe le pilotez qui regarde le mécanicien. Le mécanicien tend l'oreille. Le sans-filiste3 a retiré son casque, cesse d'enregistrer ses radios, écoute lui aussi ce qui se passe dans les quelques mètres carrés où nous nous trouvons enfermés. Le mécanicien ouvre sa glace. Nous percevons nettement tous les ratés4 du moteur. Une bougie encrassée sans doute, mais qui peut-être tout à l'heure va se désencrasser d'elle-même. Cinq ou six minutes s'écoulent. Notre moteur boites toujours. Tout l'équipage et moi, nous ne sommes plus qu'une oreille. Ce sont maintenant -des coups furieux dans le moteur du centre, qui se répercutent chaque fois brutalement en nous, comme autant de coups de marteau. L'hélice ne tourne plus qu'avec mollesse et je sens bizarrement une force diminuer dans mon être, comme si la force de l'avion s'était incorporée à mon corps. Je ne dis rien. Personne ne dit rien. Tout à coup le moteur s'arrête. Le pilote l'a-t-il arrêté, ou s'est-il arrêté tout seul? Je résiste au désir de m'informer et d'importuner personne par des questions oiseuses. La forêt n'a pas cessé de glisser sous nos ailes. Les deux autres moteurs continuent leur musique paisible et régulière. Pourvu qu'ils tiennent tous les deux et qu'ils ne perdent pas le souffle! Passeront-ils cette énorme croupe que nous apercevons là-bas? Tomberons-nous dans cette nappe vert tendre ou dans ces prairies de fleurs roses que forme un grand peuplement d'arbres dont j'ignorerai toujours le nom? Je me pose ces petits problèmes pour m'occuper l'esprit. Le temps passe, l'esprit se rassure. Dans l'équipage, toujours pas un mot, toujours pas un signe qui trahisse une inquiétude. Personne ne semble faire autre chose que d'accepter le sort. Mais sans que je m'en sois rendu compte, le mécanicien a vidé six cents litres d'essence JOUR DE FÊTE EN =NORMANDIE Depuis huit jours on voyant venir par les routes les voitures foraines où gîtent les, familles ambulantes' des coureurs de foire, directeurs de loteries, de tirs, de jeux divers, ou montreurs de curiosités. Les carrioles sales, aux rideaux flottants, accompagnées d'un chien triste, allant, tête basse entre les roues, s'étaient arrêtées l'une après l'autre sur la place de la mairie. Puis une tente s'était dressée devant chaque demeure voyageuse, et dans cette tente on apercevait, par le trou de la toile, des choses luisantes qui surexcitaient l'envie et la curiosité des gamins. Dès le matin de la fête, toutes les baraques s'étaient ouvertes, étalant leurs splendeurs de verre et de porcelaine; et les paysans, en allant à la messe, regardaient déjà d'un oeil candide3 et satisfait ces boutiques modestes qu'ils revoyaient pourtant chaque année. Dès le commencement de l'après-midi il y eut foule sur la place. De tous les villages voisins les fermiers arrivaient, secoués avec leurs femmes et leurs enfants dans les chars à bancs à deux roues qui sonnaient la ferraille comme des bascules. On avait dételé chez des amis; et les cours des fermes étaient pleines d"étranges guimbardes4 grises, hautes, maigres, crochues, pareilles aux animaux à langues pattes du fond des mers. Et chaque famille s'en venait à l'assemblée à pas tranquilles, la mine souriante et les mains ouvertes, de grosses mains rouges, osseuses, accoutumées au travail et qui semblaient gênées par le repos. Un faiseur de tours jouait du clairon; l'orgue de =Barbarie des chevaux de bois égrenait dans l'air ses notes pleurardes et sautillantes; la roue des loteries grinçait comme les étoffes qu'on déchire; les coups de carabine clàquaient de seconde en seconde. Et la foule lente passait mollement devant les baraques à la façon d'une pâte qui coule, avec des remous de troupeau, des maladresses de bêtes pesantes sorties par hasard. Tout le pays était là, maîtres, valets et servantes. =FS MINEURS DU ROUERGUE Les mineurs, bltêmesl, lie dos rond ont sur la figure cet air écrasé, passif et grave que donne la lutte disproportionnée avec les éléments, la menace perpétuelle du grisou. Il faut les voir, les malheureux, le matin, à l'heure ou l'équipe de nuit sort de la mine! Un échafaudage à mi-côte, quatre madriers, une baraque en planches, un trou noir au milieu : c'est le puits de descente. Ceux de l'équipe de jour sont là...; mal en train, assis ou adossés au mur, ils attendent. Un signal, un coup dee marteau qui vient de si bas, de si loin! La benne monte, elle émerge; les hommes enjambent, se secouent, éblouis par les rouges. épées du soleil qui pointent, déchirant le voile épais des fumées. Au fond de la mine : trois cents mètres de terre pardessus. la tête et des lieues de galeries, des heures de cheminement obscur, le front baissé sous les balisages, à plat ventre dans les boyaux crevés qui s'étranglent. Le chantier est là, le front de tail1e, comme ils disent; une brèche dans l'épaisseur du charbon, un trou dans le noir; et voici le mineur, debout, nu jusqu'à la ceinture, piquant le mur de houille qui luit, brillanté de diamants noirs dans le rond de lumière envoyé par la lampe. Les bruits arrivent étouffés, lointains : appels de mineurs, coups de marteau de la benne qui remonte, cahotement d'un train de wagonnets qui passe, mené par un cheval-fantôme. Et après ces bruits, de nouveau le silence, la succession insensible des heures, des heures toutes pareilles, également mornes, également lourdes. A quoi pense le mineur? Le mineur du Rouergue est un paysan; son rêve est un rêve de terrien. Le souvenir de la vie -au grand air, l'a vision du champ convoité par lui et qu'il achètera de son salaire, l'accompagnent, descendent avec lui dans la mine. Et, comme pour fouetter son désir, pour irriter sa nostalgie, voici venir, on ne sait d'où, des abîmes souterrains, une bouffée de musique printanière, si étrange à entendre et si douce. COMBAT DE =DONQUICHOTTE CONTRE LES MOULINS A VENT =DonQuichotte est un chevalier espagnol à l'imagination exaltée, vivant dans un rêve voisin de la folie. Il voyage en compagnie d'un paysan au robuste bon sens, =Sancho, qui lui sert d'écuyer et tâche, en toutes circonstances, de rappeler son maître à la réalité. =DonQuichotte aperçut un jour trente ou quarante moulins à vent au bout de la plaine. « Ami, dit-il à =Sancho, son écuyer, la fortune vient au-devant de nos souhaits. Vois-tu, là-bas, ces géants terribles? Ils sont plus de trente : n'importe, je vais attaquer ces fiers ennemis et leur ôter la vie. Leurs dépouilles commenceront à nous enrichir. - Quels géants? demanda =Sancho. - Ceux que tu vois avec ces grands bras qui ont peut-être deux lieues de long. - Mais, seigneur, prenez-y garde, ce sont des moulins à vent et ce qui vous paraît des bras n'est autre chose que leurs ailes. On voit bien, répondit =DonQuichotte, que tu n'as aucune expérience des aventures. Ce sont des géants, je m'y connais. Si tu as peur, retire-toi à l'écart et prie tandis que je livrerai cet inégal et périlleux combat. » En disant ces mots, il pique =Rossinante" de l'éperon sans écouter les cris du pauvre Sancho qui lui répétait qu'à n'en point douter c'étaient dies moulins et non des géants qu'il allait attaquer. Bien qu'il fût déjà près des moulins, notre chevalier ne se détrompait pas. « Attendez-moi, attendez-aloi, lâches brigands, ne fuyez pas, c'est un chevalier seul qui vous attaque! » A l'instant même, un peu de vent s'éleva, et les grandes ailes des moulins se mirent à tourner. « Oh! vous avez beau faire, s'écria =DonQuichotte; quand vous remueriez plus de bras que le géant =Briarée, vous n'en serez pas moins punis ! » Il dit et, bien couvert de son bouclier, la lance en arrêt, il mit =Rossinante au galop et fondit sur le premier moulin qu'il rencontra. Accroché par l'aile, il fut enlevé -et jeté à vingt pas avec son cheval. UNE JEUNE MÉNAGÈRE =FritzKobus déjeune chez sou fermier =Christel. =Sûzel, la fille du fermier, a préparé des beignets délicieux. « Notre enfant, monsieur =Kobus, dit le vieux fermier, est née pour conduire un ménage; elle sait rouir le chanvre, filer, laver, battre le beurre, presser le fromage et faire la cuisine aussi bien que ma femme. On n'a jamais eu besoin de lui dire « =Sûzel, il faut s"y prendre de telle manière ». C'est venu tout seul... Ce sera une vraie femme de ménage; elle a reçu le don, elle fait ces choses avec plaisir. - C'est positif', répondit =Fritz, mais le don de la cuisine est une véritable bénédiction-. On peut rouir le chanvre, filer, laver, tout ce que vous voudrez, avec des bras, des jambes et de la bonne volonté; mais distinguer une sauce d'une autre, et savoir les appliquer à propos, voilà quelque chose de rare. Aussi j'estime plus ces beignets que tout le reste, et, pour les faire aussi bons, je soutiens qu'il faut mille fois plus de talent que pour filer et blanchir cinquante aunes3 de toile. - C'est possible, monsieur =Kobus, vous êtes plus fort sur ces articles que moi. - Oui, =Christel, et je suis si content de ces beignets que je voudrais savoir comment elle s'y est prise pour les faire. - Eh! nous n'avons qu'à l'appeler, dit le vieux fermier, elle nous expliquera cela. Sûzel ! Sûzel ! » =Sûzel était justement en train de battre le beurre dans la cuisine, le tablier blanc à bavette serré à la taille, agrafé à la nuque, et remontant du bas de sa petite jupe de laine bleue à son joli menton rose. Des centaines de petites taches blanches mouchetaient ses bras dodus et ses joues; il y en avait jusque dans ses cheveux tant elle mettait d'ardeur à son ouvrage. C'est ainsi qu'elle entra tout animée, demandant : « Quoi donc, mon père? » - Bien, voici monsieur =Kobus qui trouve tes beignets si bons qu'il voudrait bien en connaître la recette. » Sûzel devint toute rouge de plaisir. « Oh! monsieur =Kobus veut rire de moi. - Non, =Sûzel, ces beignets sont délicieux; comment les as-tu faits, voyons? EN BATEAU SUR LA LOIRE ai"1e de Sévigné se rend en Bretagne. De Paris à Orléans elle voyage eu carrosse, puis elle prend le bateau et descend la Loire. Elle conte le voyage à sa fille, =deGrignan. =Blois, 9 mai 1680. Je veux vous écrire tous les soirs, ma chère enfant, rien ne peut me contenter que cet amusement; je tourne, je marche, je veux reprendre mon livre : j'ai beau tourner une affaire, je m'ennuie, et c'est mon écritoire qu'il me faut. Il faut que je vous parle, et qu'encore que ma lettre ne parte ni aujourd'hui, ni demain, je vous rende compte tous les soirs de ma journée. Mon fils -est parti cette nuit =d'Orléans par la diligence qui part tous les jours à trois heures du matin et arrive le soir à Paris. Nous sommes montés dans le bateau à six heures par le plus beau temps du monde. J'y ai fait placer le corps de mon grand carrosse'; nous avons baissé les glaces : l'ouverture du devant fait un tableau merveilleux; les portières et les petits côtés nous donnent tous les points de vue qu'on peut imaginer. Nous ne sommes que l'abbé et moi dans ce joli cabinet, sur de bons coussins, bien à =Vair, bien à notre aise; tout le reste, comme des cochons sur la paille. Nous avons: mangé du potage et du bouilli tout chaud : on a un petit fourneau, on mange sur un ais3 dans le carrosse, comme le roi et la reine : voyez, je vous prie, comme tout s'est raffiné} sur notre =Loire, et comme nous étions grossiers autrefois que le coeur était à gauche; en vérité, le mien, ou à gauche, ou à droite, est tout plein de vous. Si vous nie demandez ce que je fais dans ce carrosse charmant où je n'ai point de peur, j'y pense à ma chère fille, je m'entretiens de la tendre amitié que j'ai pour elle, de celle qu'elle a pour moi, de l'envie que j'ai de la revoir, de rembrasser; je pense à ses affaires, je pense aux miennes. Je regarde, j'admire cette belle vue qui fait l'occupation des peintres. Enfin, nous sommes arrivés ici de bonne. heure. J'ai entendu mille rossignols, j'ai pensé à ceux que vous entendez sur. votre balcon. Je n'ose vous dire la tristesse que l'idée de votre délicate santé a jetée sur toutes nies pensées; vous le comprenez bien, et à quel, point je souhaite qu'elle se rétablisse; VENDANGES La vendange sur les coteaux mosellans a la beauté d'une fête. Des enfants barbouillés grimpent derrière les. cuvelles pour voler du raisin. Au co'n d'un pré, un vigneron foule les grappes. debout sur un chariot, du soleil plein les yeux, la face épanouies d'un large rire : le rire des, bonnes années. Des pulpes`' écrasées et des pépins sont collés; à ses jambes velues, et des. guêpes tourbillonnent autour de la cuve. L'homme se baisse et enfonce une pelle de bois dans l'amoncellement des grappes noires, et le moût gicle, ruisselle, et lèche de son flot écumeux les douves de la cuve. Les bandes de vendangeurs se sont éparpillés dans les vignes. Une femme a suspendu sa camisole au bout d'un échalas. Le haillon rouge tire l'oeil' et claque au vent commet un drapeau; et quand le soir vient, des bandes d'étourneaux s'abattent du ciel, comme une trombe de grêle on les entend jacasser au ras du sol dans l'épaisseur des ceps. A la nuit tombante, les chariots rentrent, grinçant à chaque cahot. Des femmes suivent, chargées de grappes. les accrochera aux solives du plafond, et les raisins fripés se conserveront jusqu'au ceeur de l'hiver. Des cuves débondées coule le flot boueux, qu'on tamise dans des paniers d'osier pour faire le vin gris. Et le moût sucré poisse les mains, barbouille les faces, répand au fond du logis une odeur vineuse. Ma mère allait et venait autour de l'âtre en feu, soulevant le couvercle des marmites, goûtant les sauces. C'était toute une affaire de nourrir toute une armée de vendangeuses et de porteurs, les porteurs surtout qui ont bon appétit. 4 les toits l'ombre des cheminées. Nous désespérions, quand Jacquot parut. Les présomptions3 du commis de M. Caumont se vérifiaient. Je passai la tête par la lucarne et vis le papegai, qui, d'une marche difficile, en balançant son gros corps, descendait lentement le pignon. C'était lui! Il venait à nous. J'en tressaillis de joie. Il était tout proche. Je retenais mon souffle =SimondeNantua lui jeta un appel sonore et, ayant pris le =Jorceau de pain trempé de vin, le tendit à bout de bras, poing fermé. =Jacquot s'arrêta, regarda de notre côté, d'un air de défiance, s'éloigna, battit des ailes et s'enfuit d'un vol d'abord difficile, mais qui, devenu peu à peu plus rapide et plus soutenu, le porta jusqu'au toit d'une maison voisine, où il disparut à nos yeux. Notre déconvenue' à l'un et à l'autre fut grande, mais =SimondeNantua ne se laissait point abattre par la mauvaise fortune : il tendit le bras vers l'océan des toits. - Là fit-il. Ce geste énergique, cette parole brève me transportèrent d'enthousiasme. Je m'attachai à sa vieille redingote et, pour rapporter les faits tels que mon souvenir me les retrace, je fendis l'air avec lui et descendis du haut des nuées' dans une enceinte' inconnue, où se dressaient des façades de pierre sculptée; dans une cour spacieuse au côté de =SimondeNantua, qu'entouraient des gardiens coiffés d'un bicorne, et de jeunes hommes aux longs cheveux ombragés d'un chapeau de feutre à la =Rubens' et portant un carton sous le bras. Les gardiens niaient avoir vu l'oiseau de la comtesse Michaud. Les jeunes gens conseillaient en riant à Simon de Nantua de lui mettre, pour l'attraper, un grain de sel sur la queue ou plutôt de lui gratter la tête. Il n'y avait rien, affirmaient-ils, qui fût plus agréable aux perroquets. - Malappris ! murmura =SimondeNantua. Et il sortit indigné. De retour chez la comtesse =Michaud, nous trouvâmes LA MORT DE =YELLOW =Tom recherche une vieille chienne, Yellow, grièvement blessée dans un combat qu'elle a mené contre des loups pour sauver son jeune chien =Tawny. Un calme profond régnait dans l'atmosphère et le seul son qu'on entendît était celui des sabots de Starfacel frappant les nombreux cailloux qui parsemaient la route. Soudain l'animal s'arrêta, releva la tête, dressa les oreilles et regarda le ravin à sa gauche. =Tom tourna aussitôt les yeux dans cette direction. Un sentiment de stupéfaction d'abord, 1 de profonde pitié ensuite, s'empara de son être. De l'autre côté de la gorget, la vieille Yellow essayait de s'agripper aux bords à pic du sentier. Les pattes de devant accrochées au rocher, son corps pendait dans le vide. Elle gémissait et faisait des efforts désespérés de ses pattes arrière, pour prendre pied sur la muraille abrupte. Tout à coup le terrain lui manqua devant; la terre, J les pierres s'éboulèrent j et la malheureuse bête tomba au fond du ravin, d'une hauteur de plus de cent pieds. =Tom sauta en bas de sa monture, l'attacha au premier arbre venu et dégringola la pente à travers les ronces et les broussailles, les mains et le visage en sang, sans y prendre garde. Il courut jusqu'au ruisseau, le traversa et se trouva près du corps de la pauvre =Yellow. La mort avait été instantanée. =Tom se pencha sur elle et, avec une profonde émotion, examina les blessures qu'elle avait reçues des loups. La jambe arrière fracassée attira son attention pendant un instant. seigneurs, ainsi qu'avec un grand nombre de gens; la reine =d'Angleterre elle-même suivit le roi. =GautierdeMauny s'approcha alors, et, avec lui, les six bourgeois qui le suivaient. « Sire, dit-il au roi, voici ceux qui représentent la ville de =Calais, selon votre commandement. » Le roi se tint immobile et les regarda avec une grande colère' car il naissait fort lesabitants de =Calais, à cause des éfaites 1 qu'ils lui avaient autrefois causées sur mer. Les six bourgeois se mirent aussitôt à genoux devant le roi, et, joignant les mains, parlèrent ainsi : « Gentil' roi, vous nous voyez ici tous les six,$ qui avons été depuis longtemps bourgeois 'de =Calais et grands marchands; nous vous pportons les clefs de la ville, Pet celles du château de =Calais; nous les livrons à votre plaisir, et nous nous soumettons, dans l'état que vous voyez, à votre volonté,epour sauver le reste du peuple de Calais, qui a souffert beaucoup de misères. Veuillez avoir pitié de nous. Il n'y eut alors aucun seigneur, chevalier ou vaillant homme qui pût se retenir de pleurer. Le roi les regarda avec beaucoup de colère; il avait le coeur si dur, et si courroucée, qu'il ne pouvait parler. Quand il parla enfin, il commanda qu'on leur coupât aussitôt la tête. Tous les barons et les chevaliers, priaient le roi, en pleurant, le plus instamment qu'ils pouvaient,' de bien vouloir avoir pitié d'eux; mais le roi ne voulait rien entendre. Alors messire =Gautier =deMauny lui dit : « Ah l sire, veuillez refrénera votre colère. Vous avez la réputation de souveraine noblesse de coeur; ne consentez pas à faire une chose qui puisse amoindrir cette renommée, et qui fasse dire du mal de vous. On dira que vous avez montré une grande cruauté, si vous n'avez pas pitié de ces gens, et si vous êtes assez dur pour faire mourir ces honnêtes bourgeois, qui, de leur propre volonté, se sont livrés vous pour sauver leurs concitoyens. » A ces mots, le roi se âcha et dit : «=MessireGautier, taisez-vous; qu'on fasse venir e coupe-tête. Les habitants de =Calaiss ont fait mourir tant de LA LÉGENDE =D'AIX-LA-CHAPELLE Il y a longtemps, bien longtemps, ceux =d'Aix-la-Chapelle voulurent bâtir une église. Ils se cotisèrent, et l'on commença. On creusa les fondements, on éleva les murailles, on ébaucha la charpente, et pendant six mois ce fut un tapage assourdissant de scies, de marteaux et de cognées. Au bout de six mois, l'argent manqua. On fit appel aux pèlerins, on mit un bassin d'étain à la porte de l'église; mais à peine s'il y tomba quelques liards'. Que faire? Le sénat s'assembla, chercha, parla, avisa, consulta. Les ouvriers refusaient le travail, et l'herbe et la ronce, et le lierre et toutes les insolentes plantes des ruines s'emparaient déjà des pierres neuves de l'édifice abandonné. Fallait-il laisser là l'église? Le sénat des bourgmestres était consterné. Comme il délibérait, entre un étranger, un inconnu, de haute taille et de belle mine. - Bonjour, bourgeois. De quoi est-il question? Vous êtes tous effarés. Votre église vous tient au ceeur? Vous ne savez comment la finir? On dit que c'est l'argent qui vous manque? - Passant, dit le sénat, allez-vous-en au diable. Il nous faudrait un million d'or. - Le voici, dit le gentilhomme. Et, ouvrant une fenêtre, il montre aux bourgmestres un grand chariot arrêté sur la place, à la porte de la maison de ville. Ce chariot était attelé de dix jougs de bceufs, et gardé par vingt nègres d'Afrique armés jusqu'aux dents. Un des bourgmestres descend avec le gentilhomme, prend au hasard un des sacs dont le chariot était chargé, puis tous Mais il n'avançait pas d'un centimètre, même si nous descendions de la voiture, pour essayer de le tirer par la bride ou de le pousser par derrière On se rasseyait dans la voiture et on attendait. Lui, le nez bas, l'air absorbé par quelque chose de très grave, réfléchissait. Puis, d'un coup de collier subit, il arrachait la voiture du sol, levait les deux pieds de devant en même temps pour ne pas marcher dans l'eau, ouvrait une grande bouche comme pour rire, et repartait au trot jusqu'à la rigole suivante. Quelquefois, nous pensions qu'il allait oublier, nous calculions à la vitesse de sa course les chances qu'il avait de passer sans s'arrêter. Il n'oubliait jamais. Cette bête, que mon père aimait bien, à qui il parlait souvent, s'était attachée à lui comme un bon chien. Quand Coco était au verger, où une longue chaîne munie d'une grosse pierre lui laissait une certaine liberté, il se mettait parfois à pousser des braiements très particuliers, comme des lamentations à la fois tendres et désolées. C'est qu'il avait vu la silhouette de mon père entre les arbres. Cela nous faisait rire et maman disait - Voilà =Coco qui parle avec papa. Jamais mon père ne le reconduisait à son écurie sans lui donner une croûte de pain; si par hasard il oubliait, l'âne ne voulait pas rentrer et poussait mon père avec sa grosse tête grise. Je l'aimais bien, moi aussi, mais nous nous sommes brouillés. .Un jour où j'allais le chercher au verger, il flaira les poignets de mon manteau, garnis de fourrure; je ne sais si cela lui déplut, mais il prit peur, retroussa les lèvres en montrant les dents et essaya de me mordre les mains... Et depuis, c'est par ce geste menaçant qu'il m'accueillait, toutes les fois que je passais vers lui, même si je n'avais pas mon manteau. Si bien que je l'évitais. Un jour vint où mon père décida, bien à regret, de le vendre, Vous ne savez pas, dit =Tibert, qu'il y a un gros creux à côté de moi, qui suffira à étancher ma soif. Il a plu, il n'y a pas bien longtemps; et je trouve là tout ce qu'il me faut pour me désaltérer. - Pourtant, dit =Renard, vous descendrez bien, tôt ou tard? - J'y mettrai des mois, irdit =Tibert. - Ce sera avant sept ans d'ici, dit =Renard; car, l'eussiezvous juré, et dusseje rester ici sept aanns, je vous jure que je vous tiendrai à la fin! =Tibert se tait, et mange son andouille. =Renard frémit, il sue de fureur. =Tandis qu'il souffre ce martyre, il entend un bruit qui l'inquiète. Un mâtin, de loin, aboie après lui, un mâtin`' qui a flairé sa piste. Il lui faut quitter la place, s'il n'y veut laisser sa peau. Voici venir les chiens, et les chasseurs après eux =Renard regarde derrière lui « =Tibert, dit-il, qu'est-ce que j'entends? - Attendez un peu, dit =Tibert, et ne bougez pas. C'est une douce mélodie. Par ici passe une compagnie de gens qui, parmi les champs, les buissons et les fourrés, vont chantant messes et matines. Puis ils vont chanter les prières des morts, et viendront vénérer cette croix. Il convient que vous vous mêliez à eux 1 » =Renard, qui sait bien que ce sont des chiens, ne pense qu'à fuir. Le voyant debout sur ses pattes « =Renard, dit =Tibert, qu'allez-vous faire? - Je veux m'en aller, dit =Renard. - Vous en aller? Comment? Pourquoi? Oubliez-vous vos serments? Non, vous ne vous en irez pas! Restez ici, je vous l'ordonne! Si vous fuyez, vous en rendrez compte à la cour de sire =NobleleLion. Je vous ferai comparaître pour parjure"! Vous avez juré de tenir le siège sept ans, et, en traître que vous êtes, vous vous en dégagez! Je connais bien ces chiens-là; ne les craignez point : j'obtiendrai d'eux la paix. » lui être bien difficile de retrouver leur maison, qui n'était jamais chaque année à la même place, et d'apercevoir le tuyau de leur cheminée qui était un bien pauvre petit tuyau. Car leur maison était une roulotte où ils demeuraient avec leurs parents, saltimbanques de leur état'. On s'arrêtait dans les foires, où le père et la mère, vêtus de maillots rouges, s'envolaient d'un trapèze à l'autre, et Anastase marchait sur les mains et feignait de tomber pour faire rire les spectateurs, et Caroline, lancée d'un tremplin, après avoir tourné deux fois sur elle-même, les yeux fermés et les dents serrées, retombait gracieusement assise dans un petit fauteuil, que sa mère tenait solidement au bout de ses deux bras. Donc, =Anastase et =Caroline mirent leurs chaussures dans la cheminée, c'est-à-dire devant le petit fourneau, car il n'y avait point de cheminée dans la roulotte, et s'endormirent en pensant bien que le lendemain encore leurs chaussures seraient vides, mais, n'est-ce pas, on ne sait jamais ce qui peut arriver, et il ne faut négliger aucune occasion. Or, il arriva ceci pendant qu'ils dormaient, c'est que le vieux Noël, explorant comme à son ordinaire les toits des palais des mansardes, aperçut _au milieu du champ de foire couvert de neige cette voiture verte, et ce petit tuyau noir, =schappait encore une mince fumée. Il me semble, se dit-il, que voilà des gens que j'ai bien négligés. Que pourrais-je faire pour eux? Il s'approcha donc de la roulotte, il y entra, comme il sait entrer dans les maisons, par es moyens qui sont à lui, et je ne vous dirai qu'il y fit, parce que je n'y étais pas, et parce que, avais n'aurais certainement pas osé regarder. Peu après, voilà qu'un chaland3 entra, et les souliers lui plurent tant qu'il les paya plus cher que de coutume. Avec cet argent le cordonnier put se procurer du cuir pour deux autres paires. Il le tailla le soir même et s'apprêtait à se mettre à l'ouvrage de bon coeur le lendemain matin, mais ce fut inutile; il les trouva tout faits à son réveil; et cette fois encore les chalands ne manquèrent pas et lui payèrent de quoi acheter du cuir pour quatre autres paires. Le lendemain matin il trouva les quatre paires également prêtes et cela continua : ce qu'il taillait le soir était toujours terminé le matin suivant, si bien qu'il eut bientôt retrouvé de quoi pourvoir honnêtement à ses besoins et qu'il finit par être fort aisé. Or un soir, peu avant Noël, comme il avait taillé son cuir, et qu'il allait se coucher, il lui arriva de dire à sa femme :<« Si nous veillions cette nuit, pour voir qui nous assiste ainsi? » Sa femme y consentit et alluma une chandelle là-dessus, ils se cachèrent dans un recoin de la chambre, derrière les vêtements qui y étaient accrochés il et firent le guet. Quand il fut minuit, voilà que deux jolis petits nains, tout nus, entrèrent dans la chambre, s'assirent à la table du cordonnier, prirent en main tout le travail qui avait =ete préparé et, de leurs petits doigts agiles, se mirent à piquer, à coudre, à taper si vite que, d'admiration, le cordonnier n'en pouvait détourner les yeux. Ils n'eurent de répit que tout l'ouvrage fût achevé et prêt sur la table; alors ils disparurent d'un bond. Le lendemain la femme dit : « Ces petits nains nous ont enrichis; nous devons leur montrer notre reconnaissance. Ils doivent avoir froid à courir ainsi tout nus sans rien sur le corps. Sais-tu? je vais leur coudre à chacun chemise, habit, veste et culotte et leur tricoter une paire de bas; toi, fais-leur à chacun une paire de souliers. Je veux bien, dit l'homme.» Et, le soir, quand tout fut prêt, ils mirent leurs cadeaux sur la n'eût examiné le mécanisme et se fût assuré que les rouages fonctionnaient bien. Or,,( il y en avait toujours un qui fonctionnait mal. Une force irrésistible poussait =Agrippa à démonter tout, et il pouvait se passer plusieurs jours, avant qu'il n'eût remis en place ce qu'il avait défait. Pendan ce temps, il fallait le loger et le nourrir. Le pis, c'est qu'après le traitement infligé, par Agrippa à une pendule, celle-ci ne marchait jamais plus aussi bien qu'auparavant. Au moins une fois par an,, il fallait recourir pour elle aux soins =d'Agrippa; sinon elle s'arrêtait tout à fait. Le vieux essayait bien de faire le travail de son mieux, mais sans succès. Les pendules restaient détraquées. Il valait donc mieux qu'il n'entreprît jamais de réparer une pendule =Claire-Belle le savait, mais elle ne voyait pas le moyen de sauver l'horloge dalécarlienne, dont le tic-tac s'entendait dans toute la cabane. =Pràstberg avait eu vent' de sa présence à =Skrolycka et depuis longtemps il la guettait, mais, lors de ses derniers passages, Kattrinna se trouvait chez elle et l'avait empêché d'entrer. Arrivé près de la cabane, le vieux s'arrêta en face de la petite fille, s'arc-bouta solidement sur son bâton et récita comme un perroquet « Voici =JohanUtterAgrippaPrâstberg, tambour au service du roi et du royaume; il a essuyé des balles et de la poudre et ne craint ni Dieu ni diable. Y a-t-il quelqu'un à la maison?» =Claire-Belle n'eut rien à répondre. Passant devant elle, il entra dans la cabane, et dirigea aussitôt ses pas vers la grande horloge. La petite se précipita à sa suite et s'efforça de le persuader que la pendule allait fort bien : elle n'avançait ni ne retardait. Elle n'avait pas besoin d'être réparée. « Comment une pendule dont =JohanUtterAgrippaPristberg ne s'est pas occupé pourrait-elle aller? » dit le vieux. Comment donc avez-vous volé? Nul jamais ne vous accusa. Mon maître m'enseigna un charme : quand il était sur le toit d'une maisôn, il répétait sept fois certain mot. Puis j'embrassaissuun rayon de lune et je descendais dans la maison, Il où je prenais sans difficulté tout ce que je voulais. Et, quand je désirais m'en retourné ,je répétais sept fois les paroles magiques, j'embrassais de nouveau le rayon de lune et remontais comme par une échelle. - « Enseignez-moi ces paroles », fit-elle. qemm nomme, - Elles sont très faciles, dit-il : c'est le mot aüls sept fois répété. Les paroles dites, le rayon de lune me portait très aisément. Et, dans la maison où je les avais prononcées, ni grand ni petit ne s'éveillait. - Par =Saint-Maur 1 dit la femme, voilà un charme qui vaut un grand trésor. Si j'ai jamais parent qui ne puisse vivre IQ autrement, je lui enseignerai ce charme-là, et je le rendrai riche. » Le prud'homme lui dit alors de se taire et de s'endormir, car il avait assez veillé et avait grand sommeil. Elle le laissa reposer et il se mit à ronfler. Quand le vilain l'entendit, il le crut endormi. Il n'avait pas oublié le charme : il le répéta sept fois, embrassa un rayon de lune, y noua ses pieds et ses mains et tomba à terre, où il se brisa la cuisse droite et le bras droit. Le prud'homme éveillé, parut effrayé du bruit et demanda qui menait tel vacarme. - « Je suis, dit l'autre, un, larron, et j'ai, par malheur, entendu votre discours. Votre harme m'a si bien porté que je suis mort et blessé'. » i On se saisit du larron et l'on courut chercher la justice pour le lui livrer. =Claude a pour ami =Pierre, un garçon plus âgé et mire, il le trouve intelligent, audacieux, adroit. Le justice de cette dernière qualité.] Il y avait un entre nous: on ne devait pas Il me dit un jour « Viens, nous allons jouer à =GuillaumeTell. J'ignorais ce =Suisse hardi. En quatre mots, =Pierre me son histoire, et me met au fait. L'héroïsme m'enflamme veux aussitôt l'imiter. =Pierre me dit : «Prends cette pomme et mets-la sur ta tête. l'abattre d'un seul coup. » Il me pose une pomme en équilibre sur le recule de quatre pas; il n'avait point d'arbalète, mais un fusil à ressort, dit Eureka, joqui lançait de courtes munies à leur extrémité d'une rondelle de caoutchouc rement évidée en son milieu, de sorte qu'elle pût =adherer sur la cible, par une espèce de succions. =Pierre épaule soin =l'Eureka. Bien que frémissant d'enthousiasme pensée de reproduire une action si haute, je ne pas plus que le jeune =Tell sous le regard de l'infâme Gessler devant son père malheureux. Mon ami vise lentement, assure exactement son coup; il presse la gâchette, et reçois la flèche dans l'oeil. Ce n'était pas dans le programme je mais j'en vis trente-six chandelles. Voilà =Pierre affolé et moi bien davantage, car la fléchette s'était collée à mon orbite, et, étant neuve, elle adhérait parfaitement. Je la détache, me frotte l'oeil, qui pleure un peu. =Pierre l'examine, souflle dessus, et, pour se rassurer lui-même, il me rassure.